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samedi 30 juin 2012

Marisol Touraine : «L’hôpital public est le seul à être présent sur tous les fronts»

27 juin 2012 à 21:16
Marisol Touraine, à l’Elysée, sortant du Conseil des ministres, le 13 juin.
Marisol Touraine, à l’Elysée, sortant du Conseil des ministres, le 13 juin. (PHOTO JULIEN DANIEL.MYOP pour Libération)

INTERVIEW La ministre des Affaires sociales et de la Santé compte mettre fin à la convergence tarifaire entre le secteur public et le secteur privé :

Par ERIC FAVEREAU
Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, est intervenue, hier, à un colloque sur «l’hôpital et sa mission», organisé par Didier Tabuteau, qui dirige la chaire santé à Sciences-Po. Pour Libération, elle dévoile sa politique hospitalière.
La loi Hôpital patient santé territoire (HPST), votée par la droite il y a trois ans, parlait de missions de service public, et non plus de service public pour l’hôpital. Une bonne idée ?
Non. L’hôpital public est un des piliers de notre système de santé, et remettre en cause l’idée même qu’il y ait un service public hospitalier, c’est remettre en cause la spécificité de l’hôpital public.
N’est-ce pas une position exagérée ?
L’hôpital public est unique. Il soigne, accueille tout le monde, et prend en charge toutes les pathologies, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il ne se contente pas de soigner, il forme, il fait de la recherche. Bref, il est normal qu’à ce grand service public corresponde un financement particulier, mais aussi une reconnaissance particulière. Il ne s’agit pas de nier l’importance des établissements privés, qui sont des acteurs à part entière du système de soins, mais ils n’ont pas les mêmes caractéristiques. Et la notion de service public est essentielle.
Mais dans certains territoires, il n’y a pas d’hôpital public. Etait-ce saugrenu de déléguer certaines missions à des établissements privés ?
Ce n’est pas contradictoire. Je pense que le service public de santé doit être accompli par des acteurs divers, mais ce qui fait la différence avec l’hôpital public, c’est que ce dernier est le seul à prendre en charge l’ensemble des missions. Il est sur tous les fronts, et cela pour tous les malades.
Qu’en est-il alors du financement des hôpitaux, par le biais de la T2A, la tarification à l’activité ?
Sur la question du financement, nous mettrons d’abord fin à la convergence tarifaire entre le public et le privé. Concernant la T2A, il s’agit de la faire évoluer, et de ce fait de revoir le financement du service public hospitalier. Nous le ferons, très vite, à l’occasion du débat sur le PLFSS [projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ndlr] à l’automne. Il s’agit de compléter la T2A par une meilleure prise en compte des exigences du service public, avec ses missions, mais aussi ses particularités.
Plus précisément ?
L’objectif est simple : permettre à chacun de se soigner à un coût accessible. Le public reçu à l’hôpital et les pathologies qui y sont traitées ne sont pas les mêmes que dans le secteur privé. Ils nécessitent un encadrement, une orientation et un suivi spécifiques. Les modes de tarification doivent être adaptés.
Faut-il une nouvelle loi hospitalière ?
Nous verrons, mais en tout état de cause, les dispositions ne seront pas uniquement d’ordre législatif. Par exemple, pour les dépassements d’honoraires, nous avons appelé les partenaires conventionnels à se saisir de la question : si aucun accord n’est trouvé, nous prendrons nos responsabilités. De toute façon, nous réformerons le financement, avec le souci de l’égalité, de la proximité, en plaçant la notion de parcours de soins au cœur de nos politiques.
La loi HPST était centrée aussi sur une nouvelle gouvernance à l’hôpital. «Il faut un et un seul patron à l’hôpital», répétait Sarkozy…
La loi HPST a marqué le summum du mépris à l’égard des professionnels de santé. Si le malaise est si fort dans le monde hospitalier, c’est parce que le personnel soignant - médecins comme infirmières - a eu le sentiment d’être traité comme la cinquième roue du carrosse. L’hôpital a besoin d’apaisement. Nous devons travailler afin que la communauté soignante soit un partenaire mieux identifié et mieux reconnu. Quand les relations sont bonnes, les choses avancent. De fait, l’hôpital ne manque pas de patron, il lui faut surtout un cap et un projet. Un hôpital qui n’a pour horizon que la contrainte financière, est un hôpital qui a le blues et n’avance plus.
La moitié des hôpitaux sont pourtant en déficit…
Il y a des hôpitaux en déséquilibre financier, mais il faut noter que ces déficits sont concentrés sur certains hôpitaux. Quoi qu’il en soit, ce déficit n’est pas une bonne chose. Dans la refonte du financement, il faudra que les missions de service public soient mieux identifiées et mieux prises en charge.
Etes-vous pour la suppression du secteur privé à l’hôpital public, comme le demandent un certain nombre de médecins hospitaliers ?
Dans le cadre des discussions sur les dépassements d’honoraires qui vont s’ouvrir, cette question sera abordée. Il faut que tout cela soit régulé au sein de l’hôpital public, et je le redis, il y a des abus scandaleux qui ne doivent plus perdurer.
A l’hôpital, la démocratie sanitaire, - et avec son corollaire, la place du patient -, parait en panne… Est-ce votre sentiment ?
C’est un grand débat que nous devons avoir. La démocratie sanitaire doit progresser. Même s’il est inexact de dire que rien n’a été fait : il y a eu la loi de 2002. Les patients ont des droits : participation, information, transparence. Cette loi a marqué un tournant, mais des inégalités persistent et le droit à l’information reste embryonnaire. Une nouvelle étape doit être engagée, notamment sur la question des droits collectifs.

Secteur privé, T2A, gouvernance : Touraine précise ses plans pour l’hôpital


lequotidiendumedecin.fr 28/06/2012
Dans un entretien à Libération publié ce jeudi, la ministre des Affaires sociales et de la Santé expose les grandes lignes de sa politique hospitalière. Extraits. 

Missions de service public

Comme au salon Hôpital ExpoMarisol Touraine réaffirme les spécificités d’un hôpital public « seul à être présent sur tous les fronts ». « L’hôpital public est unique. Il soigne, accueille tout le monde, et prend en charge toutes les pathologies, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il ne se contente pas de soigner, il forme, il fait de la recherche. Bref, il est normal qu’à ce grand service public corresponde un financement particulier, mais aussi une reconnaissance particulière. Il ne s’agit pas de nier l’importance des établissements privés, qui sont des acteurs à part entière du système de soins, mais ils n’ont pas les mêmes caractéristiques. Et la notion de service public est essentielle ».

• T2A

La ministre confirme strictement les engagements de François Hollande mais précise l’agenda. « Sur la question du financement, nous mettrons d’abord fin à la convergence tarifaire entre le public et le privé. Concernant la T2A, il s’agit de la faire évoluer, et de ce fait de revoir le financement du service public hospitalier. Nous le ferons, très vite, à l’occasion du débat sur le PLFSS [projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ndlr] à l’automne. Il s’agit de compléter la T2A par une meilleure prise en compte des exigences du service public, avec ses missions, mais aussi ses particularités ».

• Une nouvelle loi hospitalière ?

Interrogée sur l’opportunité d’une nouvelle loi hospitalière (évoquée parFrançois Hollande), Marisol Touraine reste prudente. « Les dispositions ne seront pas uniquement d’ordre législatif. Par exemple, pour les dépassements d’honoraires, nous avons appelé les partenaires conventionnels à se saisir de la question : si aucun accord n’est trouvé, nous prendrons nos responsabilités. De toute façon, nous réformerons le financement, avec le souci de l’égalité, de la proximité, en plaçant la notion de parcours de soins au cœur de nos politiques ».

• Encadrement du secteur privé à l’hôpital

Ce point sensible fera bien partie des négociations tripartites (CNAM, complémentaires santé, médecins) qui commenceront le 25 juillet.« Dans le cadre des discussions sur les dépassements d’honoraires qui vont s’ouvrir, cette question sera abordée. Il faut que tout cela soit réguléau sein de l’hôpital public, et je le redis, il y a des abus scandaleux qui ne doivent plus perdurer ».

• Un seul patron à l’hôpital ?

Marisol Touraine reprend à son compte les critiques récurrentes de la communauté médicale, qui demande d’être davantage associée à lagouvernance hospitalière. « La loi HPST a marqué le summum du mépris à l’égard des professionnels de santé. Si le malaise est si fort dans le monde hospitalier, c’est parce que le personnel soignant - médecins comme infirmières - a eu le sentiment d’être traité comme la cinquième roue du carrosse. L’hôpital a besoin d’apaisement. Nous devons travailler afin que la communauté soignante soit un partenaire mieux identifié et mieux reconnu ».
› C.D.



Le dialogue et la fermeté


Dans l’entretien qu’elle a accordé au « Généraliste », la ministre des Affaires sociales et de la Santé a annoncé « des révisions importantes » sur les deux grandes réformes sanitaires du précédent quinquennat. Sur le DPC, elle temporise pour trouver le consensus. Et, concernant l’accès aux soins, elle veut jouer la concertation. Mais, attention ! Si les négociations devaient s’enliser, la ministre pourrait bien s’impatienter.

Le Généraliste. Vous êtes depuis plusieurs années responsable des questions sociales et de la santé au parti socialiste. Pourquoi votre intérêt pour ces sujets ?
Marisol Touraine. Je suis engagée en politique depuis maintenant plus de vingt ans et je vois bien que les questions sociales préoccupent les Français au quotidien. Si les questions de santé ont parfois du mal à s’installer dans le débat politique, elles restent une priorité pour nos concitoyens. C’est pourquoi j’ai été amenée à m’intéresser à ces sujets qui font partie du combat pour l’égalité. Je suis une femme de gauche et, pour moi, l’enjeu essentiel, c’est celui de la justice, du recul des inégalités. La question sociale, de ce point de vue, est donc cruciale.

En matière de santé, deux réformes majeures ont marqué le précédent quinquennat : loi « HPST » et loi sur la sécurité sanitaire. Faut-il s’attendre à des retouches sur ces deux réformes ?
M.T. Plus que des retouches, il y aura des révisions importantes ! La loi « HPST » ne donne pas aujourd’hui satisfaction. Les inégalités en matière d’accès aux soins se sont creusées et les inégalités financières se sont accrues. Un Français sur trois déclare renoncer à des soins parce qu’il n’en a pas les moyens. De leur côté, les médecins sont inquiets ; ils ne sont plus qu’un sur dix à s’installer en libéral dès la première année à la fin de leurs études. La situation existante n’est satisfaisante ni du point de vue des patients, ni du point de vue des professionnels. Des évolutions seront donc nécessaires dès le PLFSS 2013 en matière d’accès aux soins et de reconnaissance de la médecine générale et, au-delà, de proximité. Sur la sécurité sanitaire, la loi a été votée et nous verrons comment aller plus loin, notamment sur les dispositifs médicaux. Cette loi a marqué un progrès. Pour autant, je ne la considère pas comme un aboutissement.

Dans votre grand ministère social, vous êtes épaulée de plusieurs ministres délégués, mais aucun en charge de la Santé. Est-ce le signe que vous faites des questions de la santé une priorité et une affaire personnelle ?
M.T. C’est d’abord le choix du président de la République et du Premier ministre de m’avoir confié un ministère qui regroupe à la fois les Affaires sociales et la Santé. Les questions liées au handicap, à l’exclusion, à la famille et aux politiques de l’âge sont essentielles pour les Français. Je suis heureuse et fière d’avoir à mes côtés pour m’accompagner dans cette mission trois ministres déléguées de talent. Concernant la santé, j’ai suivi ces questions à l’Assemblée nationale pendant de nombreuses années, durant lesquelles je me suis forgée une conviction : la santé n’est pas une affaire personnelle, mais bien celle de tous les Français.

Le Généraliste. Vous avez reçu les présidents des syndicats de médecins libéraux, puis rencontré samedi dernier les médecins généralistes à Nice. Dans quel état d’esprit sentez-vous les médecins libéraux et leurs représentants ?
M.T. Je les sens en attente, échaudés par une politique assez erratique au cours des dernières années. Une politique parfois brutale qui a été marquée, me semble-t-il, par la défiance à leur égard. Je les sais aussi disposés à travailler et à construire, tout en étant pleinement conscients des préoccupations des Français. L’accès aux soins, le coût des soins, les déserts médicaux : voilà les sujets quotidiens sur lesquels les Français nous ont interpellés pendant les campagnes présidentielle et législative. Sans doute le fait que je sois ministre en charge de la Santé a-t-il amené les habitants de mon département (l’Indre-et-Loire, ndlr) à me parler de ces questions. Mais il n’y a pas un déplacement lors de ma campagne législative où l’on ne m’ait parlé de déserts médicaux, de délais d’attente pour avoir des rendez-vous, de la place de l’hôpital par rapport aux médecins de proximité… C’est donc un sujet majeur et je sens les médecins prêts à relever les défis et à travailler avec moi dès lors que ce travail se fait dans l’écoute et le dialogue. Il est nécessaire d’être pragmatique ; je crois qu’il faut élaborer des solutions répondant aux attentes des Français et tenant compte aussi de la demande légitime des professionnels, que soit reconnu leur rôle et respecté leur travail. C’est dans cet esprit-là que je m’inscris. Je suis une femme de dialogue, mais ferme sur ses convictions et attentive aux enjeux de justice.

Quelle mission attribuez-vous à la médecine générale ? Peut-on s’attendre à ce que les règles du jeu qui régissent son exercice continuent à changer dans les cinq ans à venir ?
M.T. La médecine générale, c’est le socle de notre système de soins et, au-delà de la médecine générale, je parle volontiers de médecine de proximité. Il est absolument évident que nous devons conforter, renforcer, mieux reconnaître la place de cette médecine de proximité et de la médecine générale en particulier. Cela se fera par le dialogue. Mieux valoriser certaines fonctions et responsabilités, inciter à l’installation dans les territoires qui ne sont pas spontanément attractifs : tout cela doit se poursuivre parce que telles sont les attentes de nos concitoyens.

À votre avis, quelle incidence a la féminisation croissante de la profession ?
M.T. Il y a de plus en plus de femmes médecins comme il y a de plus en plus de femmes qui occupent des postes traditionnellement réservés aux hommes. L’image de la profession s’est transformée, mais je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que la féminisation est, comme on le dit parfois, un problème. Les femmes anticipent souvent les évolutions de la société. Par exemple, mieux concilier vie professionnelle et vie familiale est une demande croissante chez les hommes aujourd’hui. De même, il n’y a pas que les femmes qui aspirent à des modes d’exercice différents, plus ouverts, en équipe. Je sais qu’il y a une nouvelle génération plus féminine et, au-delà de la place des femmes, c’est cette génération qui veut faire évoluer les relations avec l’hôpital et les patients. C’est une génération qui, au fond, est pleinement partie prenante de la société du XXIe siècle.

Pendant la campagne, François Hollande avait promis « un plan d’urgence pour l’installation des jeunes médecins ». Avez-vous déjà une idée de la façon dont il pourrait se construire et prendre forme ?
M.T. Je veux faciliter l’installation des jeunes médecins. Ils sont évidemment au c?ur du système de santé que nous voulons construire. Ce n’est pas contre eux qu’il faut envisager l’avenir, mais avec eux. Pour cela, nous allons leur simplifier les démarches administratives. Nous allons aussi renforcer l’attractivité de la médecine libérale, sans exclure la médecine salariée, et surtout, ne pas opposer l’une à l’autre. Il nous faut évidemment soutenir, plus que cela n’a été fait par le passé, les pratiques innovantes, l’exercice en groupe, pluridisciplinaire et travailler à la coopération entre les différents professionnels. La médecine n’est pas une île isolée au milieu de l’océan. Il doit y avoir davantage de coopération, de coordination, y compris avec l’hôpital. Je ne veux pas opposer l’hôpital et la médecine libérale. Chacun a sa place et son rôle. Chacun doit s’ouvrir sur l’autre. L’hôpital ne peut pas se substituer à la médecine de proximité et ne doit pas nécessairement suivre les patients une fois qu’ils sont sortis de ses murs. C’est pourquoi la confiance entre l’hôpital et le médecin de proximité est indispensable. Et à l’autre bout de la chaîne, il faut une meilleure coordination, ainsi qu’une meilleure permanence des soins, qui permette de ne pas faire de l’hôpital le point d’entrée. C’est encore trop souvent le cas dans notre système de santé.

Ces derniers temps, certains, à l’Ordre ou du côté des doyens de faculté, ont réclamé plus de régulation des installations. Pensez-vous que l’on puisse échapper à un minimum de coercition au cours des cinq prochaines années ?
M.T. Je suis confiante. Les professionnels de santé comprennent que des évolutions sont nécessaires. L’objectif que j’ai fixé est l’accès aux soins pour tous, à un coût raisonnable, financièrement supportable, partout sur le territoire. Cela n’est pas négociable. Je me félicite que des voix jusque-là plus réservées s’élevent désormais pour dénoncer des dépassements d’honoraires inacceptables et des déserts médicaux préoccupants. Ces instances ont d’ailleurs un rôle à jouer. Elles peuvent prendre des sanctions sur les dépassements abusifs, par exemple. Mais je récuse ce qui vient opposer, au sein même de la profession, les jeunes aux moins jeunes. Nous devons travailler en bonne intelligence et je veux croire que ces voix qui se font entendre montrent que l’ensemble de la profession est maintenant prêt à s’engager de façon constructive. Je crois au dialogue et à la concertation, mais le dialogue ne doit pas être synonyme d’enlisement. La négociation ne peut pas être le prétexte à l’immobilisme. Je ferai tout pour que le compromis et le consensus l’emportent, mais, encore une fois, je ne reculerai pas devant l’attente des Français.

Les négociations sur les dépassements d’honoraires vont démarrer bientôt. Qu’en attendez-vous ?
M.T. Je souhaite qu’elles s’engagent dans un cadre conventionnel. J’ai évoqué la question avec les syndicats de médecins. Je vais donc saisir officiellement l’Assurance-maladie prochainement et des discussions pourront s’engager. Le processus se mettra en place dans le courant du mois de juillet. Le secteur optionnel, qui a été rejeté par une majorité des acteurs, ne me paraît pas être une solution. Nous devons travailler de façon globale, ne pas isoler certaines professions. L’objectif, c’est à la fois de mettre fin à des tarifs scandaleux, aussi bien à l’hôpital qu’en médecine de ville, et de garantir que personne ne renoncera à des soins pour des raisons financières.

Le congrès de la médecine générale de Nice était, cette année, centré sur la performance et la qualité. Pour vous, comment ces deux concepts peuvent-ils se décliner en terme de formation et/ou de mode de rémunération ?
M.T. Je n’aime pas beaucoup le mot de « performance », la qualité suffit. C’est un objectif partagé par tous que de faire en sorte que la qualité des prises en charge et la qualité des soins soient garanties. La qualité est liée à la formation. Aujourd’hui, plus personne ne récuse cela. La qualité, c’est également l’échange et la coopération. C’est encore une meilleure prise en charge de la prévention qui est un enjeu majeur. La prise en charge des malades chroniques, l’accompagnement du vieillissement de la population, l’intégration de l’éducation thérapeutique, tout cela fait partie de la qualité et doit être évidemment intégré dans la démarche des médecins et dans l’organisation du système de soins. Le mode de rémunération doit s’adapter à l’évolution de la prise en charge et du métier de médecin. Soigner, c’est aussi prévenir et accompagner. Tout cela doit se traduire dans la rémunération, le paiement à l’acte en restant le socle, mais la part de la rémunération forfaitaire qui a été introduite doit – et devra – s’élargir.

Dans le domaine de la formation continue, le précédent gouvernement a réformé le système. Le DPC semble long à mettre en place et il suscite des interrogations concernant l’association des médecins libéraux à son pilotage et concernant son financement. Comptez-vous revenir sur ce dispositif, voire le supprimer ?
M.T. Personne, aujourd’hui, ne remet en cause la nécessité d’un système de formation continue. Et, ce qui est certain, c’est qu’on a besoin d’un dispositif opérationnel et efficace. Je veux être certaine que le DPC constitue un réel levier pour la mise en ?uvre de mes priorités en matière de soins de proximité. Aujourd’hui, manifestement, il ne répond pas aux attentes et suscite des préoccupations. Je veux m’assurer que le système proposé soit la fois efficace et indépendant. J’ai donc demandé à l’administration de décaler la première réunion de la Commission scientifique indépendante, (CSI) qui doit lancer le processus pour que nous puissions trouver une solution consensuelle sur la composition de la commission et sur sa façon de travailler.
Propos recueillis par Jean Paillard et Caroline Laires-Tavares

vendredi 29 juin 2012

L’Ordre infirmier a le droit de refuser d’inscrire des infirmiers ne respectant pas les règles de déontologie
Publié le 29/06/2012

Paris, le vendredi 29 juin 2012 - Alors que tant d’infirmières ne se sont pas encore acquittées de leur obligation d’inscription au bureau de leur Ordre, certaines ont vu leurs demandes refusées. A juste titre a estimé le Conseil d’Etat saisi par une société d’exercice libéral composée de 70 infirmiers libéraux au sein de laquelle les deux associés largement majoritaires avaient entrepris d’imposer aux autres leurs lieux et horaires de travail. Autant de violations à l’indépendance professionnelle qui a conduit l’Ordre des infirmiers à refuser leur inscription. Une décision confortée par le Conseil d’Etat le 19 juin qui a considéré qu’il était tout à fait dans son droit de « refuser d’inscrire au tableau des candidats ayant contracté des engagement incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver le praticien de l’indépendance professionnelle nécessaire ».

Dans cet institut contre le cancer, on bosse la nuit (et c’est cancérogène)

29/06/2012
Une étude récente le confirme : le travail de nuit est cancérogène. Et pourtant, les nuits, elles continuent de les enchaîner les infirmières des deux centres de soins de l’Institut Curie. Paradoxe : la fondation est spécialisée dans la recherche et le traitement du cancer.

35 heures en trois nuits

Un paradoxe qui n’est pas près d’être résolu. Jusqu’à 2010, le contrat de travail du personnel infirmier de nuit d’Orsay prévoyait entre 129 et 131 nuits par an selon la date d’embauche, sur une amplitude de douze heures (20 heures - 8 heures). Pour Nelly Le Peltier, déléguée syndicale centrale FO de l’Institut :
« Cette amplitude de douze heures permet de faire 35 heures en trois nuits. Cela donne la possibilité à une grande partie du personnel de nuit d’habiter à Lille, ou au Mans. Mais un tel rythme conditionne un mode de vie qui entraîne une pénibilité particulière. »

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Aidez à diagnostiquer la maladie de Parkinson


Etudier la voix d'un patient pour diagnostiquer la maladie de Parkinson
La maladie de Parkinson est une maladie neurologique dont les causes sont méconnues et qui est relativement difficile à diagnostiquer. Un projet semble avoir trouvé une technique fiable pour la détecter mais il a besoin de votre aide.
Les mathématiques appliquées et le chercheur Max Little sont parvenus à mettre au point un système rapide et relativement fiable de diagnostic de la maladie deParkinson. L’ »Initiative Voix de Parkinson » a été lancée il y a quelques jours et elle a pour but de recruter des volontaires pour participer à un entretien téléphonique de trois minutes
Lire la suite ici
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Hôpital Sud Francilien : l’orthopédie sous haute tension, grève de la faim envisagée

lequotidiendumedecin.fr 29/06/2012
Crédit : S. TOUBON
Le mécontentement enfle au centre hospitalier Sudfrancilien (CHSF), étranglé par un déficit galopant. L’établissement, construit sur la base d’un partenariatpublic privé (PPP) fortement contesté, est le fruit de la fusion de deux hôpitaux. La greffe n’a pas pris en orthopédie : plusieurs chirurgiens ont quitté le service public pour s’installer dans les cliniques avoisinantes. Ceux qui restent, en sous-effectif, peinent à faire tourner la boutique. Le malaise est tel que l’équipe chirurgicale menace de se lancer dans une grève de la faim collective.
L’objectif, expose le Dr Henri Lelièvre, chef du service, est d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation, qu’il qualifie de catastrophique. La grève de la faim devait être lancée ce vendredi matin. Un mail de la direction a calmé le jeu de façon temporaire : le mouvement est reporté de quelques jours, dans l’attente d’une rencontre programmée mardi 3 juillet avec le nouveau directeur du CHSFJean-Michel Toulouse prendra ses fonctions le 2 juillet.

Grève des soins depuis le 26 juin

Le personnel du service d’orthopédie est déjà engagé dans une grève des soins depuis mardi 26 juin. La suppression programmée de trois postes infirmiers après l’été, alors même que 16 lits supplémentaires doivent être ouverts, suscite une incompréhension totale. « L’effectif actuel de ce service de 28 lits est insuffisant, et ne permet pas une prise en charge satisfaisante des patients », expose l’intersyndicale SUD santé - FO - CGT, qui réclame le remplacement de tous les postes d’aides soignants vacants pour cause de congé ou de mutation.
Le nouveau directeur, Jean-Michel Toulouse, s’est présenté à la Commission médicale d’établissement du CHSF ces jours-ci. Une première prise de contact que la communauté médicale juge encourageante. Jean-Michel Toulouse aurait critiqué le bail qui relie l’hôpital au groupe Eiffage, à ses yeux responsable du déficit qui pénalise l’établissement.

Appel à Marisol Touraine

Le collectif de défense du CHSF souhaite que le Parlement se saisisse de la question. La députée PC des Hauts-de-Seine Jacqueline Fraysse, auteur d’une demande de commission d’enquête qui n’a pas abouti, est d’accord pour remonter au créneau. De son côté, Bruno Piriou, conseiller général (PC) de Corbeil-Essonnes-Villabé, invite la ministre de la Santé, Marisol Touraine, à visiter l’hôpital. « Pour redonner à l’hôpital public les moyens d’offrir des soins de qualité pour tous, la gauche au pouvoir doit revenir immédiatement sur ces mesures : la loi HPST et lePPP, écrit l’élu local à la ministre. La seule solution pour mettre fin à cette situation est que le gouvernement prenne en main ce dossier emblématique dans les prochaines semaines ».
› DELPHINE CHARDON

Les médecins doivent argumenter pour faire admettre leur prescription


lequotidiendumedecin.fr 29/06/2012

Un an et demi après l’affaire du Mediator, qui a notamment conduit à revoir le rapport bénéfice/risque de nombreux médicaments, la relation entre le médecin, le patient et le médicament n’est plus tout à fait la même. La confiance de certains patients s’est émoussée. En outre, le recours de plus en plus fréquent aux sites Internet d’information santé a fait évoluer leurs attentes. « 73 % des médecins estiment que les patients sont mieux informés qu’il y a cinq ans, explique ainsi le Dr Catherine Desmoulins, directrice de la rédaction du site Internet Medscape France qui a, en partenariat avec les Entretiens de Bichat 2012, réalisé une enquête auprès de 357 médecins internautes entre le 9 et le 16 mai 2012. Les conséquences ne sont néanmoins pas forcément positives : 77 % d’entre eux estiment en effet que cette information gène leur exercice, au lieu d’améliorer leur relation avec le patient. »

Changement de regards

Autre résultat révélé par le sondage : 84 % des médecins interrogés constatent que les patients ont modifié leur attitude à l’égard de la prescription de médicaments, un changement jugé comme important pour 25 % d’entre eux. Dans ce contexte, plus de la moitié des médecins (54 %) déclarent être parfois amenés à argumenter pour faire admettre une ordonnance, voire souvent pour 23 % d’entre eux. « Tout comme les produits princeps, les génériques n’échappent pas à ce climat de méfiance, ajoute le Dr Desmoulins. L’acceptation par les patients est classée plutôt moyenne pour 63 % des médecins interrogés, et ils sont seulement 24 % à juger excellent ce niveau d’acceptation. » Le changement de perception de l’ordonnance par les patients est donc bien réel. Cependant, il ne s’accompagne pas d’une baisse de l’observance : en effet, 66,5 % des médecins estiment qu’elle demeure inchangée. Quant aux médecins, ils sont également nombreux à avoir changé leur regard sur le rapport bénéfice/risque des médicaments, pour la plupart d’entre eux (76 %) au fur et à mesure de leur exercice médical. Si l’affaire du Médiator a eu des conséquences sur l’appréciation des médecins, c’est donc davantage sur le rôle des Autorités de santé : 64 % des médecins ont dit ne plus avoir la même opinion sur les autorités de régulation un an et demi après cet épisode. Les résultats concernant la prescription générique sont également intéressants : « 30 % des médecins lui sont "toujours" favorables,complète le Dr Desmoulins. Mais une majorité prend une position moins tranchée puisque 62 % se déclarent "parfois" favorables à cette prescription. » Enfin, de façon générale, deux tiers des médecins déclarent prescrire moins de médicaments qu’auparavant : un peu moins pour 48,5 % d’entre eux et beaucoup moins pour 15 %. Les modifications récentes de la pharmacovigilance – déremboursements, restrictions d’indications et retraits de médicaments – n’ont par ailleurs pas trop affecté les médecins au quotidien : 76 % d’entre eux ont indiqué que ces changements gênent peu leurs pratiques. À noter enfin le succès des médecines complémentaires : 83 % des médecins déclarent que leurs patients peuvent y avoir recours et il arrive à 45 % d’entre eux de les leur conseiller. Près de la moitié des médecins interrogés considèrent en outre que cette tendance s’est accrue ces dernières années : 78 % des patients abordent ce sujet spontanément avec leur médecin.
› ANNE-LUCIE ACAR
www.medscape.fr

L’exercice, élément clef de la prévention de l’Alzheimer

lequotidiendumedecin.fr 29/06/2012
Aya Kinoshita et coll. (Japon) présentent une étude sur un modèle murin de maladie d’Alzheimer, qui permet d’insister sur les bénéfices à attendre de l’exercice physique dans le combat contre cette maladie. Sachant qu’un régime riche en graisses a été mis au rang des facteurs de risque, et que l’exercice physique joue un rôle positif dans la prévention, l’équipe a comparé les effets de deux types d’interventions : un contrôle du régime et un exercice régulier. Les résultats montrent que l’exercice apporte un bénéfice supérieur à celui de la correction diététique. D’une part, pour réduire la formation de la protéine bêta-amyloïde et, d’autre part, pour restaurer la perte de mémoire associée à un régime à haute teneur en graisses. L’équipe trouve de plus que l’effet de l’association d’un régime et de l’exercice n’est pas significativement différent de celui de l’exercice seul. Ils attribuent l’effet positif à « une dégradation accrue des dépôts de protéine bêta-amyloïde dans le cerveau ».
› Dr BÉ. V.
Journal of Biological Chemistry, 27 juin 2012.

NOUVELLES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES DES TROUBLES DE L'ALCOOLISATION



L'alcoolo-dépendance n'est plus ce qu'elle était. De ce changement de définition découle la mise en place de nouvelles stratégies de prise en charge, dans lesquelles l'abstinence à vie ne constitue plus le seul objectif thérapeutique.


Selon le Baromètre santé 2010 (1), 44,4 millions de personnes ont expérimenté l'usage de l'alcool en France en 2010, faisant de celui-ci le produit psycho-actif le plus consommé. Malgré tout, la consommation quotidienne de boissons alcoolisées chez les 18-75 ans accuse une baisse régulière depuis plusieurs décennies : 24 % en 1992, 22 % en 2000,16 % en 2005, et 12 % en 2010. Ces usagers quotidiens sont plutôt des hommes, de 45 ans et plus, consommateurs de vin.


En dépit de cette amélioration globale, l'autre tendance est l'augmentation de la consommation ponctuelle de quantités importantes d'alcool (au moins 6 verres) au cours d'une même occasion, à différencier du binge drinking (pratique consistant à boire plusieurs verres d’alcool hautement titrés dans un court laps de temps dans une perspective de "défonce"), mais dont l'ivresse est la conséquence potentielle : ces consommateurs-là sont plutôt des hommes de moins de 35 ans, mais l'ivresse féminine augmente dans des proportions inquiétantes.


Par ailleurs, les épisodes d'ivresse, binge drinking inclus, augmentent dans toutes les classes d'âge et pour les deux sexes, mais la hausse est plus sensible chez les jeunes de 18 à 34 ans, notamment chez les jeunes femmes de 18 à 25 ans (1). Chez les jeunes de 17 ans, les données de l'étude ESCAPAD (2) montrent l'augmentation importante des alcoolisations ponctuelles (53,2 % des jeunes en 2011 vs 45,8 % en 2005).


ALCOOLODÉPENDANCE : CHANGEMENT DE DÉFINITION


-› La prochaine version du DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), à paraître en mai 2013 (DSM-V), posera de nouveaux repères pour qualifier l'alcoolo-dépendance. D'où découlera la mise en place de stratégies plus souples de prise en charge des troubles liés à l'alcool, stratégies déjà utilisées en pratique par de nombreux médecins.


Le DSM-IV TR, en vigueur actuellement, classe globalement les troubles liés à la prise régulière d'alcool en deux catégories : abus (correspondant globalement à "l'usage nocif" de la classification CIM 10 de l'OMS), et dépendance, qui met en avant la notion de perte de contrôle de la consommation. Avec cette définition, un sujet est alcoolo-dépendant ou ne l'est pas. "Avec le DSM V, explique le Pr Reynaud, cette approche catégorielle sera remplacée par une approche dimensionnelle, qui définira plusieurs niveaux de dépendance (sur une échelle de 0 à 11) et abolira la frontière très nette entre abus et dépendance. En effet, un patient abuseur (selon le DSM IV), même s'il gère sa consommation et n'en a pas complètement perdu le contrôle, continue à boire de l'alcool alors même qu'il présente des dommages somatiques, sociaux ou psychologiques et qu'il le sait. Ce qui témoigne d'un certain degré de dépendance, même s'il parvient à rester abstinent certains jours de la semaine et a une consommation intermittente. Le DSM V réunira les critères de l'abus et de la dépendance, et intègrera par ailleurs des items définissant le craving, qui correspond au besoin compulsif de consommer".


-› Pour l'heure, les différents types d'usage d'alcool figurant dans les recommandations 2001 de la Société française d'alcoologie (SFA), peuvent être utilisés (Voir encadré 1). "Il faut simplement nuancer la notion de dépendance et considérer qu'il existe des formes de dépendance plus ou moins graves". Les seuils de consommation définis par l'OMS restent inchangés.


REDUCTION DE CONSOMMATION OU ABSTINENCE ?


-› Les recommandations qui ont cours actuellement en France (Anaes 1999, réf 4 ; SFA 2001, réf 3 ; Anaes 2001, réf 5) préconisent l'abstinence durable et définitive comme objectif thérapeutique en cas d'alcoolo-dépendance. Il y est stipulé qu'il ne s'agit pas d'un but en soi, l'objectif principal étant le retour à une vie satisfaisante, mais l'abstinence constitue cependant le seul critère objectif de l’interruption de la dépendance.


Pour les sujets ayant un usage nocif de l'alcool, le but est de favoriser le retour de la consommation dans les limites de l'"usage" voire vers le non-usage temporaire ou définitif (3).


En cas d'usage à risque, il s'agit de favoriser le retour de la consommation dans les limites de l'"usage" (3).


-› En 2010, les recommandations européennes sur l'alcoolo-dépendance (6) maintiennent l'abstinence totale comme but à atteindre, mais admettent un objectif intermédiaire de réduction des risques. Celui-ci repose sur une baisse significative de la consommation sans passer nécessairement par un sevrage préalable, mais avec comme objectif de parvenir à l'abstinence dès que possible.


-› Aujourd'hui, on dispose d'études (Cohorte NESARC, Dawson, Alcohol Clin Exp Res 2007 ; Gual, Alcohol 2009) montrant le bénéfice, pour certains patients alcoolo-dépendants, d'une prise en charge basée sur le retour à une consommation contrôlée, et non sur l'abstinence à vie (7). Cette question divise encore les alcoologues, car les avantages de l'abstinence sont bien connus : amélioration des symptômes et des désordres liés à l'alcool, réduction du risque de perte de contrôle de la consommation et de rechute, suppression de l'exposition du cerveau au produit "alcool", meilleure récupération neuronale. Mais pour le Pr Reynaud, "l'abstinence définitive ne constitue plus le gold standard, et une personne alcoolo-dépendante n'est pas nécessairement condamnée à l'échec si elle refuse la solution de l'abstinence. Celle-ci reste indispensable pour les patients les plus gravement dépendants ou pour ceux présentant des dommages majeurs, tels qu'une atteinte hépatique sévère ou une encéphalopathie. La nouvelle version du DSM V permettra de différencier ces patients de ceux atteints moins sévèrement, et de réfléchir à des stratégies de prise en charge plus souples. Ainsi, on peut proposer aux sujets dont la dépendance est faible ou modérée, c’est-à-dire à ceux ayant un usage à risque ou un usage nocif, et/ou à ceux ayant des épisodes d'ivresses répétées, de revenir à une consommation contrôlée. En pratique, il est utile d'établir avec le patient un contrat précisant les objectifs de consommation, comportant un cahier journalier de suivi des consommations".


Cette alternative thérapeutique facilite l'accès aux soins et correspond de fait à la demande d'environ 50 % des patients (8), dont certains utiliseront d'ailleurs cette période pour parvenir secondairement à l'abstinence. La vision pessimiste qui régulait la prise en charge du mésusage de l'alcool il y a encore 10 ans (10 à 20 % seulement d'évolution favorable sans traitement, 30 à 40 % avec traitement) n'est plus d'actualité.


-› Certains profils de patients pourraient bénéficier plus que d'autres de la consommation contrôlée. Outre un faible niveau de dépendance, l'absence de comorbidité psychiatrique et d'antécédents familiaux d'abus d'alcool, ainsi que le fait d'appartenir à un milieu social aisé pourraient constituer des éléments de bonne réponse à la stratégie de consommation contrôlée (7). Sans oublier l'influence des facteurs génétiques.


-› La dépendance peut-elle disparaître avec l'abstinence prolongée ? "À ce propos, les données sont encore réduites. Certains sujets anciennement alcoolo-dépendants peuvent se remettre à consommer de façon contrôlée, d'autres non. Le "marquage" en revanche persiste probablement dans les formes les plus graves de dépendance. Mais pour l'heure, nous ne disposons d'aucun marqueur permettant de savoir si un patient a repris le contrôle de sa consommation ou pas".


-› Le sevrage (non développé ici) est recommandé en France en cas d'alcoolodépendance (mais pas en cas d'usage nocif) (3 ; 4). La plupart du temps, il peut être réalisé en ambulatoire, sous couvert d'un traitement par benzodiazépines et d'un accompagnement psychologique. "Si l'on opte pour la réduction de consommation, la période de sevrage n'est pas indispensable. Mais si elle est acceptée, elle a l'avantage de permettre au patient d'expérimenter le "fonctionnement" sans alcool".


LES MÉDICAMENTS ADDICTOLYTIQUES


Le traitement médicamenteux intervient toujours en complément de la prise en charge psycho-sociale (5).


Déjà disponibles


Deux médicaments, l'acamprosate et la naltrexone, ont l'AMM en France dans le maintien de l'abstinence chez les patients alcoolo-dépendants, et un, le disulfirame, est indiqué dans la prévention des rechutes au cours de l'alcoolodépendance.


-› L'acamprosate est un analogue du GABA (acide gamma-aminobutyrique) qui restaure la transmission Gaba-ergique (inhibitrice), diminue la transmission glutamatergique (excitatrice) et in fine, module la libération de dopamine. La naltrexone est un antagoniste des opiacés, qui réduit la libération de dopamine et diminue le plaisir associé à la consommation d'alcool. "Les stratégies de réduction de consommation n'étant pas encore officialisées en France, l'AMM de ces deux médicaments reste pour l'heure ciblée sur l'abstinence. Pour la même raison, ils ne concernent que les sujets alcoolo-dépendants, excluant de fait les sujets abuseurs. Or des données montrent aujourd'hui l'efficacité de l'acamprosate et de la naltrexone dans le cadre d'une réduction de consommation, ainsi que chez les patients ayant un usage nocif d'alcool".


Dans les études, les sujets possédant un variant génétique codant pour les récepteurs opioïdes répondent mieux à la naltrexone. "Mais ce point n'a pour l'instant aucune traduction clinique. On peut dire cependant que la naltrexone agit plutôt en limitant les accès de consommation aiguë chez les sujets à la recherche de sensations, tandis que l'acamprosate convient plutôt aux patients ayant un état anxio-dépressif surajouté. Si besoin, les deux molécules peuvent être associées".


L'acamprosate est prescrit au maximum pour un an, la naltrexone pour 3 mois. La prise concomitante d'alcool ne modifie pas les propriétés pharmacocinétiques de l'acamprosate, mais est déconseillée avec la naltrexone. Par ailleurs, celle-ci ne doit pas être prescrite aux sujets en état de dépendance aux opiacés, ni en cas d'insuffisance hépatocellulaire sévère.


-› Le disulfirame, médicament à effet antabuse, est aujourd'hui beaucoup moins prescrit. "Il rend pourtant de grands services lorsqu'il est utilisé non pas de manière punitive, mais comme une aide à la motivation. Non dénué d'effets secondaires, il est au mieux prescrit en prise accompagnée par la famille ou un soignant, dans le cadre d'un projet thérapeutique accepté par le patient. Pris le matin, il permet d'éviter les rechutes du soir, et il peut être administré en association avec l'acamprosate ou la naltrexone".


En cours d'évaluation


-› Le baclofène, déjà utilisé dans les contractures d'origine neurologique, est un agoniste du récepteur GABA B et agit sur le contrôle de la libération de certains neurotransmetteurs, dont la dopamine. Il a fait l'objet de nombreux essais non contrôlés, dont certains à dose importante, et de quelques essais contrôlés. "Le baclofène s'est montré efficace sur le craving et sur la reprise d'un certain niveau de contrôle de la consommation chez environ la moitié des patients. On peut l'utiliser, hors AMM et après essai des traitements de 1re intention (acamprosate, naltrexone), en débutant par une faible dose (20 mg), en augmentant très progressivement la posologie (+ 10 mg tous les 2 ou 3 jours), et en surveillant la survenue des effets secondaires : fatigue, somnolence, vertiges, insomnie, nausées…. Ceux-ci se manifestent lorsque la posologie atteint 80-90 mg/j/. Deux études concomitantes sont actuellement conduites en France avec le baclofène. L'une, menée en ville, vise à évaluer l'efficacité du baclofène sur la réduction de consommation ; l'autre, conduite en milieu addictologique, a l'abstinence pour critère de jugement principal. Les résultats sont attendus pour 2014".


-› Le GHB (oxybate de sodium ou gamma-hydroxybutyrate de sodium), est également un agoniste du GABA B. Connu pour ses effets en cas de mésusage ("drogue du violeur"), il est commercialisé à l'étranger dans la narcolepsie-cataplexie, et a de plus l'indication du traitement de la dépendance alcoolique en Italie et en Autriche (9). "Encore utilisé sous sa forme actuelle liquide, propre à favoriser le mésusage, le GHB sera étudié prochainement sous une forme galénique solide".


-› Autre gaba-ergique, le topiramate, connu comme anti-épileptique, est supérieur au placebo mais avec des différences cliniquement limitées (9).


-› Le nalméfène, pour lequel une demande d'AMM européenne a déjà été déposée, est un antagoniste des opiacés, comme la naltrexone. Il a été étudié soit à dose fixe, soit à la demande. "On dispose à présent de données solides et les résultats présentés paraissent clairement positifs dans la diminution de consommation".


-› Parmi les molécules agissant sur le système sérotoninergique, l'ondansétron, déjà utilisé comme anti-émétique, est à l'étude, notamment chez des consommateurs précoces dont le profil génétique vis-à-vis du transport de la sérotonine pourrait être à l'origine des conduites d'alcoolisation (9).


L'ACCOMPAGNEMENT PSYCHOLOGIQUE
-› L'approche psychothérapique fait intimement partie de la prise en charge des troubles de l'alcoolisation. Les méthodes les mieux validées actuellement sont les interventions brèves, l'entretien motivationnel et les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) (10). "Les deux premières sont des outils facilement utilisables par le médecin généraliste, moyennant une formation courte et très accessible". Les thérapies familiales, les thérapies de groupe et les mouvements d'entraide sont d'autres alternatives.


-› Les interventions brèves concernent les patients les moins sévèrement atteints, correspondant à l'usage à risque et à l'usage nocif, mais peuvent dans toutes les situations constituer une première étape. Elles représentent aussi une solution de choix en cas de binge drinking (3 ; 10). En pratique, la plainte est analysée, puis le thérapeute passe un contrat moral avec le patient, basé sur un objectif concret à atteindre, souvent relatif à une situation impliquant la famille ou le groupe social, en un nombre de séances généralement inférieur à 10. Il arrive parfois qu'une séance unique soit proposée aux urgences à de jeunes patients adeptes du binge drinking, même s'il est toujours préférable de réaliser plusieurs séances.


-› L'entretien motivationnel a pour but de renforcer la motivation du patient. Le thérapeute identifie le degré de motivation au changement de son patient (en utilisant notamment les stades de motivation de Prochaska), puis l'aide à progresser vers le changement, toujours en faisant preuve d'empathie et en valorisant ses efforts et ses acquis.


-› Les TCC sont basées sur une double approche. L'aspect cognitif vise à identifier les fausses croyances du patient vis-à-vis de l'alcool. Au plan comportemental, il s'agit de travailler sur les situations ou émotions qui déclenchent l'alcoolisation, afin d'apprendre à leur résister.
Dr Pascale Naudin-Rousselle (rédactrice, fmc@legeneraliste.fr) sous la responsabilité scientifique du Pr Michel Reynaud (Service de Psychiatrie et Addictologie, Hôpital Paul Brousse, 12 avenue Paul-Vaillant-Couturier 94800 Villejuif. Mail: michel.reynaud@pbr.aphp.fr)