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samedi 17 décembre 2016

Et si l’Hexagone perdait son trône...

16.12.2016
Obésité, diabète, sida, maladies cardio-vasculaires… Comme la plupart des pays d’Europe, la France souffre, de plus en plus, de maladies chroniques. Son système de santé, récemment mis en avant par les politiques, demeure réputé, mais est-il le plus efficace pour lutter contre ces maux typiques des pays développés ?
Les performances de la France en matière de santé demeurent souvent citées comme exemple, sont parfois critiquées et ont dernièrement été mal notées. Mais qu’en est-il réellement ? En 2000, l’OMS faisait l’éloge du système de santé français. En mai 2016, la revue britannique The Lancet lui a même consacré un numéro spécial... Avant de publier une étude en septembre qui ne le classe qu’en 24e position, loin derrière l’Islande (1er), la Suède (3e), le Royaume-Uni (5e) ou encore l’Espagne (7e).
Selon le rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la santé en Europe rendu public fin novembre, la France reste néanmoins en tête de peloton pour certains indicateurs de santé (notamment au niveau de l’espérance de vie). En revanche, le pays arrive en bas du classement européen pour d’autres critères. Couverture vaccinale, taux de suicide, prévalence du diabète, consommation d’alcool ou de drogue, tabagisme… Tous ces facteurs font que, si l’Hexagone mérite les encouragements, il faudra faire encore des efforts avant d’obtenir les félicitations.

La santé française a le cœur solide
Le rapport de l’OCDE est formel, les Français vivent vieux et relativement en bonne santé. Avec 82,8 ans d’espérance de vie à la naissance, la France se place 3e juste derrière l’Espagne et l’Italie. Elle décroche la palme en ce qui concerne les années de vie en bonne santé et l’espérance de vie à partir de 65 ans, avec une moyenne de 24 ans pour les femmes et 19,7 ans pour les hommes. Les pays en bout de liste demeurent les pays baltes et ceux de l’est de l’Europe, notamment la Lettonie et la Bulgarie où on ne vit que jusqu’à 74,5 ans en moyenne. Petit bémol : la France et l’Italie notent en 2015 une diminution de l’espérance de vie à la naissance. Or ce serait la première fois depuis de nombreuses années. D’après les experts, ce phénomène serait principalement dû à une hausse conjoncturelle du taux de mortalité chez les seniors de plus de 65 ans. Une épidémie de grippe particulièrement longue et certaines fluctuations météorologiques en seraient les responsables.
Les taux de mortalité, toutes causes confondues, restent les plus bas en Espagne, en France et en Italie, avec environ 900 morts voire moins pour 100 000 habitants. Les taux les plus élevés sont constatés en Bulgarie, Lettonie, Roumanie et Lituanie, avec 1 500 morts pour 100 000 habitants (soit un écart de plus de 50 %). Les causes de décès majeures en Europe restent les maladies cardio-vasculaires (34 %), cancer (30 %) et les maladies respiratoires (9 %). Et, justement, si on regarde le nombre de décès causés par un AVC ou des ischémies cardiaque, la France est le pays qui en comptabilise le moins, suivi du Portugal (moins de 150 décès sur 100 000), à l’inverse de la Lituanie, la Lettonie ou la Slovaquie avec plus de 400 morts pour 100 000 personnes. Apparemment, les ischémies cardiaques sont responsables de 13 % des décès en Europe en 2013 avec 644 000 morts. Quant aux AVC, ils représentent 9 % des décès dans l’UE. La Bulgarie, la Roumanie et la Lettonie en souffrent particulièrement, avec plus de 200 morts sur 100 000 habitants.
Mieux encore, peu de décès en général sont considérés comme évitables en France, en particulier grâce à la qualité des soins prodigués. Si des décès peuvent être évités, c’est soit par le biais de stratégies de prévention efficaces (décès prévisibles), soit grâce aux capacités des professionnels de santé à apporter les soins au bon moment (décès altérables). L’Hexagone est le pays qui compte le moins de décès altérables (73 pour 100 000 habitants), avant l’Espagne et l’Italie, et à l’opposé des 320 pour 100 000 comptabilisés en Lettonie. Ceci s’explique en partie par le fait que les principaux décès altérables sont causés par des ischémies cardiaques (32 %). Toutefois, au niveau des décès prévisibles, la France chute en 8e position. Phénomène qui se généralise dans l'ensemble de l’UE avec 204 décès prévisibles sur 100 000 en moyenne, soit presque deux fois plus que de décès altérables. L’Italie avec Chypre et l’Espagne arrive en tête avec 143 morts pour 100 000, et c’est encore les pays baltes qui restent à la traîne.
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Sport et obésité : un bilan contrasté
La France doit donc faire des efforts sur la prévention, mais elle n’est pas la seule : la plupart des membres de l’UE aussi. Et l’Hexagone reste d'ailleurs épargné en ce qui concerne la montée du surpoids et de l’obésité. Cette observation faite par les experts de l’OCDE converge avec le classement du Lancet. Effectivement, le pays a subi une augmentation moins marquante du surpoids infantile tout comme le Royaume-Uni et l’Autriche. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de la Grèce et de l’Italie qui comptent un enfant sur trois en surcharge pondérale. Toutefois, la France n’a pas été autant épargnée par ce problème chez l’adulte avec un nombre de personnes obèses de près de 15 %. La moyenne en Europe est à peine supérieure avec 16 % en 2014 (11 % de plus qu’en 2000). Ces chiffres fondés sur l’enquête EHIS2 sont en accord avec ceux du BEH.
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SCIENCE SOURCE/PHANIE
Étrangement, les chiffres sont inversés au niveau de l’activité physique. Alors que 70 % des adultes en France atteignent les recommandations de l’OMS (150 minutes d’activité physique modérée par semaine), les jeunes français entre 11 et 15 ans sont avant-derniers au niveau de la pratique sportive.  
Et puis, bonne nouvelle pour l’Europe, ça va mieux sur le front de la qualité de l'air. Les émissions de particules fines ont décru de 27 % entre 2003 et 2013. Et, même si l’exposition à des particules de moins de 22,5 microns causerait 48 000 morts prématurées par an en France, celle de la population urbaine reste en peu en dessous de la moyenne européenne. En parallèle, le taux de mortalité par maladies respiratoires est relativement faible dans notre pays. C’est même celui qui recense le moins de morts par BPCO en 2013, avec 16 décès sur 100 000 personnes, alors qu’il est le 3e pays avec le plus grand nombre de cas rapportés (5,6 % de la population de plus de 15 ans). Les résultats sont similaires pour l’asthme où l’on dénombre presque 9 % des individus atteints. Mais si des pays comme la Roumanie présentent un nombre aussi faible d’asthmatiques (2 %), le sous-diagnostic en serait la raison principale.
Les cancers augmentent, mais sont bien soignés
En cancérologie, la France reste dans le quartile où le taux de mortalité par cancer est le plus faible (environ 250 morts sur 100 000 individus), derrière Chypre ou la Finlande, la moyenne européenne étant en peu en dessous de 300 décès sur 100 000. Pourtant, elle est l’un des territoires où l’incidence est la plus importante. Comme le Danemark, la Belgique et la Norvège, la France a enregistré plus de 300 nouveaux cas de cancers pour 100 000 habitants en 2012. Inversement, la Grèce et Chypre n’ont rapporté que 200 cas sur 100 000. Ces disparités peuvent refléter des variations de facteurs de risques dans la population europénne mais elles proviendraient surtout des divergences de politiques de dépistage mises en œuvre. Il est aussi probable que les données rapportées ne soient pas toutes de la même qualité.
Au niveau du dépistage, la France est en 4e position pour le cancer du col de l’utérus, ce qui peut expliquer le faible taux de mortalité pour ce cancer. À l’opposé, même si la mortalité pour le cancer du sein dans l’Hexagone reste proche de la moyenne européenne, le pays est en bout de file pour les mammographies, avec un peu plus de 50 % de femmes dépistées entre 50 et 69 ans. Point positif : à l’exception de l’Estonie et de la Pologne, les autres membres de l’UE atteignent un taux de survie à 5 ans de 80 % pour ce cancer. Autre problème de santé publique majeur : le VIH avec plus de 500 000 personnes qui vivent avec en Europe en 2014. La France présente 6,6 nouveaux cas sur 100 000 personnes, contre 5,9 en moyenne européenne.
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Cigarette, drogue et alcool
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VOISIN/PHANIE
Le constat reste mitigé au niveau des addictions. Si The Lancet avait mal classé la France concernant la consommation de tabac et d’alcool, le rapport de l’OCDE a confirmé cette évaluation. L’Hexagone compte entre 20 et 25 % de fumeurs quotidiens adultes, alors que 12 des 28 pays sont en dessous des 20 %. Si l’on se penche sur le tabagisme précoce, c’est pire : 20 % des filles et 18 % des garçons de 15 ans fument au moins une fois par semaine en France, contre 14 % en Europe et moins de 10 % au Royaume-Uni pour les deux sexes. Les Français aiment aussi lever le coude avec près de 12 l d’alcool pur absorbé en 2014 contre moins de 8 l en Suède et plus de 14 l en Lituanie.De même, l’usage des drogues, et en particulier du cannabis, est assez fréquent chez les Français entre 15 et 34 ans. Ils sont près de 22 % à avoir consommé de la marijuana durant l’année 2014, contre 13,3 % dans l'ensemble de l'UE.
Quand la France arrive au bas du classement de l’OCDE
Enfin, les données françaises sont parmi les moins bonnes, voire les pires pour certains indicateurs, et pas des moindres ! En 2015, on estime à 9,6 millions les personnes souffrant de démences en Europe, ce qui équivaut à une personne sur 50. L’Italie et l’Allemagne montrent une forte prévalence avec plus de 20 personnes sur 1 000 atteintes, la France arrivant après. Ces résultats pourraient être liés au vieillissement de la population avec l’augmentaion de l’espérance de vie.
D’autre part, avec 25 décès contre 20 pour 100 000 personnes, la France présente un taux de mortalité par suicide au-dessus de la moyenne de l’UE. Ces données concordent aussi avec celles du Lancet. Apparemment, les pays du Sud ont les taux les plus bas avec le Royaume-Uni, contrairement aux pays de l’Est.
Des études précédentes avaient démontré un lien avec les mauvaises conditions économiques. Une hausse des suicides a été constatée à la suite de la crise de 2008, en particulier chez les hommes.

La France est également le pays où le plus de personnes adultes ont déclaré être diabétiques (10 %) lors de l’étude par entretien EHIS 2 de 2014, toujours d’après l'OCDE. Résultat surprenant sachant que 4,7 % des Français étaient traités pour cette pathologie en 2013 selon l’INVS. D’ailleurs ceci paraît d’autant plus étrange vu que le pays n’est pas mal noté au niveau des principaux facteurs de risques (obésité et activité physique). Pour comparaison, 7 % des personnes interrogées ont affirmé souffrir de diabète en Europe contre seulement 4,4 % en Lituanie.
Enfin, si 99 % des enfants d’un an étaient vaccinés contre la coqueluche, la diphtérie et le tétanos en France en 2014 (qui restent des vaccins obligatoires), ils étaient 89 % à l’être contre la rougeole et 82 % contre l’hépatite B face à une moyenne européenne de respectivement 94 % et 91 %, selon les données de l'OMS. Les experts de l'OCDE remarquent également des changements de comportements à l’égard du vaccin contre la grippe probablement à la suite de l’épidémie du virus H1N1 en 2009. Si la France reste légèrement en dessous de la moyenne, avec 48,6 % de seniors de plus de 65 ans vaccinés, les statistiques ont chuté de plus de 20 % entre 2004 et 2014. L'Hexagone n’est cependant pas une exception, une descente aussi spectaculaire ayant été constatée en Italie, au Luxembourg ou en Slovaquie.
Des milliers de chiffres à exploiter
Les travaux du Lancet comme ceux de l’OCDE évaluent l’état de santé des populations. Ces paramètres figurent parmi les objectifs de développement durable portés par les Nations Unis.
Alors que les travaux du Lancet se situent à l’échelle mondiale, le rapport de l’OCDE comporte des chiffres provenant de données de l’UE sur les soins de santé réalisés conjointement par l’OCDE, Eurostat et l’OMS. De même, les statistiques de certains indicateurs proviennent de la seconde étude européenne par entretien sur la santé (EHIS 2) qui s’est déroulée en 2014. Les pays qui y ont participé ont tenté de garantir une certaine comparabilité en utilisant un questionnaire standard et des recommandations en matière de traduction. Malgré cela, certains indicateurs peuvent être sous-évalués, notamment des diabétiques qui peuvent ignorer leur maladie.


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