En introduction à son nouveau livre sur l’adolescence et ses tourments, Xavier Pommereau a placé un poème de l’Américain William Arthur Ward (1921-1994) qui s’intitule To Risk(« Risquer ») où l’on peut lire ces vers : « Aimer, c’est risquer de ne pas être aimé en retour/Vivre, c’est risquer de mourir/Espérer, c’est risquer le désespoir/Essayer, c’est risquer d’échouer/Mais il faut prendre des risques/Car le plus grand danger dans la vie/C’est de ne rien risquer/Celui qui ne risque rien ne fait rien/n’a rien, n’est rien. »
Ce poème connaît un beau succès sur les réseaux sociaux et auprès des adolescents, ces filles et ces garçons arrivés à « l’âge des possibles » et où pousser les limites, tant qu’à faire au-delà du raisonnable, fait partie de la construction identitaire. En jouant à se faire peur, il s’agit de se tester soi-même, de montrer aux autres, aux pairs, de quoi l’on est capable, mais aussi de marquer la distance avec les adultes en général et les parents en particulier, afin de« régler son GPS existentiel », comme le dit joliment Xavier Pommereau.
Conduites dangereuses
Chef du pôle aquitain de l’adolescent au CHU de Bordeaux, le psychiatre voit défiler dans son cabinet des jeunes gens – et leurs familles – pour qui « le GPS » s’est enrayé : alcool, drogues, vitesse, violence, automutilation, anorexie, vol, addiction au numérique… Autant de conduites dangereuses auxquelles sont venues s’ajouter depuis peu « les sirènes du djihad ».
Le but de son livre, nourri de cas puisés dans son expérience au CHU de Bordeaux, est d’aider les parents à comprendre les raisons de la soudaine dérive de leur enfant, et de leur rappeler leur rôle : laisser les adolescents prendre des risques, certes, « mais assurer une contenance suffisante et surtout ne jamais les lâcher ». Et ne pas hésiter à se faire aider par un spécialiste « quand les signes inquiétants s’accumulent et que les risques à visée de rupture prennent le pas sur les expériences d’ouverture au monde ».
Car décider d’aller en Syrie ou en Irak est une prise de risque d’une autre ampleur que le « binge drinking » ou « biture express », qui consiste à ingurgiter de grandes quantités d’alcool en un minimum de temps. Parmi les quelque cinq cents Français recensés par le site gouvernemental stop-djihadisme.fr, beaucoup sont des jeunes gens, certains même sont mineurs.
A l’instar de l’anthropologue Dounia Bouzar et du psychothérapeute Philippe Gutton, Xavier Pommereau estime que « “partir faire le djihad” est un projet d’ados en grande souffrance qui tentent l’exil et ses dangers pour se constituer une identité de substitution ». Aux parents désemparés, il rappelle que si leur enfant adhère à la radicalisation intégriste, « c’est qu’il est en manque de sécurité intérieure, en quête d’étayage externe et de reconnaissance identitaire ». Et qu’il est vain d’imaginer le récupérer par la seule voix de la raison.
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