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vendredi 8 janvier 2021

« Montrer son bébé mort sur Instagram permet d’éviter le déni d’autrui »

Publié le 7 janvier 2021

Michael Stora, psychologue et psychanalyste, cofondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines, interroge la nouvelle pratique qui consiste à utiliser la plate-forme comme un cimetière numérique de nouveau-nés décédés.

« S’il est nécessaire de parler du deuil périnatal, les réseaux sociaux offrent un soutien très limité : pouvoir en parler est primordial, mais a-t-on vraiment besoin de le montrer ? », s’interroge Michael Stora.

L’usage d’Instagram peut-il être bénéfique pour surmonter un deuil périnatal ?

L’utilisation du réseau social Instagram peut être aussi salvateur que destructeur dans le cadre d’un deuil périnatal. La perte d’un bébé est cauchemardesque dans l’imaginaire collectif. En général, les cauchemars, on évite d’en parler. Mais sur Instagram, le deuil périnatal s’expose de façon très explicite, comme d’autres sujets tabous, d’ailleurs. La culture du « montrer » existe depuis longtemps, avec certains bons côtés : elle brise le « vivons cachés », la culture du secret. De ce point de vue, les réseaux sociaux ont bouleversé nos habitudes sur de nombreux sujets. Dans le cas d’un bébé qui meurt, les familles font souvent face au déni d’autrui. En l’illustrant sur Instagram, on supprime la question du bébé imaginaire : ce que l’on vit est bien réel. Dans ce partage, on force l’autre à reconnaître notre réalité. On a aussi la possibilité d’échanger avec ceux qui ont vécu la même chose. Quitte, parfois, à tisser des liens très forts malgré l’aspect virtuel et à voir s’établir une communauté de soutien non négligeable.

Quand on se trouve dans ce type de situation, quel type de soutien peut-on réellement attendre de la part des réseaux sociaux ?

Si Instagram permet cela, n’oublions pas que l’action de montrer donne beaucoup de pouvoir au regard de l’autre. Comme si on attendait de ce regard qu’il vienne confirmer ce que l’on vit intérieurement. S’il est nécessaire de parler du deuil périnatal, les réseaux sociaux offrent un soutien très limité : pouvoir en parler est primordial, mais a-t-on vraiment besoin de le montrer ?

D’autant que ces images ont parfois un côté insoutenable…

De manière générale, Instagram cultive l’hypermontré, le concept du « waouh », et flirte avec l’exhibitionnisme. Quand vous tapez #stillborn, vous faites face à une mosaïque de centaines de milliers d’images de bébés morts. C’est très violent. Quand on tombe dessus sans y être préparé, on vit une sorte d’effraction émotionnelle, renforcée par l’ergonomie de la plate-forme. Le spectateur est sidéré, et à ce moment-là, l’objectif de sensibilisation au deuil périnatal est éclipsé par le choc.

www.omnsh.org/michael.stora


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