Publié le 22/11/2020
Dans un contexte où –rappellent des psychiatres de Seattle (État de Washington) et de Tallahassee (Floride) – les taux de suicide récents aux États-Unis sont les plus élevés depuis 1941, on peut craindre que la présente crise sanitaire (et économique) et les interventions pour freiner la propagation du nouveau coronavirus (mesures dominées par la promotion d’une distanciation sociale) risquent d’aggraver encore cette tendance à l’augmentation du risque de suicide, dans la mesure où les pouvoirs publics incitent les populations à « réduire fondamentalement les contacts humains. »
Où l’isolement social conduit à l’hôpital psychiatrique
En paraphrasant la célèbre phrase de Victor Hugo (« Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons »), on peut se demander si, à force de fermer tous les lieux de convivialité (du café du coin au cinéma, de la salle de sport à la boîte de nuit), on ne risque pas de contribuer insidieusement à la réouverture des lits en hôpital psychiatrique... Pour les auteurs, le potentiel d’effets indésirables (des consignes de distanciation sociale) sur le risque de suicide est « élevé » et il faudrait prendre d’autres mesures pour atténuer les conséquences fâcheuses de cette limitation des relations interpersonnelles sur les efforts de prévention du suicide qui représentent également une priorité de santé publique, au même titre que le combat contre la Covid-19.
Plusieurs facteurs contribuent à cette vision pessimiste : le « stress économique » (avec la peur du chômage), l’isolement social, la réduction des contacts avec ses amis ou les membres de sa communauté religieuse, les freins aux soins psychiatriques, le retard des soins somatiques (par peur de contracter la nouvelle maladie contagieuse en se rendant dans un service hospitalier, ou parce que des soins non urgents ont été reportés par ces services qui réorientent leur activité vers la lutte contre la Covid-19), l’exacerbation des troubles anxieux et du « recours » à des produits toxiques (alcool, drogues) comme antidotes présumés contre cette angoisse de la maladie ou de la mort, entretenue par le déferlement des mauvaises nouvelles dans les médias.
Autre facteur d’inquiétude, propre aux États-Unis : la « hausse des ventes d’armes », observée parallèlement à l’avancée de l’épidémie, hausse d’autant plus préoccupante que les armes à feu constituent la méthode de suicide la plus commune aux États-Unis.
Mais peut-être un effet cathartique
Mais comme dit un proverbe anglais, « every cloud has a silver lining » : après la pluie, le beau temps. En d’autres termes, toute chose a son bon côté, à quelque chose malheur est bon. Pour les auteurs, la crise actuelle comporte aussi « une raison d’espérer. » Par analogie avec d’autres grandes catastrophes (comme les attentats du 11 Septembre 2001) où les taux de suicide ont diminué dans le sillage de la tragédie, une hypothèse optimiste mise sur l’effet cathartique et positif (contre la dépression) d’évènements aussi importants, car une telle expérience partagée pourrait en fin de compte cimenter les individus et favoriser leur « soutien mutuel renforçant ainsi la connectivité sociale. » Autre élément positif : l’essor de l’informatique et des télécommunications (comme la visioconférence) qui « facilite le rapprochement », tout en sauvegardant les distances sociales.
Enfin, une telle épidémie pourrait modifier notre vision de la santé et de la mort, en rendant alors « la vie plus précieuse, la mort plus redoutable » et, dans ce contexte sociologique, le suicide moins probable…
Dr Alain Cohen
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