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samedi 21 novembre 2020

Covid-19 : « Les femmes sont plus respectueuses des mesures de confinement et des gestes barrières »


Les hommes et les femmes ne sont pas égaux devant la gestion de la pandémie et celle-ci est un puissant révélateur de différences de comportements entre les sexes, notent, dans une tribune au « Monde », le politiste Martial Foucault et l’économiste Vincent Pons.

Publié le 20 novembre 2020


« La pression éducative qui pousse les femmes à respecter les règles dès leur plus jeune âge explique sans doute une partie de nos résultats. »

Tribune. Les médias ont largement relayé le fait que les pays dirigés par des femmes chefs d’Etat (Allemagne, Nouvelle-Zélande, Taïwan, Islande, Norvège, Finlande, Danemark, Serbie) présentaient un bilan sanitaire plus honorable lors de la première vague épidémique. Ce phénomène reflète peut-être une manière de gouverner plus démocratique et participative et une communication plus claire et donc plus convaincante.

Mais les pays dirigés par des femmes sont aussi plus souvent dotés d’un Etat-providence assurantiel, qui a facilité la gestion de la crise, et ils ne sont qu’une petite vingtaine. C’est trop peu pour identifier l’effet causal du sexe des dirigeants sur le nombre de cas et de décès dus au Covid-19.

En revanche, étudier les comportements ordinaires des hommes et des femmes par rapport à la pandémie ouvre des perspectives d’action publique ignorées jusqu’à présent.

Les résultats de nos travaux, publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), montrent que les femmes interrogées dans huit pays (France, Italie, Australie, Nouvelle-Zélande, Allemagne, Royaume-Uni, Etats-Unis et Autriche) sont plus respectueuses des gestes barrières que les hommes, plus inquiètes des conséquences sanitaires de la pandémie et, enfin, plus enclines à accepter des mesures restrictives.

Le taux de mortalité inférieur des femmes

Ces résultats sont issus d’enquêtes d’échantillons représentatifs dans ces huit pays, soit un total de 21 649 personnes. Les répondants ont été interrogés une première fois entre le 16 et le 30 mars et une seconde fois entre le 15 et le 20 avril. L’enquête a d’abord mesuré les attitudes et représentations face au virus lui-même. En outre, nous avons conçu un bloc de questions autour des mesures sanitaires recommandées par les autorités de santé.

Ainsi, nous avons mesuré les pratiques telles que se laver les mains plus souvent, tousser dans son coude, arrêter de serrer la main ou faire la bise, garder une distance d’un mètre, réduire la fréquence des déplacements, éviter les lieux fréquentés et rencontrer moins d’amis. Ces questions nous ont permis de construire un indice global de respect des mesures sanitaires pour chaque répondant.

Quel que soit le pays et quelle que soit la vague d’enquête, les femmes se distinguent par un niveau de respect systématiquement plus élevé. Il atteint en moyenne 88 % lors de la vague 1 (contre 83 % pour les hommes) et 78 % lors de la vague 2 (contre 72 % pour les hommes). Avec les différences génétiques et en prévalence de comorbidités, ces différences de comportement contribuent à expliquer le taux de mortalité inférieur des femmes.

Un niveau d’empathie et d’altruisme plus élevé chez les femmes

En outre, elles suggèrent que les femmes sont moins responsables de la diffusion de l’épidémie. Quelles explications ? Les différences de comportement entre hommes et femmes ne s’expliquent ni par la situation professionnelle des répondants ni par des variables sociodémographiques corrélées au sexe (âge, niveau d’éducation, revenu, taille du ménage, religion ou niveau de santé). Elles restent fortes lorsqu’on tient compte de différences en matière d’aversion au risque, de préférences politiques ou de confiance envers les scientifiques.

De nombreuses études en sociologie, psychologie et économie étudient les processus par lesquels les inégalités de genre persistent dans des sociétés développées et soulignent le rôle de l’éducation, un des principaux ressorts d’une socialisation différenciée. La pression éducative qui pousse les femmes à respecter les règles et à se conduire en « bonne élève » dès leur plus jeune âge explique sans doute une partie de nos résultats.

En outre, des travaux en neurosciences ont mis en évidence la plus grande propension des femmes à l’empathie, résultat d’une socialisation genrée combinée à des facteurs neurobiologiques. Un niveau d’empathie et d’altruisme plus élevé explique sans doute aussi en partie les différences de comportement observées entre hommes et femmes.

Réduire le coût sanitaire et économique et la durée de la crise

La plus grande partie des mesures sanitaires sur lesquelles nous avons interrogé les répondants protègent l’individu comme son entourage : en portant un masque ou en réduisant le nombre d’interactions sociales, on se protège soi-même comme on protège les autres. La seule exception est la pratique consistant à tousser ou à éternuer dans son coude, qui limite le risque de contamination si l’on est infecté. Or, c’est précisément pour ce comportement que nous observons la différence la plus forte entre hommes et femmes.

Nos gouvernements doivent utiliser tous les moyens disponibles pour réduire le coût sanitaire et économique et la durée de la crise actuelle. Les politiques mises en œuvre devraient ainsi tenir compte du respect différencié, selon les sexes, des mesures de confinement et des gestes barrières. Par exemple, certains supports de communication, visuels, et messages publics pourraient cibler plus particulièrement les hommes.

A plus long terme, nos travaux confirment que le coût de l’épidémie – ici, le coût associé au respect des mesures de distanciation sociale – n’est pas réparti de manière égale entre les hommes et les femmes.

Albert Camus, parlant de la peste, estimait que « le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer ». A l’évidence, ce mauvais rêve s’est inscrit dans la durée avec le retour du confinement. Il faut espérer que les hommes s’emploient désormais autant que les femmes à nous en faire sortir.



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