Photo Derajinski Daniel. Abaca
Le journaliste et écrivain Jean-Paul Mari suit au jour le jour le combat d’une équipe médicale dans un hôpital d’Ile-de-France.
36e épisode, le 6 mai
«Il faut renvoyer les enfants à l’école le plus vite possible»
Il y a le monde de l’hôpital et celui du dehors. En ce moment, le monde du dehors bruit d’un roulement de tambour rythmé par un seul mot, «école» et de suppliques angoissées, lancées par des élus, des syndicats d’enseignants et des parents d’élèves qui appellent au mieux à la prudence, voire annoncent l’apocalypse. Dans le monde du silence de l’hôpital, on lève un œil étonné, mais compréhensif, comme devant un patient certes malade, mais un peu agité.
L’école, ici, ne fait peur à personne. Ce qui inquiète, c’est l’état des enfants du département, population misérable et en perdition, des familles entières entassées dans 20 mètres carrés où personne n’est capable d’assurer le moindre enseignement. Et tous ces gosses, privés de cantine, souvent le seul vrai repas de la journée, qui souffrent de la faim, à deux pas du centre de Paris. «Pour eux, le confinement n’est plus tenable», dit le docteur David (1), qui reçoit leurs appels. Rien à voir avec les autres, confinés dans leur résidence secondaire en province, parents en télétravail et après-midi dans le jardin. Le peuple et les bobos ? Oui, mais, le risque sanitaire ? «Il faut renvoyer les enfants à l’école le plus vite possible», tranche le docteur Franck. «J’ai deux enfants, 7 et 10 ans, dit une femme médecin. Ils vont reprendre l’école.» On sait maintenant que la contamination se fait surtout des adultes vers les enfants, pas le contraire. Le Covid des petits est bénin, peu symptomatique, avec une mortalité quasi-nulle de 0,1 %.
Quant au cauchemar du syndrome de Kawasaki, lié au Covid, myocardite, œdèmes et langue en feu… «une affaire énorme dans les médias, mais un fait mineur», note le docteur Pierre, «environ 60 cas dans toute l’Europe. Aucun décès. Bien soigné, aucune séquelle». Et la peur des enseignants qui crient qu’on les envoie à l’abattoir ? «Entre un instituteur de 25 ans, qui ne risque pas grand-chose et un professeur de 60 ans, obèse, hypertendu et diabétique, le tableau est radicalement différent, rappelle le docteur Franck, comme avec toute personne à risques, il faudra les tenir loin des écoliers.» Quand on évoque les préavis de grève déposés par certains enseignants pour le 11 mai, les blouses blanches haussent les épaules et parlent de… «faiblesse». Eux ont pris des risques face à un virus inconnu.
Aujourd’hui, ils savent qui est en danger et qui ne l’est pas. Et quels sont les gestes barrières simples et efficaces. En Allemagne, au Danemark, en Suède, les écoles sont ouvertes, «et il n’y a pas eu d’accident sanitaire», note le docteur Franck. A terme, il préconise une vaste enquête sérologique au résultat inscrit sur le carnet de santé des enfants, qui permettra d’établir les risques de transmission du virus. Pour l’heure, «il faut rouvrir les écoles. Le danger sanitaire est minime. Et les bénéfices majeurs.»
(1) Les noms ont été modifiés
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