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lundi 19 avril 2021

« Le destin final de l’Univers dépend de l’énergie sombre »

Propos recueillis par   Publié le 12 avril 2021

Le cosmos disparaîtra un jour. Mais quand ? Et comment ? L’astrophysicien Jean-Pierre Luminet décrit les différents scénarios possibles.

Jean-Pierre Luminet, en 2009.

Directeur de recherche du CNRS au Laboratoire d’astrophysique de Marseille, Jean-Pierre Luminet a rédigé plusieurs ouvrages sur la cosmologie, comme Le Destin de l’Univers (Fayard, 2006) ou, plus récemment, L’Ecume de l’espace-temps (Odile Jacob, 2020).

A l’échelle des temps cosmologiques, la disparition de la vie sur Terre dans quelques centaines de millions d’années est une prédiction à très court terme et la mort du Soleil dans environ 5 milliards d’années, un scénario à brève échéance. A long terme, c’est l’Univers lui-même qui va « mourir ». Quelles hypothèses les théoriciens ont-ils élaborées à ce sujet ?

Avant toute chose, je tiens à signaler un fait intéressant : à peu près à la même époque où le Soleil se transformera en géante rouge, la Voie lactée et la galaxie d’Andromède, qui sont actuellement en phase de rapprochement, devraient fusionner. Or les collisions entre galaxies produisent des flambées de nouvelles étoiles. Au moment où le Soleil mourra, ailleurs, dans les zones de contact entre la Voie lactée et la galaxie d’Andromède, naîtront donc de nombreuses étoiles…

Pour en revenir aux scénarios d’évolution de l’Univers, il y en a trois. Le premier, c’est celui de l’« Univers fermé », le deuxième, celui de l’« Univers ouvert décéléré » et le troisième, celui de l’« Univers ouvert accéléré ». Chaque scénario dépend des paramètres fondamentaux de l’Univers, à savoir, essentiellement, la répartition de la matière et de l’énergie.

Commençons par le premier, celui de l’« Univers fermé »…

Il prévoit qu’à une phase d’expansion succède une phase de contraction. Celle-ci commence quand l’Univers a environ 60 milliards d’années (il en a un peu moins de 14 aujourd’hui), à un moment où toutes les étoiles de type solaire se sont transformées en naines blanches et toutes les étoiles massives en étoiles à neutrons ou en trous noirs.

Lors de cette contraction, l’Univers repasse plus ou moins par les mêmes stades que lors de la première partie de sa vie, mais à l’envers. Sauf que, bien sûr, les étoiles mortes ne se rallument pas. Au fur et à mesure que la matière se rapproche sous l’effet de la contraction, les trous noirs grossissent de plus en plus. La température moyenne du cosmos se réchauffe. Cent millions d’années avant la fin, l’Univers est mille fois plus petit qu’aujourd’hui et les galaxies fusionnent. Un mois avant la fin, c’est au tour des trous noirs de fusionner entre eux. A la fin, il ne reste plus que des quarks, des particules fondamentales, puis tout devient quantique.

Ce modèle où l’Univers commence par un Big Bang et se termine par un Big Crunch a beaucoup plu il y a un siècle car certains imaginaient un « Univers phénix », cyclique, qui renaissait éventuellement de ses cendres…

Que se passe-t-il dans le modèle de l’« Univers ouvert décéléré » ?

A partir des années 1930, on est passé à ce scénario, qui a eu la faveur des chercheurs jusqu’à la fin des années 1990. Contrairement au modèle précédent, après 60 milliards d’années, l’Univers continue de se diluer, son expansion se poursuit à un rythme de plus en plus lent. La température du cosmos tend, peu à peu, vers le zéro absolu.

Sur des échelles de temps très lointaines, toutes les étoiles finissent par s’éteindre (mille milliards d’années), puis les galaxies se réduisent essentiellement à leur énorme trou noir central (un milliard de milliards d’années). On obtient donc un cimetière de trous noirs géants et, si on admet leur évaporation prévue par Stephen Hawking, même ces derniers finissent par disparaître au bout de 10105 années. Et si on passe à des échelles de temps démentielles, il ne reste plus qu’un bain de photons dans un Univers très froid. C’est le scénario dit du Big Chill.

Aujourd’hui, on privilégie le troisième scénario, celui de l’« Univers ouvert accéléré »…

Il est dû à la découverte, à la fin des années 1990, grâce à une combinaison de différentes observations, de l’accélération de l’expansion de l’Univers. Elle s’effectue sous l’action d’une composante répulsive et encore mystérieuse, l’énergie sombre, qui l’emporte sur l’attraction exercée par la matière. Pour l’instant, l’expansion de l’espace ne se fait sentir qu’à de très grandes échelles. Mais au fil du temps, elle se fera sentir sur des échelles beaucoup plus petites : ainsi, on finira par ne plus voir les autres galaxies qui, à force de s’éloigner, seront au-delà de l’horizon cosmologique.

Dans l’hypothèse la plus extrême, celle de l’énergie dite fantôme, qui prévoit que l’énergie sombre augmente, les galaxies elles-mêmes ne seront plus maintenues par la gravitation et seront « déchirées » par l’expansion de l’espace. Et ainsi de suite. Toutes les structures vont se défaire, les étoiles, les planètes et même les atomes. C’est ce que l’on appelle le Big Rip, le grand déchirement final, qui pourrait arriver dans seulement 20 à 30 milliards d’années. Mais si l’énergie sombre est constante, tout cela se produira beaucoup plus lentement.

Comment trancher entre tous ces scénarios ?

Le destin final de l’Univers dépend de la vraie nature de l’énergie sombre. Plusieurs modèles existent, le plus naturel étant la constante cosmologique, liée à l’énergie du vide quantique, qui implique un grand déchirement, mais à très long terme. Mais il y a aussi l’énergie fantôme ou encore les modèles – dits de quintessence – des nostalgiques du Big Crunch, qui postulent que l’énergie sombre diminuera dans le futur : dans ce cas, la matière finirait par l’emporter.

Pour trancher, on a des programmes observationnels dont un, très important, est le télescope spatial Euclid de l’Agence spatiale européenne, qui devrait être lancé en 2022. Il fournira tout un ensemble de paramètres pour essayer de mettre des contraintes expérimentales sur l’équation de l’énergie sombre et ainsi éliminer les modèles les plus extrêmes.


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