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samedi 21 novembre 2020

En France, «l'avis des jeunes n'est pas entendu»

Par Cécile Bourgneuf — 

Visite de l'Atelier des lumières, le 28 juillet à Paris, organisée par le Secours populaire pour les enfants qui ne partent pas en vacances.

Visite de l'Atelier des lumières, le 28 juillet à Paris, organisée par le Secours populaire pour les enfants qui ne partent pas en vacances. Photo Camille McOuat pour Libération

Dans son rapport annuel sur les droits de l'enfant, la Défenseuse des droits, Claire Hédon, plaide pour une meilleure prise en compte de la parole des mineurs.

Ne pas prendre en compte la parole de l’enfant est considéré comme une première forme de violence. Or sa parole «est étrangement absente», constate la Défenseuse des droits, Claire Hédon, dans un rapport rendu public ce vendredi à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant. Pourtant, l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant garantit à chacun le droit d’exprimer librement son opinion le concernant. Qu’est-ce qui bloque alors ? Le rapport pointe d’abord le problème de formation et de sensibilisation des adultes sur cette question. Conséquence, ces derniers «manquent de considération à l’égard de l’enfant et de ses opinions».

Les enfants restent en effet trop souvent considérés comme des petits êtres fragiles, manquant de connaissances et de maturité pour se forger leur propre opinion et oser l’exprimer. Sans compter que les adultes estiment manquer de temps pour «mettre en place des dispositifs de participation efficaces». Les jeunes sont aussi mal informés. Le rapport s’appuie sur une consultation nationale lancée l’an dernier auprès de 2 200 enfants âgés de 4 à 17 ans. Les trois quarts d’entre eux ne connaissaient au départ pas leurs droits. Et tous partagent le même constat : «L’avis des jeunes n’est pas entendu.» La Défenseuse des droits leur donne raison, «la France est en retard.» Pour y remédier, elle propose une série de 17 recommandations. Libération se penche sur trois domaines dans lesquels il y a encore du boulot.

A l’école, orientations subies et sanctions arbitraires

Les 2 200 jeunes consultés témoignent d’un «manque de considération de leur personne, de leur avis et de leurs rêves par les adultes qui les entourent». A l’école, certains expliquent ne pas avoir eu leur mot à dire quant à leur orientation. Les enfants de milieux défavorisés ont même «plus de risques de subir une orientation imposée», majoritairement en lycée professionnel pour les adolescents sans logement par exemple. En cause notamment, le manque d’information et «l’assignation par laquelle l’école circonscrit ses enfants du fait de leur milieu d’origine, à des orientations moins ambitieuses». Claire Hédon demande donc à ce que les enfants soient entendus et «respectés dans leurs souhaits».

La Défenseuse des droits a par ailleurs été saisie de situations pendant lesquelles des élèves ont été exclus des temps périscolaires, de la cantine ou même d’un établissement privé sous contrat, «sans même avoir été entendus». Claire Hédon invite les établissements scolaires et les autorités chargées de tutelle de «s’assurer que l’enfant soit en mesure d’exprimer les faits qui lui sont reprochés avant toute décision de sanction à son encontre». La base donc.

Dans la vie collective, une participation limitée

A l’école, au collège ou au lycée, les enfants «ne sont pas satisfaits» des cadres d’expression collective, comme les conseils de classe où ils jugent leur rôle «limité». Et ce n’est pas mieux ailleurs. Les parlements locaux des jeunes et les conseils municipaux des enfants sont encore «trop peu nombreux, méconnus et inaccessibles», dénonce le rapport. Seulement quatre propositions de lois ont par exemple été élaborées grâce au Parlement des enfants depuis sa création en… 1994. Et seules les classes volontaires de CM2 peuvent y participer.

La Défenseuse des droits recommande de consulter les enfants sur les projets et propositions de loi ayant une «incidence directe sur leur vie quotidienne», en s’appuyant sur les dispositifs de participation existants, à condition qu’ils soient «représentatifs de leur diversité». Elle recommande aussi de nommer un «référent national» pour recenser et mettre en avant toutes les bonnes pratiques de participation des enfants.

Procédures judiciaires et d’assistance éducative sans audition

Là encore, les enfants ne se sentent pas «assez écoutés par les magistrats ou sur des sujets qui concernent notre propre vie», comme en cas de divorce des parents. Dans les procédures pénales, les jeunes estiment même que leur «parole ne sert à rien» parce que celle d’un adulte a «plus de valeur». Certains préfèrent alors se taire : «Savoir qu’on a notre avenir entre les mains d’un juge qu’on ne connaît pas, c’est dur à accepter. On a peur de dire des choses parce qu’on dépend de lui et de ses décisions», indiquent les mineurs interrogés à propos des procédures en assistance éducative, qui doivent pourtant les protéger en cas de danger dans leur milieu familial.

Plus inquiétant encore, le rapport précise même que «de nombreuses décisions en assistances éducatives sont prises sans audition ou rencontre préalable des mineurs». Or les juges doivent auditionner les enfants qui souhaitent être entendus, sauf s’ils considèrent qu’ils n’ont pas le discernement nécessaire. Mais cette notion n’est pas définie par la loi, remarque le rapport, conduisant certains tribunaux à se fonder uniquement sur l’âge de l’enfant. La Défenseuse des droits recommande donc au garde des Sceaux de réformer l’article 338-4 du code de procédure civile et d’abroger le critère du discernement, apprécié par le juge, afin que «l’audition de l’enfant qui demande lui-même à être entendu dans le cadre d’une procédure le concernant soit de droit».



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