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samedi 9 mai 2020

Les enfants handicapés prioritaires pour le retour à l’école après le déconfinement

Leurs troubles ont rendu encore plus complexe « la continuité pédagogique » et les enseignants redoutent un recul des apprentissages.
Par  Publié le 07 mai 2020
12 heures, chez Jean-Pierre, sa compagne Véronique et leur fils William, 9 ans, légèrement handicapé. Montivilliers. Atteint d'une maladie pulmonaire, Jean-Pierre fait partie du public à risque. Lui et son fils William ne sont pas sortis depuis un mois de l'appartement. C'est Véronique qui s'occupe des courses. William reçoit des contenus vidéo de son IME très régulièrement mais ses copains et ses éducateurs lui manquent. Dans la région le virus paraît loin parce que la contamination est faible en Normandie pour l'instant. Depuis le 17 mars 2020, les Français doivent restés confinés chez eux afin d'éviter la propagation du coronavirus. Montivilliers, Normandie, France, 14 avril 2020.
12 heures, chez Jean-Pierre, sa compagne Véronique et leur fils William, 9 ans, légèrement handicapé. Montivilliers. Atteint d'une maladie pulmonaire, Jean-Pierre fait partie du public à risque. Lui et son fils William ne sont pas sortis depuis un mois de l'appartement. C'est Véronique qui s'occupe des courses. William reçoit des contenus vidéo de son IME très régulièrement mais ses copains et ses éducateurs lui manquent. Dans la région le virus paraît loin parce que la contamination est faible en Normandie pour l'instant. Depuis le 17 mars 2020, les Français doivent restés confinés chez eux afin d'éviter la propagation du coronavirus. Montivilliers, Normandie, France, 14 avril 2020. FLORENCE BROCHOIRE POUR « LE MONDE »
« Remettre notre fille à l’école pour éviter que son handicap ne s’aggrave encore mais en risquant de la contaminer ? Franchement, on ne sait pas quoi faire ! » A l’autre bout du téléphone, la voix de Khadra Gaillard tremble de colère. Loubna, sa fille autiste de 10 ans, inscrite en école primaire en région grenobloise, fait partie des « publics prioritaires à rescolariser » dès le 11 mai, selon Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale.

Les élèves porteurs de handicap, pour qui l’enseignement à distance peut être particulièrement problématique, du fait de leur maîtrise partielle du langage et des outils numériques, de leur façon d’apprendre à part, pourront revenir en classe au tout début du déconfinement. « Ils sont susceptibles de venir à l’école plus souvent que les autres », a précisé M. Blanquer dans une vidéo mise en ligne sur Twitter, le 30 avril.
Comment se déroulera la scolarisation de mon enfant à partir du ?
- Priorité sanitaire
- Organisation par école
- Instruction obligatoire et pédagogie personnalisée
Les précisions de @jmblanquer pour réussir ensemble l'enjeu du

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Avec Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, ils se sont exprimés à plusieurs reprises ces derniers jours sur l’urgence du retour en cours pour ces enfants. Sans pour autant lever toutes les interrogations.
« Comment vous voulez expliquer à ces enfants qu’ils ne doivent pas toucher les affaires des autres, qu’ils ne doivent avoir aucun contact avec leurs copains ? », s’emporte Khadra Gaillard. Paralysée par la peur d’avoir « tout fait de travers », inquiète que sa fille « n’accumule encore plus de retard », le retour à l’école le 11 mai est, à ses yeux, « une double peine ».

« La maison, ce n’est pas l’école »

La « continuité pédagogique », appelée de ses vœux par l’éducation nationale, a pourtant été ardue. « On a voulu prendre le relais, mais notre fille n’avait aucune envie de faire les activités scolaires avec nous ! » Caroline Boudet, auteure de L’Effet Louise (Stock, 250 p., 19,50 €), s’est retrouvée à la maison avec sa fille de 5 ans, atteinte de trisomie 21. Scolarisée à Nantes, « Louise n’a pas compris pourquoi on ne partait plus à l’école le matin ».
Pour les enfants porteurs de handicap, travailler à la maison est antinomique. « La maison, ce n’est pas l’école, donc impossible que mon fils fasse ses devoirs ici », soupire Peggy Faugeras, mère d’un garçon autiste de 11 ans. Avec l’arrêt des cours en présentiel le 16 mars, ces parents ont découvert la difficulté de s’inventer enseignants. « Je suis ingénieure, mais ce n’est pas pour ça que je sais faire ! », fulmine Khadra Gaillard, dépassée par les pictogrammes envoyés par l’éducatrice spécialisée et les outils de l’orthophoniste.
Aliénor Jorry a reçu des exercices de graphisme et de lecture… alors que son fils autiste de 5 ans, scolarisé en Moselle, ne sait ni lire ni écrire. « La maîtresse a envoyé le travail à toute la classe, mais il n’était pas adapté pour mon fils ! », enrage-t-elle. Elle s’est débrouillée pour trouver d’autres activités scolaires sur Internet. Les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) ne pouvant plus suivre les enfants au quotidien, les parents se sont sentis d’autant plus esseulés. Louise avait une AESH quinze heures par semaine à l’école, et « son absence pèse tous les jours », confie Caroline Boudet.
Côté enseignants, chaque jour, l’inquiétude s’accroît pour ces élèves qui ont besoin d’un suivi particulier. Audrey, coordinatrice ULIS (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) dans les Pays de la Loire a fait au cas par cas, avec des enfants qui apprennent la plupart du temps par le jeu. Chaque jour, à 11 heures, elle a appelé un de ses élèves pour qu’il lui fasse la lecture. « Il ne veut lire qu’avec moi, mais c’est déjà la catastrophe, il a perdu et va encore perdre… »
Hélène Cabrière, enseignante ULIS en école élémentaire en Isère, n’a donné à ses douze élèves que des exercices déjà faits, « pour ne pas générer de stress supplémentaire devant la nouveauté »« Conséquence, on n’a rien appris de neuf », confie cette institutrice. Pour les enfants porteurs de handicap, « peu autonomes »« qui ont besoin de calme pour apprendre », la continuité pédagogique est encore plus illusoire.
« On a peur qu’elle stagne, elle qui apprend beaucoup par mimétisme », complète Caroline Boudet. Désormais, sa fille danse, monte les escaliers, « mais ce ne sont pas les progrès qu’elle aurait faits à l’école ». Le fils de Peggy Faugeras a appris à compter jusqu’à quatre, « c’est toujours ça de pris ! », se réconforte-t-elle, tandis que Khadra Gaillard ne parvient plus à déchiffrer l’écriture de sa fille : « Elle ne sait même plus tenir le stylo toute seule. »

Le risque d’une exacerbation des pathologies

« Il y aura des conséquences dans tous les domaines, mais surtout scolaire !, déplore Anne Dehetre, présidente de la Fédération nationale des orthophonistes. La communication, l’apprentissage du langage, des mathématiques vont être extrêmement ralentis. » Avec l’arrêt des consultations, les parents se sont également improvisés professionnels de santé, alors que « ce sont tous ces soins mis ensemble qui permettent aux enfants de progresser ».
Le risque ? Une exacerbation des pathologies. « Mon fils est redevenu violent. Dans un accès de frustration, il se tape, se met des claques », souffle Peggy Faugeras. Aliénor Jorry ne compte plus les pleurs, les crises de son fils, qui « rentre un peu plus dans sa bulle ».
Le 11 mai, au-delà de l’impossibilité à mettre en place les gestes-barrières avec ces enfants à qui il faut donner la main, tenir le crayon, qu’il faut moucher, il faudra les réhabituer au cadre de l’école. « Se remettre en route, reprendre les mécanismes de la classe, cela va être très compliqué, regrette Hélène Cabrière, certaine qu’ils accumuleront du retard cette année. Le plus terrible, c’est que mes élèves risquent de se décourager sur le long terme. » Audrey, elle, se dit effrayée, « par l’état psychologique » dans lequel seront ses élèves à la reprise, craignant surtout l’apparition de nouveaux troubles liés au confinement.

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