Une enquête pilotée par l’OFDT révèle que 2,9 % des jeunes de 17 ans ont déclaré avoir déjà fait une tentative de suicide ayant entraîné une hospitalisation.
Par Pascale Santi Publié le 18 mars 2020
« Le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15-24 ans », après les accidents de la circulation, en France comme à l’international, indique l’Organisation mondiale de la santé. En France, il représente 16 % des décès entre 15 et 24 ans et 20 % chez les 25-34 ans. Des chiffres qui restent élevés, même si le taux de décès par suicide des adolescents et des jeunes adultes diminue depuis plusieurs années.
En revanche, les tentatives de suicide et idées suicidaires progressent. L’enquête sur la santé et les consommations, pilotée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies et qui se déroule lors de la Journée de citoyenneté (Escapad), montre que 2,9 % des jeunes de 17 ans – soit 250 000 jeunes – ont déclaré avoir déjà fait une tentative de suicide ayant entraîné une hospitalisation. « Plus d’un jeune sur dix a déclaré avoir pensé au moins une fois au suicide au cours des douze derniers mois », notait le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) en février 2019. Les tentatives de suicide chez les 17 ans sont passées de 10,7 % à 11,4 % entre 2011 et 2016, selon cette enquête Escapad, elles sont deux fois plus fréquentes chez les filles, tout comme les pensées suicidaires.
« Le suicide abouti n’est pas un phénomène épidémique, mais les idées suicidaires et les tentatives de suicide, oui… notamment chez les jeunes filles », explique le psychiatre Xavier Pommereau, coordonnateur de l’hôpital de jour des 16-25 ans à la clinique Béthanie à Talence (Gironde). Les adolescents en parlent sans doute plus facilement. « Certes, les filles sont plus suicidaires, mais cela ne veut pas dire que les garçons vont mieux, car leur repli relationnel est l’enfermement dans des jeux vidéo, ce qui n’est pas évoqué dans le BEH. Les garçons le reconnaissent moins, mais le passage à l’acte est plus abouti », poursuit le spécialiste. Les résultats de la cohorte i-Share (Inserm, université de Bordeaux), actualisés sur 16 022 étudiants, montrent que 23 % d’entre eux ont eu des pensées suicidaires dans l’année écoulée.
Une cible prioritaire pour la prévention
Même constat aux Etats-Unis, où environ 8 enfants sur 100, âgés de 9 à 10 ans, déclarent des idées suicidaires, selon une étude menée auprès de 8 000 enfants, publiée dans The Lancet Psychiatry le 12 mars. De même, les passages aux urgences et les séjours à l’hôpital pour les enfants qui ont pensé ou tenté de se suicider ont doublé au cours des dix dernières années, passant de 0,67 % en 2008 à 1,79 % en 2015.
Autant de données qui incitent les experts à faire du suicide une cible prioritaire pour la prévention. « Le suicide, c’est le carton rouge, d’une extrême gravité. Lorsqu’on entend “je n’y crois plus”, “plus rien ne vaut la peine”, “je ne veux plus être dans ma vie”… C’est un véritable appel à l’aide », constate le pédopsychiatre Bruno Falissard. « Il ne faut jamais banaliser une tentative de suicide, même avec de l’Euphytose [médicament à base de plantes contre les symptômes du stress et les troubles du sommeil], et encore moins chez les enfants qui n’ont pas encore totalement conscience de ce qu’est la mort », indique Fanny Gollier-Briant, pédopsychiatre au CHU de Nantes. A chaque enfant ou ado en souffrance, il faut demander s’il a pensé à mourir, s’il a envie de mourir, avertissent les professionnels. De même, il est nécessaire de sécuriser ses lieux de vie.
La docteure Sophia Frangou, de l’école de médecine Icahn de Mount Sinai de New York, qui a codirigé l’étude américaine, avance comme facteurs de risque « des problèmes psychologiques – principalement des problèmes d’anxiété et de dépression – et des conflits familiaux ». Elle pointe en revanche, parmi les facteurs protecteurs, « une plus grande supervision parentale et la vision positive d’un enfant à l’égard de l’école ». Par ailleurs, l’étude Escapad révèle que « ceux qui fument [tabac et cannabis] quotidiennement à 17 ans, consomment régulièrement de l’alcool ou autres substances, sont plus à risques de tentatives de suicide ayant entraîné une hospitalisation ».
Le défi est triple : repérer les jeunes à risques, élaborer des actions de prévention, les évaluer et les déployer sur le terrain. Cela passe par plus de programmes de prévention dans les écoles et des actions pour maintenir un lien après une première tentative de suicide, afin de prévenir une récidive. Tel est l’objectif de VigilanS, le dispositif national de prévention du suicide, qui « vise à recontacter après la sortie de l’hôpital les personnes qui ont fait des tentatives de suicide ».
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