Par Cédric Mathiot 19 mars 2020
La grande majorité des décès survient chez les personnes de plus de 75 ans. Mais un gros tiers des cas graves concerne des personnes de moins de 65 ans.
Bonjour,
Il y a plusieurs réponses à cette question, selon ce qu’on entend par victimes du Covid-19 : les morts, les cas graves en réanimation ou simplement les personnes positives, dont l’état varie largement (certains n’ont aucun symptôme, d’autres pourront donc en mourir) et pour laquelle la statistique a moins de sens.
Les moins de 65 ans représentent seulement 7% des décès
Concernant les décès, Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, a affirmé que seulement 7% des 264 décès enregistrés mercredi soir avaient moins de 65 ans. Ce qui indique donc que la très grande majorité des morts (93%) ont plus de 65 ans.
Le dernier bulletin épidémiologique publié sur le site de Santé Publique France révèle des données plus précises, mais uniquement sur les chiffres au 15 mars. Des données conformes à celles avancées par Jérôme Salomon.
Sur 161 décès à cette date :
- 2 seulement avaient moins de 45 ans (à peine plus d’1%)
- 11 avaient entre 45 et 64 ans (environ 7%)
- 20 avaient entre 65 et 74 ans (environ 13%)
- 127 avaient 75 ans ou plus (79%)
Un gros tiers des patients en réanimation ont moins de 65 ans
Concernant les cas graves en réanimation, Jérôme Salomon a coutume de dire depuis plusieurs jours que la moitié des cas graves ont moins de 60 ans. Il l’a répété mercredi, alors qu’il chiffrait à 931 le total des cas graves en date du 18 mars.
Là encore, le dernier bulletin épidémiologique en date du 15 mars donne des données plus précises. Mais il ne porte que sur 285 cas (contre 931 selon le dernier décompte du 18 mars, ce qui donne une idée de l’inflation des cas graves).
Sur les 285 cas en réanimation au 15 mars, il existait des données sur l’âge pour 280 malades :
- 3 avaient moins de 15 ans (moins de 1%)
- 16 avaient entre 15 et 44 ans (6%)
- 80 avaient entre 45 et 64 ans (29%)
- 78 avaient entre 65 et 74 ans (27%)
- 103 avaient 75 ans ou plus (37%)
Ces données ne confirment pas tout à fait celle énoncées par Jérôme Salomon ces derniers jours, qui affirmait que 50% des cas graves avaient moins de 60 ans. Or 64% des cas ont plus de 65 ans, selon le bulletin épidémiologique… Est-ce à dire que depuis, les cas en réanimation sont plus jeunes ? Interrogée, la DGS ne nous a pas répondu sur ce point.
Sur les cas positifs selon l’âge, des données à prendre avec des pincettes
Enfin, il existe aussi des chiffres sur les cas positifs selon les catégories d’âge. Mais ces derniers doivent être pris avec des pincettes. D’abord, le fait d’être positif ne fait pas du patient une «victime», ou pas au même niveau que d’autres. Chez certains, le Covid-19 sera accompagné de symptômes légers, voire absents. Chez d’autres, ce sera beaucoup plus grave. Par exemple, les études ont montré que les enfants, non contents d’être moins contaminés, présentaient quand ils l’étaient des formes plus souvent bénignes de la maladie.
Dans le dernier bulletin épidémiologique, on voit ceci :
Sur 6 378 cas, il y avait des données sur l’âge pour 6 087 cas :
- 126 avaient moins de 15 ans (2%).
- 1808 avaient entre 15 et 44 ans (30%).
- 2067 avaient entre 45 et 64 ans (34%).
- 850 avaient entre 65 et 74 ans (14%).
- 1 236 avaient 75 ans ou plus (20%).
Deux tiers des cas positifs avaient moins de 65 ans. Alors, on l’a vu, que deux tiers des cas graves avaient plus de 65 ans.
Par ailleurs et surtout, le profil (y compris la classe d’âge) des cas positifs tient pour beaucoup aux pratiques de dépistage. La France, en choisissant de ne tester que les cas graves, sous-représente les personnes plus jeunes chez qui la maladie présente donc souvent des symptômes bénins.
Les travaux de l’IHU de Marseille apportent sur ce point un éclairage complémentaire. L’institut hospitalier universitaire, qui a la plus grosse capacité de tests en France (et qui a pratiqué ces derniers jours jusqu’à 1 500 tests par jour), a rendu publics en début de semaine des chiffres sur 4 050 patients testés. L’originalité des chiffres marseillais tient au fait qu’en raison de ses capacités, l’IHU continue de pratiquer des dépistages beaucoup plus larges qu’ailleurs en France, au-delà des seuls cas les plus graves. Ainsi, là où les 36 000 tests au niveau national affichent un taux de positivité de 17%, les 4 000 tests sur lesquels Marseille a communiqué affichent un taux de positivité inférieur à 6%. A Marseille, des enfants, des ados, des adultes présentant seulement des symptômes bénins sont testés. L’échantillonnage, sans être représentatif de la population, l’est davantage.
Sur 4 050 tests effectués, 234 se sont révélés positifs. Sur ces 234 cas positifs :
- 17 avaient moins de 15 ans (7%)
- 92 avaient entre 15 et 44 ans (40%)
- 80 avaient entre 45 et 64 ans (34%)
- 24 avaient entre 65 et 74 ans (10%)
- 21 avaient 75 ans ou plus (9%)
La taille des échantillons diffère, mais la comparaison des dépistages au niveau marseillais et au niveau national montre surtout que les résultats dépendent de la manière dont les tests sont menés. A Marseille, les moins de 45 ans représentent 47% des positifs. Au niveau national, ils ne pèsent que 32% de l’ensemble des positifs. De même, à Marseille, seulement 19% des positifs avaient 65 ans ou plus. Une classe d’âge qui représente 34% des positifs au niveau national.
Le travail mené à l’IHU a par ailleurs permis de calculer le taux de positifs par classe d’âge. Il en ressort que sur les personnes testées, le taux de positifs selon les classes d’âge était le suivant :
- 0% des 110 enfants de 0 à 1 an testés étaient positifs.
- 1,1% des 281 enfants de 1 à 5 ans testés étaient positifs.
- 3,6% des 187 enfants de 5 à 10 ans testés étaient positifs.
- 4,3% des 157 enfants de 10 à 15 ans testés étaient positifs.
- 3,2% des 90 ados de 15 à 18 ans testés étaient positifs.
- 6,6% des 310 jeunes adultes de 18 à 25 ans testés étaient positifs.
- 5,7% des 1 104 adultes de 25 à 45 ans testés étaient positifs.
- 8,3% des 884 adultes de 45-65 ans testés étaient positifs.
- 7,8% des 285 adultes de 65 à 75 ans testés étaient positifs.
- 4,9% des 408 adultes de plus de 75 ans testés étaient positifs.
Didier Raoult, infectiologue chargé de l’étude, en a surtout déduit une conclusion : celle de la faible exposition des plus jeunes. «Ce n’est qu’après 18 ans qu’on commence à avoir deux fois plus de cas positifs. L’idée que ce sont les petits qui, comme dans d’autres épidémies virales, sont des vecteurs, n’est ici pas confirmée.»
Cordialement
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