Anne Bayle-Iniguez 15.12.2016
En six mois, l'association Jean-Louis Mégnien de lutte contre la maltraitance et le harcèlement à l'hôpital public a récolté près de 200 témoignages de praticiens (PH-et PU-PH), cadres et soignants hospitaliers qui se disent victimes sur leur lieu de travail de propos et de conduites inappropriés de la part de confrères et/ou de membres de la direction. Plusieurs de ces praticiens et PU-PH en souffrance ont raconté leur histoire au « Quotidien ».
« On me guettait pour une erreur médicale que je n'ai jamais produite »
Par péché de jeunesse, j'ai mis en danger l'autorité de mon chef de service en public, qui n'était pas très investi mais affamé de pouvoir. On m'a exclu des congrès, des staffs et des formations. On me guettait pour une erreur médicale que je n'ai jamais produite. Plus je m'investissais, plus j'étais harcelé. C'est là que j'ai commencé à douter de moi.
« Je donnerais tout pour savoir pourquoi on m'a fait ça »
Mon chef de service n'a pas voulu me reprendre après ma mise en disponibilité. J'ai été accusé de relations conflictuelles puis écarté dans un hôpital périphérique. On m'a retiré les gardes alors que mes compétences n'ont jamais été remises en question. Je donnerais tout pour savoir pourquoi on m'a fait ça.
« On isole, on traite de harceleur le harcelé »
C'est toujours le même schéma : on isole, on traite de harceleur le harcelé puis on sort du chapeau l'excuse d'une activité insuffisante pour fermer votre service et vous pousser vers la sortie, sous le regard de collègues muets et d'un directeur qui laisse pourrir la situation.
« On m'a placé à mi-temps puis à l'écart jusqu'à être quasiment viré »
J'ai déposé plainte contre la direction et le président de la commission médicale d'établissement pour harcèlement moral. On m'a placé à mi-temps puis à l'écart jusqu'à être quasiment viré de l'établissement. Je suis né pour être médecin, pas pour travailler en présence d'un directeur dangereux qui gère l'hôpital de façon dictatoriale.
« L'égoïsme permanent des médecins est d'une tristesse sans nom »
J'ai subi la campagne de dénigrement d'un directeur qui applique la loi des petits chefs, en nommant des gens pas très compétents mais totalement asservis. J'ai été marqué par l'indifférence de mes collègues. L'égoïsme permanent des médecins est d'une tristesse sans nom. Il n'y a pas d'esprit de corps à l'hôpital.
« Mon directeur s'appuyait sur un clan de médecins »
Mon directeur s'appuyait sur un clan de médecins, les autres devaient se taire ou quitter l'établissement. Un confrère a été totalement mis sur la touche. S'il avait été fragile psychologiquement, il se serait passé la même chose qu'à l'hôpital européen Georges-Pompidou [où s'est suicidé le Pr J.-L. Mégnien, NDLR]. Je me suis barré.
« Le chef de pôle a fait jouer la rumeur »
Pour se débarrasser de moi, le chef de pôle a fait jouer la rumeur. Le harcèlement n'est jamais direct et frontal. J'ai su que c'était fini quand le directeur m'a dit qu'il se foutait de l'efficacité de ma méthode de soins. Tout ce qui l'intéressait, c'était d'avoir une offre. Je suis parti travailler à l'étranger. J'y suis à mon tour directeur médical et heureux.
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