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mardi 14 septembre 2021

Ariane Geffard, l’agente du féminisme

Par  Publié le 15 septembre 2021 

La jeune femme de 36 ans accompagne de nombreuses autrices engagées dans leurs projets, parfois bien au-delà du monde de l’édition. Parmi celles-ci, Titiou Lecoq et Mona Chollet, qui publient chacune un nouvel essai. 

Ariane Geffard, à Paris, le 6 septembre 2021.

Au soleil, en terrasse d’un café parisien, place de la Bastille, où elle a ses habitudes, on a craint un instant que les rayons compromettent son teint de porcelaine. Mais les apparences sont trompeuses : sous ses airs de délicate poupée rétro, Ariane Geffard a le cuir épais. Et le tempérament aventurier. En cette rentrée, l’agente littéraire de 36 ans, qui a créé il y a cinq ans sa structure avec son associée, Laura Biberson, et s’est spécialisée pile au bon moment dans l’­accompagnement d’autrices féministes, a du pain sur la planche.

Son écurie est partout : Camille Emmanuelle, la femme du dessinateur Luz, raconte son après-Charlie dans Ricochets (Grasset), la chanteuse Clara Ysé, fille de la psychanalyste Anne Dufourmantelle, publie son ­premier roman, Mise à feu (Grasset), Titiou Lecoq son nouveau récit, Les Grandes oubliées (L’Iconoclaste), Mathieu Palain a sorti fin août son second roman, Ne t’arrête pas de courir (L’Iconoclaste), en attendant bien sûr Mona Chollet. L’essayiste engagée, devenue une référence en 2018 avec Sorcières (260 000 exemplaires vendus), présente, le 16 septembre, un essai au thème stimulant : comment aimer les hommes quand on est féministe, Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles (La Découverte).

Fille d’une militante MLF

En amont de ces publications, Ariane Geffard a aidé à choisir les éditeurs et négocié les contrats. En aval, elle est occupée à gérer les succès (ou les déceptions) et à faire fructifier les renommées, en vendant les droits audiovisuels en vue d’adaptations en film, podcast ou série, en réfléchissant avec les auteurs à la bonne stratégie de carrière, en facilitant les rencontres fertiles avec des producteurs, des éditeurs, des programmateurs, pour faire fleurir les carrières de ses clients. Alors que le mouvement #metoo a donné un coup de jeune au mot « féminisme », générant dans le milieu du livre une avidité de projets sur la question, Ariane Geffard a de quoi faire.

Si elle s’est un temps cherchée, a connu quelques années « d’errance professionnelle », cette native de Bordeaux n’a en revanche, assure-t-elle, jamais eu de doutes sur son engagement. Fille d’une militante du MLF – qui gère aujourd’hui au sein de sa structure la branche consacrée à la littérature ­jeunesse –, baignée depuis toute petite « dans la culture des luttes sociales », elle aurait, dit-elle, imprimé cette coloration sur n’importe quel métier : « Si j’avais été prof, j’aurais été prof ­féministe. »

Après des études de philosophie axées sur le cinéma et le genre, et un diplôme de communication du Celsa, elle est entrée dans l’édition par la petite porte. Celle du 27, rue Jacob, qui fédérait au mitan des années 2010 une clique d’éditeurs, d’auteurs et de journalistes autour des éditions des Arènes, de L’Iconoclaste et des revues XXI et 6Mois. Geffard y fut réceptionniste, avant de devenir programmatrice des événements culturels du lieu. Mais, au bout de trois ans et demi, elle met les voiles, sans plan de carrière.

Une manne à explorer

Restée proche de Florent Massot, qui publie en 2017 Un autre regard, la BD phénomène de la blogueuse et autrice Emma sur la charge mentale, elle propose à la jeune femme de la représenter. Elle l’aide à gérer les sollicitations qui affluent (de France et de l’étranger), s’inventant ainsi sur le tas agente littéraire. Avec Emma, donc, mais aussi Mona Chollet, Iris Brey, Jüne Plã (créatrice du compte Instagram ­@jouissance.club) ou Titiou Lecoq, elle se fait un nom, une réputation et, surtout, un réseau.

De femmes, principalement, dans l’édition, donc, mais aussi le cinéma ou la télévision, qui voient dans le renouveau féministe une manne à explorer. Le Regard féminin, l’essai d’Iris Brey sur le female gaze au cinéma, est ainsi en cours d’adaptation, et l’essayiste s’apprête à réaliser sa propre série. Camille Emmanuelle a, elle, deux séries en cours d’écriture ; le couple Capucine et Simon Johannin, jeunes coqueluches de la littérature indé, travaille sur un long-métrage et une série.

Plus d’hommes, plus de secteurs

Judith Nora, la productrice qui développe (avec son associée Priscilla Bertin au sein de leur société, Silex Films) un projet à partir du Sorcières de Mona Chollet, s’enthousiasme d’avoir trouvé en Geffard une interlocutrice « avec qui [elle] peut échanger sur l’éditorial, créer des synergies avant de parler argent ». « C’est rafraîchissant », note-t-elle.

Créatrice des éditions L’Iconoclaste, Sophie de Sivry regarde elle aussi avec excitation « l’ascension spectaculaire » d’Ariane Geffard. « Elle a trouvé une place singulière dans le paysage éditorial, explique-t-elle. Elle a un positionnement marqué du côté du féminisme, mais sa plus grande qualité est d’être à l’affût. Elle va chercher des talents du côté du monde du spectacle, de l’illustration ou d’Internet. Avec elle, on sait qu’on va trouver des voix qui n’ont pas encore émergé. »

Aujourd’hui bien installée, Ariane Geffard vise d’ailleurs la diversification. Plus d’hommes, plus de secteurs (elle représente depuis quelques mois la cheffe Manon Fleury, dont elle a négocié, au printemps, ­l’arrivée aux commandes du restaurant du Monte-Carlo Beach Club), mais toujours le féminisme en marqueur ADN.



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