« Mort par sédation une nouvelle éthique du “bien mourir” ? », d’Emmanuel Hirsch, Edition Eres, 209 pages. « La mort est-elle un droit ? », de Véronique Fournier, La Documentation française, 163 pages. « Les Mots de la fin de vie », de Bernard Devalois, Presses universitaires du Midi, 128 pages.
Jugée trop timorée par les partisans de l’euthanasie, et à l’inverse trop floue, voire équivoque, par les militants pro-vie, la loi Claeys-Leonetti va-t-elle bouleverser la façon dont on meurt en France ?
Chacun dans leur domaine, trois spécialistes de la fin de vie, Emmanuel Hirsch, Véronique Fournier et Bernard Devalois décryptent dans trois ouvrages les conséquences pratiques et les enjeux éthiques du texte adopté le 27 janvier à une large majorité par les parlementaires de la majorité et de l’opposition. Des analyses très différentes qui témoignent de la part d’ambiguïté contenue dans la promesse de François Hollande en 2012 de mettre en place une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».
L’accès à la « sédation profonde et continue » jusqu’au décès pour les malades en phase terminale, mesure phare du texte, n’est qu’une « dernière prudence sémantique », un « succédané provisoire à l’euthanasie », juge Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris-Sud-Paris-Saclay, dans son livre Mort par sédation, une nouvelle éthique du « bien mourir » ? « Ce qui est mis en œuvre aujourd’hui est organisé pour que le processus aboutisse demain », dit-il.
Dénonçant avec vigueur la mise en place d’un « anéantissement médicalisé », fût-il réalisé à la demande du patient, il s’inquiète des « bouleversements profonds » que va entraîner la loi promulguée le 2 février.
« Une ébauche de solution »
Distinguant la « sédation bien traitante » prévue par la nouvelle loi de la « sédation euthanasique », Bernard Devalois, anesthésiste-réanimateur à la tête d’un service de médecine palliative à l’hôpital de Pontoise (95), assure que le risque d’une « dérive » de l’une à l’autre est « loin d’être théorique ».
Pour un patient dont le pronostic n’est pas engagé à court terme, la sédation profonde et continue « va entraîner la mort, non pas du fait de la maladie, mais du fait de l’insuffisance rénale », explique-t-il dans son abécédaire. Comme le prévoit la loi, ce dispositif ne doit donc être utilisé que pour des patients en « extrême fin de vie », met en garde Bernard Devalois.
Pour Véronique Fournier, responsable du centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin et présidente du nouveau Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, la loi a « apporté des changements plus conséquents qu’il n’y paraît à première vue ». Adoucissant les critiques qu’elle avait pu émettre au moment de l’examen du texte au Parlement, elle estime dans La mort est-elle un droit ? que le « choix d’ouvrir un droit d’accès à la sédation terminale »constitue finalement une « exception originale », une « ébauche de solution » et, somme toute, « une nouvelle étape capitale » pour améliorer les conditions de la fin de vie en France.
Elle aussi fait le pari que la nouvelle loi Claeys-Leonetti est loin d’avoir mis un point final au débat sur la fin de vie, prédisant qu’« il suffira probablement d’une nouvelle affaire emblématique ou de la prochaine élection présidentielle pour remettre le feu aux poudres ».
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