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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

samedi 1 mars 2014

Du temps supplémentaire dangereux



Roch Cholette

Quand le comportement influence les achats en Bourse

Le Monde.fr | Par 

A la Bourse de Francfort, lundi 8 août 2011.

Quel boursicoteur, averti ou non, ne s'est pas un jour demandé pourquoi il n'avait pas acheté telle ou telle action avant que la valeur ne double ? Quel autre défend mordicus que son investissement, malgré sa chute en Bourse, sera un jour payant ?
Ces questions, et bien d'autres, relèvent de travers comportementaux, cognitifs ou émotionnels, qui sont largement partagés. C'est pour mieux les comprendre et les vaincre que s'est développée la finance comportementale. Son objectif est simple : analyser les comportements des investisseurs, mettre au jour les biais les plus fréquents et tenter de les modéliser pour les exploiter.
Encore embryonnaire – les premières études datent des années 70 –, elle est de plus en plus en vogue dans l'univers de la gestion financière et bat en brèche le sacro-saint concept de « l'efficience des marchés ». Si les enseignements de cette finance comportementale ne permettent pas encore d'apporter la richesse éternelle, ils peuvent éviter de commettre bien des erreurs.
PSYCHOLOGIE DES JOUEURS
Les recherches dans ce domaine font, en effet, apparaître plusieurs travers qui pénalisent les choix financiers, et que l'on retrouve pour la plupart dans la psychologie des joueurs.

Où en est la contreculture ?

Par  le 28/02/14

Quel pourcentage d’innovation doit-on aux drogues ?” Sur la scène de Lift, lors d’une prestation qui ressemblait plus à une promotion pour le livre qu’elle s’apprête à publier sur l’économie des mal adaptés (avec Kyra Maya Phillips), Alexa Kay (@alexaclay) ne nous donnera pas la réponse.
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Image : Alexa Kay sur la scène de Lift.

La contreculture est-elle encore une contreculture ?

“L’innovation semble hantée par les fantômes d’innovateurs blancs et morts, à l’image de Henri Ford, de Thomas Edison ou de Steve Jobs… Mais ils ne sont pas les seuls à innover. Qui d’autre innove ? Qui sont les innovateurs qu’on ne trouve ni dans Forbes ni dans la Harvard Business Review ?” Alexa Kay s’est intéressé à d’autres formes d’innovation, celle provenant de la contreculture, de l’économie informelle, celle des gangsters, des agitateurs, des pirates, des artistes, des arnaqueurs… Pour regarder si l’on pouvait trouver un lien entre l’innovation classique et celle qui se fait dans les marges de la société. Les pratiques novatrices des mal adaptés sont souvent à l’origine d’innovations que la société intègre et fait siennes, estime la chercheuse. C’est ainsi qu’Alexa Kay est allée rencontrer le chef d’un gang de New York pour observer comment il innove, comment il a du adapter son organisation (“pivoter”, dirait-on s’il parlait le langage des startups) pour s’adapter aux transformations du milieu. En Inde, elle a rencontré des voleurs de brevets pour comprendre comment l’industrie pharmaceutique a dû s’adapter à ces nouvelles concurrences. Elle a rencontré une ancienne hippie qui explique que la communauté est une alternative à la monogamie pour créer moins de stress émotionnel. Des Hackers, des ermites, des manifestants qui poussent les organisations à se transformer…
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Image : illustration du graphiste Geoffrey Dorne de Graphism.fr réalisée en direct pendant la conférence d’Alexa Kay à Lift, montrant les différents mal adaptés auxquels l’auteur s’est frottée, dans le cadre d’eventypovia son compte Twitter.

Pour Alexa Kay, la leçon à tirer de ses deux années passées à rencontrer et apprendre des mal adaptés, consiste à se demander comment créer un espace pour eux dans l’économie. Les marginaux ont de réels talents, comment les intégrer ? Dans un article pour Makeshift, les deux auteurs soulignaient que d’ici 2050, un tiers des travailleurs dans le monde seraient employés par l’économie informelle, alors que l’économie parallèle représente quelques 10 milliards de milliards de dollars. Pour Alexa Kay, la culture d’entreprise d’un Google est proche de l’esprit de gang.“Dans la vie de gang, comme dans le monde de l’entreprise, l’esprit d’entreprise ou la volonté d’aller de l’avant, peuvent aussi menacer le pouvoir (…). L’art de la loyauté est quelque chose que Google connait bien. Dans ses efforts pour recruter et conserver ses employés, Google est connu pour créer une culture d’entreprise très “collante”, fondée sur le jeu et l’expérimentation. Les gangs qui réussissent ne font pas autrement. Ils doivent comprendre que la culture est leur première proposition de valeur. Les Latins King par exemple, un gang de New York, célèbrent la culture hispanique et financent des activités culturelles en plus de leur large éventail d’activités criminelles.”
Dans un récent article qui lui a été consacré, elle explique un peu mieux pourquoi selon elle, les criminels sont les innovateurs de demain. Parce que les marginaux par leur ingéniosité même sont des entrepreneurs naturels et débrouillards. Même si nous pouvons déplorer leurs méthodes, celles-ci doivent toujours être innovantes et différentes. Pour les auteurs, la question est de savoir comment utiliser les compétences des inadaptés autrement : pourrait-on imaginer utiliser les compétences d’un chef de gang dans une entreprise ? Reconvertir les spammeurs nigérians en professionnels de l’informatique ? Les technologies de streaming ont été incubées dans l’industrie du porno. L’innovation est toujours le fait de renégats. Comme le dit Kyra Phillips Maya : “les pirates ont quitté les navires marchands parce qu’ils ont trouvé les navires commerciaux trop déshumanisants. N’est-ce pas ce que font beaucoup de marginaux aujourd’hui ? Ne nous montrent-ils pas comment développer des versions alternatives à un capitalisme devenu obsolète dans lequel nous sommes piégés ? (…) L’économie souterraine est-elle la clé du salut de notre civilisation ?”

Vivement une vraie politique de l'enfance !

LE MONDE | Par 
Une nouvelle fois le souhait de certains – ou de ceux qui parlent en leur nom – d'être parents à tout prix phagocyte le débat au point de paralyser toutes les évolutions qui s'imposent de longue date dans le droit de la famille. Il serait temps de retrouver le sens des priorités.
On a déjà connu cette pression de la part des candidats à l'adoption qui aspiraient à satisfaire leur désir d'enfants. Ils ne comprenaient pas ou difficilement que l'Aide sociale à l'enfance ne leur « fournisse » pas en nombre et en « qualité » les enfants qu'ils entendaient accueillir. Encore aujourd'hui cette difficulté existe. Quelque 15 000 demandes d'adoption sont enregistrées dans les conseils généraux. En couple ou célibataires, ces personnes souhaitent généralement accueillir un enfant de 3 mois, de type européen, en bonne santé. Or les pupilles de l'Etat – les enfants sans famille adoptables – ne sont aujourd'hui, et on s'en réjouit, que quelque 2 300, contre 40 000 en 1960 et 20 000 en 1980, ils sont plutôt âgés – 7 à 9 ans –, souvent de couleur, parfois porteurs de handicaps et en fratrie. Le déphasage est réel.
Et les candidats à l'adoption déçus de se tourner vers l'adoption transnationale où d'autres difficultés se présentent. Les mêmes en arrivent à fonder leurs espoirs sur la procréation médicalement assistée (PMA) ou la gestation pour autrui (GPA). Il n'est pas question, aujourd'hui pas plus qu'hier, de nier la souffrance de ceux qui ne peuvent pas être parents. Mais cette revendication de l'enfant doit s'inscrire dans une problématique sociale collective. Sous la pression et le pilonnage de cette revendication qui ne concerne que relativement peu de personnes, on laisse de côté les questionnements qui sont massivement devant nous.

Autismes et psychanalyses Evolutions des pratiques, recherches et articulations





Dans le contexte politique actuel, qui dénie au psychisme toute participation aux difficultés autistiques, les auteurs réunis par la CIPPA rendent compte de leur pratique clinique, institutionnelle et de leurs recherches auprès d’enfants autistes et de leur famille.

Cet ouvrage ne cherche pas pour autant à être exclusivement une « défense et illustration de la psychanalyse ». Au contraire, il se situe constamment dans une perspective d’ouverture et de jonction avec les disciplines cognitives et les recherches scientifiques qui sont à y associer.

Actualité des états limites







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Durant ces cinquante dernières années, le trouble borderline a navigué entre les névroses et les psychoses, a été appréhendé comme un type de personnalité pathologique, a été rapproché des maladies bipolaires, des désordres narcissiques, des personnalités psychopathiques… Du côté de la psychiatrie, comme de la psychanalyse, la liste de noms donnés à ces folies limites est longue et les qualifications singulière

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Un Français sur dix a peur de la maladie, même en l’absence d e tout symptome

23.02.2014


Un peu plus d'un Français sur dix a peur d'être atteint d'une maladie même en l'absence de tout signe ou symptôme. En fait, selon une étude Ifop/Capital Image rendue publique dimanche à quelques jours de la sortie du film de Dany Boon, 32% des personnes interrogées disent avoir peur d'être atteints d'une maladie ou d'être en train d'en développer une lorsque certains signes ou symptômes les inquiètent, mais 13% s'angoissent même en l'absence de tout symptôme. Le phénomène est paradoxal, puisque ce ne sont pas forcément les plus à risque qui s’angoissent ainsi : les hommes de moins de 35 ans sont les plus enclins à craindre d'avoir une maladie, même en l'absence de tout signe (23%), tout comme les habitants de la région parisienne (19%).

vendredi 28 février 2014

Profession infirmière : "Notre situation met en danger la qualité des soins"

METRONEWS 26-02-2014

INTERVIEW - Une étude européenne met en lumière le lien entre le taux de mortalité élevé dans certains hôpitaux, la surcharge de travail des infirmiers et, dans certains cas, leur manque de formation. Si la France n'est pas prise en compte dans cette recherche, Nathalie Depoire, présidente du syndicat Coordination nationale infirmière, n'est pas du tout surprise par ces constatations alarmantes. Entretien.

Une étude européenne révèle que la surcharge du personnel hospitalier influe sur la mortalité des patients à l'hôpital. Quelle est votre réaction ?


Ça ne me surprend pas du tout. Mon seul regret est qu'on n'ait pas ce genre d'étude en France. Ce qui est mis en avant ici fait partie de nos revendications, avoir des effectifs adaptés à nos besoins. On ne demande pas plus d'infirmiers juste pour avoir plus de monde. Nous demandons des effectifs adaptés à la spécificité de chaque service, afin de garantir la sécurité et la qualité des soins. En fait, on veut des ratios : pour telle spécialité, tel nombre d'infirmiers. Car un service de 30 lits peut être moins lourd en charge de travail qu'un service de 20 lits.

Santé : la surcharge de travail des infirmières joue sur la mortalité des patients

Par  ,  | Publié le 26/02/2014


La surcharge de travail des infirmières augmenterait le risque de mortalité des patients, selon une étude.

La vie des patients pourrait être en jeu lorsque les infirmières sont surchargées de travail, selon une étude conduite dans neuf pays, publiée mercredi 26 février. L'étude, parue dans la revue médicale The Lancet,met le doigt sur un point sensible alors que dans bien des pays, les budgets santé sont sous pression.

Variation du taux de survie selon les hôpitaux

Les chercheurs ont relevé les taux de survie après des opérations chirurgicales dans 300 hôpitaux et les ont mis en relation avec la charge de travail et le niveau d'éducation et de formation des infirmières (données pour les années 2007-2010). Les interventions chirurgicales concernaient plus de 420.000 patients de plus de 50 ans qui ont subi des opérations courantes comme celles de la hanche ou du genou, de la vésicule biliaire, des interventions vasculaires ou encore de l'appendicite.


Le nombre de patients morts à l'hôpital dans les trente jours suivant l'admission était très faible en moyenne : de 1 à 1,5%, selon les pays. Cependant au sein d'un même pays, ce taux de mortalité varie largement :inférieur à 1% dans certains hôpitaux, il pouvait dépasser 7% dans d'autres.

Roland Gori : «La vie devient un mode d’emploi»

ERIC LORET


L’apport essentiel de Roland Gori, c’est de lier psychanalyse et sociologie politique, de relire Hannah Arendt ou Pierre Bourdieu à la lumière de Freud et Lacan. Retour sur les notions de culpabilité, dépendance et obsession à l’ère pragmatique des «sociétés de la norme».

Vous pointez la faillite du récit, le désaveu de la parole…
Il y a cet article bien connu de Walter Benjamin, «le Conteur», sur le fait que nous ne sommes plus capables de raconter des histoires car, écrit-il, «le cours de l’expérience a chuté et il sombre indéfiniment».Si vous prenez par exemple la clinique à l’hôpital, la pédagogie, la vie professionnelle en entreprise, vous voyez que ce qui vient à la place de l’expérience, c’est l’information. Nous avons de même remplacé le dialogue par le communiqué. Mais l’information n’a de valeur qu’au moment où elle est nouvelle, où elle émerge et par conséquent, elle annule le temps. En termes psychanalytiques, on dirait que c’est la dimension maniaque qui vise à dénier la dimension dépressive.

Paul-Laurent Assoun, L’Excitation et ses destins inconscients, PUF, 2013

Par Cyril Morana le 16 janvier 2014


Dans son présent essai consacré à L’Excitation et ses destins inconscients, Paul Laurent Assoun isole un « objet » éminemment caractéristique de la métapsychologie freudienne : on sait que l’archéologie de la pensée freudienne repose sur les études consacrées aux tissus nerveux. Dès les premiers travaux, consacrés d’abord aux maladies neurologiques, aphasies, paralysies, puis, à la suite de Charcot, aux affections hystériques, toute la pensée freudienne partirait de l’innervation et de ses dérives pathologiques, même si Freud pense, dès l’origine, la behandlung, la prise en charge, comme une Seelenbehandlung : un traitement de l’âme (Freud, 1890a).

Et pourtant, on aura beau chercher, l’excitation n’est pas une notion psychanalytique ; elle est  d’ailleurs totalement absente du Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis (PUF, 1967, réédition Quadrige, 2002),  ouvrage représentatif de la doxa freudienne. Refoulement significatif qui pourrait d’ailleurs porter à croire que toute la théorie freudienne fonctionne elle-même comme pare-excitation : énorme montage théorique et machine à sublimer, écriture de l’excitation, c’est-à-dire passage au tamis de la sublimation de toute l’énergie sexuelle, évacuation de l’excitation sur la scène théorique et clinique, démonstration de la maîtrise du circuit et de son quantumd’énergie. Refoulement assumé et réactivé par l’héritage freudien, puisque Laplanche et Pontalis ont effacé l’excitation du lexique freudien comme s’il s’agissait d’effacer le passé neurologique de Freud. 

Et pourtant, toute la théorie est  traversée et même innervée par cette notion d’excitation : c’est tout le paradoxe de la pensée freudienne, toujours entre le physiologique et le psychologique. A force de travaillerà partir de l’excitation, Freud crée le concept de pulsion, l’un des quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse selon Lacan (Séminaire XI,Seuil, 1973). 

Toute l’économie de l’appareil psychique tourne autour de l’excitation, source somatique et organique, qui est, pour reprendre la métaphore thermodynamique, le moteur et le déclic de la pulsion, qui fait pulser la psyché. On comprend donc pourquoi Freud, s’il part de l’excitation, ne peut en rester là : pour la psychanalyse, l’excitation reste une donnée physiologique dont il s’agit d’évaluer les transformations au cours de la totalité du circuit accompli par l’énergie (ou libido) dégagée par la pulsion. Paul-Laurent Assoun, en réhabilitant à bon droit cet objet déclaré « non psychanalytique », revient donc aux sources de la théorie pulsionnelle et libidinale, aux sources vives de l’activité psychique.



Entretien de Jacques Lacan avec Emilia Granzotto à Rome le 21 novembre 1974.

Entretien de Jacques Lacan avec Emilia Granzotto pour le journal Panorama (en italien), à Rome, le 21 novembre 1974. Cet entretien a vraisemblablement eu lieu en français, a été traduit en italien, puis retraduit en français.

Question – Pr. Lacan, on entend de plus en plus souvent parler de la crise de la psychanalyse : on dit que Sigmund Freud est dépassé, la société moderne a découvert que sa doctrine ne suffit plus à comprendre l’homme ni à interpréter à fond son rapport avec l’environnement, avec le monde…

Lacan – Ce sont des histoires. D’abord : la crise, il n’y en a pas. Elle n’est pas là, la psychanalyse n’a pas du tout atteint ses limites, au contraire. Il y a encore beaucoup de choses à découvrir dans la pratique et dans la doctrine. En psychanalyse il n’y a pas de solution immédiate, mais seulement la longue, patiente recherche des pourquoi.
Deuxièmement : Freud. Comment peut-on le juger dépassé si nous ne l’avons pas entièrement compris ? Ce que nous savons c’est qu’il a fait connaître des choses tout à fait nouvelles que l’on n’avait jamais imaginées avant lui, des problèmes… de l’inconscient jusqu’à l’importance de la sexualité, de l’accès au symbolique à l’assujettissement aux lois du langage.
Sa doctrine a mis en question la vérité, une affaire qui regarde tout un chacun, personnellement. Rien à voir avec une crise. Je répète : on est loin des objectifs de Freud. C’est aussi parce que son nom a servi à couvrir beaucoup de choses qu’il y a eu des déviations, les épigones n’ont pas toujours fidèlement suivi le modèle, ça a créé la confusion.
Après sa mort, en 39, même certains de ses élèves ont prétendu faire la psychanalyse autrement, réduisant son enseignement à quelques petites formules banales : la technique comme rite, la pratique réduite au traitement du comportement et, comme visée, la réadaptation de l’individu à son environnement social. C’est-à-dire la négation de Freud, une psychanalyse arrangeante, de salon.
Il l’avait prévu. Il disait qu’il y a trois positions impossibles à soutenir, trois engagements impossibles, gouverner, éduquer et psychanalyser. Aujourd’hui peu importe qui a des responsabilités au gouvernement, et tout le monde se prétend éducateur. Quant aux psychanalystes, hélas, ils prospèrent comme les magiciens et les guérisseurs. Proposer aux gens de les aider signifie le succès assuré et la clientèle derrière la porte. La psychanalyse c’est autre chose.

Q. – Quoi exactement ?

Lacan – Je la définis comme un symptôme, révélateur du malaise de la civilisation dans laquelle nous vivons. Ce n’est certes pas une philosophie, j’abhorre la philosophie, il y a bien longtemps qu’elle ne dit plus rien d’intéressant. Ce n’est même pas une foi, et ça ne me va pas de l’appeler science. Disons que c’est une pratique qui s’occupe de ce qui ne va pas, terriblement difficile parce qu’elle prétend introduire dans la vie quotidienne l’impossible et l’imaginaire. Jusqu’à maintenant, elle a obtenu certains résultats, mais elle n’a pas encore de règles et elle se prête à toutes sortes d’équivoques.

Il ne faut pas oublier qu’il s’agit de quelque chose de tout à fait nouveau, que ce soit par rapport à la médecine, ou à la psychologie ou aux sciences affines. Elle est aussi très jeune. Freud est mort il y a à peine 35 ans. Son premier livre L’Interprétation des rêves a été publié en 1900, et avec très peu de succès. Je crois qu’il en a été vendu 300 exemplaires en quelques années. Il avait aussi très peu d’élèves, qui passaient pour des fous, et eux-mêmes n’étaient pas d’accord sur la façon de mettre en pratique et d’interpréter ce qu’ils avaient appris.