La décision de justice conclut que cette molécule présente dans le cannabis n’a « pas d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé ». Elle devrait priver de base légale de nombreux procès en France.
Bientôt la fin du flou juridique ? Jeudi 19 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé illégale l’interdiction en France de la commercialisation du cannabidiol (CBD), soulignant que cette molécule présente dans le chanvre (ou Cannabis sativa) n’a « pas d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine ».
L’arrêt de la CJUE concerne le cannabidiol « légalement produit dans un autre Etat membre de l’Union européenne lorsqu’il est extrait de la plante de Cannabis sativa dans son intégralité ». Il devrait, ainsi, priver de base légale de nombreux procès en France.
Le CBD fait partie des nombreux (autour de deux cents, selon l’Organisation mondiale de la santé) cannabinoïdes présents dans le chanvre, aussi appelé « cannabis ». A l’inverse de l’actif le plus connu de la plante, le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), il n’a pas d’effet stupéfiant.
Découvert en 1963, le CBD a fait l’objet d’un puissant effet de mode dès 2018 : en quelques mois à peine, des dizaines de boutiques spécialisées en produits dérivés ont été ouvertes à travers la France, qui ont trouvé une « faille » légale en vendant des produits présentant très peu de THC, mais une concentration en cannabidiol.
« Le CBD ne peut pas être considéré comme un stupéfiant »
La justice européenne avait été saisie en 2018 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, alors que cette dernière était appelée à se prononcer dans l’affaire Kanavape, nom d’une cigarette électronique au CBD lancée en 2014 et présentée comme « 100 % légale » par ses concepteurs, car respectant le taux maximal autorisé de 0,2 % de THC. La cour d’appel estimait, en effet, que la réglementation française sur le CBD pouvait ne pas être compatible avec le droit européen, moins restrictif.
Les deux entrepreneurs marseillais de Kanavape, Sébastien Béguerie et Antonin Cohen, avaient été condamnés en première instance par le tribunal correctionnel de Marseille à 18 et 15 mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi qu’à 10 000 euros d’amende. Les deux hommes se voyaient reprocher l’utilisation d’une huile légalement fabriquée en République tchèque contenant du CBD extrait de la totalité du Cannabis sativa, feuilles et fleurs comprises, alors que la France n’autorise que l’usage des graines et des fibres ou le CBD de synthèse.
Dans son arrêt de jeudi, la CJUE invoque « la libre circulation des marchandises » dans l’UE qui « s’oppose à une réglementation nationale » comme celle de la France, « dès lors que le CBD en cause (…) ne peut pas être considéré comme un stupéfiant ».
L’interdiction de cette substance pourrait, bien sûr, « être justifiée par un objectif de protection de la santé publique ». Cependant, la Cour relève que « d’après l’état actuel des connaissances scientifiques, dont il est nécessaire de tenir compte, à la différence du THC, un autre cannabinoïde du chanvre, le CBD en cause n’apparaît pas avoir d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine ».
Or, la justice européenne estime que « la juridiction nationale doit apprécier les données scientifiques disponibles afin de s’assurer que le risque réel allégué pour la santé publique n’apparaît pas comme étant fondé sur des considérations purement hypothétiques ». « L’interdiction de commercialisation du CBD (…) ne saurait être adoptée que si ce risque apparaît comme suffisamment établi », affirme encore la CJUE.
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