En ce début du XXIème siècle, quelles sont les tendances pour l’utilisation des antidépresseurs par les adolescents ? Dans un contexte où plusieurs voix (comme la Food and Drug Administration des États-Unis[1]) se sont élevées ces dernières années contre les risques de prescriptions inappropriées d’antidépresseurs chez des enfants ou des adolescents (susceptibles d’aggraver parfois le risque de pensées ou de comportements suicidaires), une étude épidémiologique réalisée en Norvège confirme l’augmentation de l’usage de ces médicaments chez les jeunes de 13 à 17 ans.
L’analyse des registres norvégiens de prescriptions montre en effet que la prévalence de leur consommation est passée de 0,64 % à 0,91 % entre 2004 et 2013, soit une augmentation d’environ 42 % en une dizaine d’années. Cette hausse est surtout marquée depuis 2010, et concerne plus particulièrement les jeunes filles de 17 ans, pour lesquelles la prévalence de consommation passe de 1,78 % en 2010 à 2,75 % en 2013, soit une augmentation de près de 55 % en trois ans. Dans plus de trois quarts des cas (78,4 %), le premier produit prescrit est un antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine. Parmi les autres médicaments psychotropes, viennent ensuite la mélatonine (24,6 %), les neuroleptiques (13,2 %), les psychostimulants (8,8 %) et les anxiolytiques (6 %). Notons que cette faible fréquence des anxiolytiques s’avère très surprenante, quand on connaît l’intérêt classique à prescrire un anxiolytique associé à un antidépresseur, afin d’éviter un raptus suicidaire facilité par une levée des inhibitions préalable à la normalisation thymique, d’autant plus que ce risque suicidaire « iatrogène » se révèle plus fréquent chez les enfants et les adolescents sous antidépresseurs[2].
Quoi qu’il en soit, cette étude révèle aussi que dans la plupart des cas (85 %) où un incident thérapeutique fut observé, les intéressés « avaient été en contact avec un spécialiste », ce recours au psychiatre « pouvant indiquer que l’emploi de ces médicaments » (antidépresseurs ou, plus généralement, psychotropes) concerne surtout « les adolescents avec la symptomatologie la plus sévère. »
[2] Mark Olfson & coll.: Antidepressant drug therapy and suicide in severely depressed children and adults. A case-control study. Arch Gen Psychiatry.2006; 63: 865-872.
Dr Alain Cohen
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