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Manifestation féministe devant la salle Pleyel, à Paris, pour protester contre la récompense de Roman Polanski aux césars, le 28 février. Photo Lucas Barioulet. AFP
Dans un appel publié ce vendredi, le HCE plaide une nouvelle fois pour que la loi soit modifiée, afin que tout acte sexuel entre un adulte et un enfant de moins de 13 ans soit considéré comme contraint.
En matière de violences sexuelles, il faut «aller plus loin» et «renforcer la protection des mineurs de 13 ans». C’est le sens de l’appel lancé ce vendredi par le Haut Conseil à l’égalité (HCE), à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant. Une nouvelle fois, l’instance nationale consultative indépendante exhorte à ce que soit fixé dans la loi française un seuil d’âge (13 ans), en dessous duquel tout acte sexuel entre un adulte et un mineur serait forcément considéré comme contraint, sans qu’il soit possible d’apporter de preuve contraire.
Concrètement, en cas de pénétration d’un adulte sur un enfant de moins de 13 ans, il s’agirait d’un viol au regard de la loi, passible de vingt ans de prison et jugé aux assises. En l’absence de pénétration (en cas de caresses forcées par exemple), il s’agirait forcément d’une agression sexuelle, passible de dix ans de prison, et non d’une «atteinte sexuelle sur mineure», qualification juridique fréquemment retenue, passible de sept ans de prison en correctionnelle, mais qui ne «permet pas la représentation de la gravité de l’acte commis et imposé à l’enfant», estime le HCE.
«Qu’à un âge donné, il soit impossible de se questionner sur le consentement»
Mercredi soir, une centaine de personnes se sont rassemblées à Paris pour réclamer l’instauration d’un seuil d’âge dans la loi. Elles protestaient contre la décision récente prise par la cour d’appel de Versailles de confirmer le renvoi de trois pompiers devant la justice pour «atteinte sexuelle», alors qu’ils sont accusés par une jeune femme de viols lorsqu’elle avait 14 ans. «On voudrait qu’à un âge donné, il soit impossible de se questionner sur le consentement», a argué Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes.
La question d’instaurer pareil seuil d’âge avait émergé fin 2017, dans le sillage du mouvement #MeToo. Plusieurs décisions de justice avaient alors suscité une vague d’indignation au sein des associations féministes et de protection de l’enfance, à l’image de la décision du parquet de Pontoise (Val-d’Oise) de poursuivre un homme de 28 ans pour «atteinte sexuelle sur mineure» sur une fille de 11 ans, alors que celle-ci avait déposé plainte pour viol. Le parquet avait estimé que les éléments juridiquement caractéristiques du viol, à savoir «la menace, la contrainte ou la surprise», n’étaient pas établis. Plusieurs associations étaient alors montées au créneau, réclamant que soit instauré un seuil d’âge de non-consentement dans la loi, comme c’est le cas en Belgique (14 ans), au Royaume-Uni (13 ans), ou encore en Espagne et aux Pays-Bas (12 ans).
Dans un avis pour «une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol», publié dès 2016, le HCE estimait déjà nécessaire d’instaurer clairement un seuil d’âge dans la loi. Sans parvenir à un accord sur cette barrière d’âge (13 ou 15 ans), le gouvernement s’était dans un premier temps dit favorable à une telle mesure lors de l’élaboration de la loi contre les violences sexistes et sexuelles, dite «loi Schiappa», avant de rétropédaler au moment de son adoption, en 2018. En cause : un risque d’inconstitutionnalité, pointé par le Conseil d’Etat, pour qui une telle modification législative aurait pu être contraire à la présomption d’innocence. La version du texte finalement adoptée dispose que, s’agissant de faits commis sur un mineur de 15 ans, la contrainte morale ou la surprise, nécessaires pour qualifier un viol, sont caractérisées par «l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes» ou par une «autorité de droit ou de fait» exercée sur la victime et pouvant être liée à une «différence d’âge significative».
Il appartient toujours à la victime de démontrer qu’elle a été contrainte
Telle que votée en 2018, la loi est «insuffisamment claire et protectrice pour l’enfant», estime le HCE dans son avis de vendredi. Et d’arguer qu’il appartient toujours à la victime de démontrer qu’elle a été contrainte : «L’attention des professionnels de la protection, et particulièrement les policiers, gendarmes et magistrats au cours des enquêtes et procès, est dirigée non pas d’abord sur les moyens mis en œuvre par l’agresseur pour obtenir l’acte sexuel, mais sur la personnalité, les réactions de l’enfant et la façon dont elle ou il les a exprimées», relève le HCE.
En début d’année, la parution du livre de Vanessa Springora, le Consentement, dans lequel elle évoque sa relation avec l’écrivain Gabriel Matzneff et les rapports sexuels eus avec lui alors qu’elle n’était qu’une adolescente, avait relancé le débat autour de la nécessité d’instaurer un seuil d’âge dans la loi. Fin janvier, la députée LREM de Marseille Alexandra Louis a été chargée d’une mission d’évaluation de la loi contre les violences sexistes et sexuelles d’août 2018. L’ex-secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa s’était alors engagée à revoir la loi si besoin. Prévue pour fin octobre, la remise des conclusions de ces travaux au gouvernement a été décalée en raison de la situation sanitaire.
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