Les soignants rappellent la promesse présidentielle d’un plan massif d’investissement.
Le temps d’affronter la tempête du Covid-19, ils ont tu leur malaise et mis de côté leurs revendications. L’accalmie venant, les personnels hospitaliers veulent rappeler à Emmanuel Macron sa promesse, faite le 25 mars à Mulhouse, d’un « plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières » à l’hôpital public. Plus largement, lors d’une conférence de presse mardi 5 mai, les responsables du Collectif inter-hôpitaux (CIH) devraient annoncer leur opposition à une reprise du fonctionnement de l’hôpital comme avant l’arrivée massive de patients Covid et réitérer leurs demandes de moyens supplémentaires.
En dépit d’équipements de protection parfois insuffisants, beaucoup de praticiens hospitaliers tirent en effet un bilan positif de la façon dont l’hôpital a su se réinventer et se métamorphoser ces dernières semaines. « En quinze jours, on a retourné l’hôpital. Il y a eu une coopération avec l’administration, on a obtenu ce qu’il fallait. On avait ce sentiment que tout était facile, qu’on pouvait se concentrer sur les malades. C’était assez incroyable, ça devrait être comme ça tout le temps », témoigne Nathalie de Castro, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris et membre du CIH. « On a tous retrouvé du sens à travailler ensemble, pour un objectif commun », ajoute-t-elle.
« On poussait tous dans le même sens, il y avait une intelligence collective, il faut se projeter sur un modèle qui ressemblerait un peu à ça », abonde Rémi Salomon, le président de la commission médicale d’établissement (CME) centrale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Dans Le Figaro du 4 mai, il signe au côté de dix-neuf autres médecins hospitaliers reconnus une tribune titrée « Libérons l’hôpital du fléau bureaucratique ! » « Durant cette pandémie, le fonctionnement de l’hôpital a enfin retrouvé une logique et une autonomie médicales. Le service de soins est redevenu la structure essentielle », écrivent-ils, tout en reconnaissant que « l’argent a coulé à flots sur l’hôpital depuis mi-mars » et que « cela ne durera pas ».
Depuis le discours d’Emmanuel Macron le 25 mars, le gouvernement a certes accordé des primes exceptionnelles aux personnels hospitaliers et majoré les heures supplémentaires effectuées pendant cette période, comme le chef de l’Etat s’y était engagé, mais il n’a pas dit un mot des modalités du « plan massif » annoncé. « Il y aura un plan pour l’hôpital que je ne construirai pas seul, que personne ne construira dans un bureau, que nous construirons avec l’ensemble des personnes qui ont mené cette guerre », a simplement promis le ministre de la santé, Olivier Véran, le 7 avril, sur BFM-TV. « Il y aura un jour d’après pour l’hôpital, pour la santé en général », a-t-il lancé.
« Retard à l’allumage »
A l’hôpital, on commence à se montrer inquiet de ce silence de l’exécutif. « On est un peu étonné du retard à l’allumage, c’est le moment de faire des annonces pourtant. Ensuite, ce sera la crise économique, je suis inquiète d’annonces qui auraient lieu après l’été », estime Nathalie de Castro. « Depuis quinze jours, dans les hôpitaux, on ne parle que de la façon de mettre en place un circuit Covid parallèle et tout le reste, comme le malaise de fond des soignants, est oublié », s’inquiète Louis Bernard, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Tours. En janvier, il avait fait partie des 1 200 médecins qui avaient annoncé démissionner de leurs fonctions administratives pour alerter sur la situation critique de l’hôpital public.
« Il y a un enjeu à court terme : la sortie des écoles d’infirmières en juillet. Qui nous dit qu’elles choisiront de venir chez nous ? », demande Rémi Salomon, à l’AP-HP. Rappelant qu’avant la crise du Covid-19, près de 800 postes de paramédicaux étaient vacants dans les 39 hôpitaux du groupe faute de candidats, le représentant des médecins assure qu’« il ne faut pas attendre six mois » pour mettre en œuvre le plan promis par le chef de l’Etat.
Parmi les demandes du CIH et des médecins signataires de la tribune au Figaro figurent la revalorisation des salaires des paramédicaux, l’abandon de la tarification à l’activité, jugée « inflationniste et suscitant des pratiques plus liées à la rentabilité qu’au juste soin » ou, pour le CIH, la mise en place d’une gouvernance partagée de l’hôpital.
Sans partager ces objectifs, la Fédération hospitalière de France (FHF), la structure qui représente les hôpitaux publics, appelle également à une « profonde remise à plat du système de santé » à l’issue de la crise sanitaire. « Sans doute qu’à l’été, il serait bien d’aborder de vraies discussions autour d’une refondation au-delà de l’hôpital, c’est le dysfonctionnement global du système de santé qui fait que l’hôpital va mal », estime Frédéric Valletoux, le président de la FHF, pour qui « l’erreur serait de laisser passer trop de temps ».
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