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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

samedi 21 avril 2012


Au delà de la « dangerosité » : penser les sorties de délinquance

En 2007, en terminant une thèse de doctorat sur les bandes de jeune, je me suis rendu compte qu’une partie non négligeable des jeunes interrogés aux premières lueurs de ma recherche (dès 2001) s’étaient éloignés ou avait disparu du monde des bandes.  Quelques-uns étaient enfermés en prison, mais la plupart étaient progressivement « passés à autre chose ». Ces derniers avaient fortement réduit ou bien complètement cesser de commettre des délits et de se faire remarquer par leur attitude transgressive, défiante, bruyante et visible. Lorsque j’ai reconstitué une liste des principaux acteurs de la délinquance locale entre le milieu des années 1980 et 1990, je me suis aperçu que, mise à part une toute petite frange qui continuait très discrètement à faire du « bizness », la plupart s’étaient rangés. Voilà un constat intéressant : quelques années auparavant, ils étaient jugés « intraitables », des « poisons » « irrécupérables », souvent réduits à leurs origines lorsqu’ils appartenaient à des minorités (im)populaires, ils désorientaient leurs familles, les travailleurs sociaux ou les acteurs du monde judiciaire, etc. Or les voilà à présent « rangés », « posés », après avoir « tourné la page », beaucoup ayant même quitté le quartier de leurs « exploits ».
Combler un vide de la recherche francophone
Comment ? Pourquoi ? Avec qui avaient-ils opéré ce changement ? Une démarche personnelle, l’action de l’entourage ou des institutions, des rencontres déterminantes ? Quel poids du conjugal, de l’emploi, de l’action publique, ou des croyances philosophiques ou religieuses, etc. ? Autant de pistes et de questions qui bousculent la mécanique d’appréhension du crime et du criminel et, plus largement, les capacités de réhabilitation de notre société.
Quelle fut alors ma surprise en constatant que la désistance (néologisme synonyme de sortie de délinquance, qui s’est imposé dans la littérature anglo-saxonne) n’avait donné lieu à aucune recherche, aucune publication, aucun colloque dans la plupart des pays francophones, notamment en France (1). Depuis que le crime est l’objet d’investigations sérieuses, c’est-à-dire depuis plus d’un siècle, la désistance est ignorée. Chercheurs américains puis britanniques ne s’y sont attelés sérieusement qu’à partir des années 1970. Pourtant, en France, la « prévention de la récidive » mobilise théoriquement de près ou de loin quelque 8 000 agents de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, 35 000 agents de l’administration pénitentiaire, 7 500 magistrats, ainsi qu’une partie des quelques 2 000 éducateurs spécialisés, sans parler du ministère de l’Intérieur, des collectivités territoriales ou du monde associatif.
Plus qu’un refus de les étudier, les sorties de délinquance représentent un impensé académique et politique. La sociologie, par exemple, s’intéresse prioritairement àl’adoption de pratiques sociales plutôt qu’à leur renoncement. A l’instar des engagements militants analysés par Olivier Fillieule, la sociologie des trajectoires délinquantes se focalise sur le recrutement et l’enrôlement aux dépens de la défection (2). Or, en changeant de style de vie, les individus « quittent » un monde et « vont vers » autre chose, et les deux moments ont chacun leur importance. Ajoutons à cela que les sorties de délinquance ont pu se retrouvées coincées dans un angle mort, ni vraiment encore dans le champ de la déviance, ni dans celui plus vaste de l’intégration sociale.
Une surpolitisation de la récidive qui, du coup, passe à côté de l’essentiel
Cette focalisation sur le criminel puis sur le traitement pénal n’est pas sans lien avec la politisation de ces questions. A chaque époque les objets (et les financements) de recherche sont influencés par les priorités politiques et morales du moment. Or, la lutte contre la délinquance et la rhétorique qui l’accompagne sont exclusivement tournées vers l’identification des publics déviants et de leurs territoires considérés comme des groupes « à risque » à contenir et non des populations « à potentiel » à réinsérer, notamment dans la période actuelle.
Les représentations collectives, les discours publics, le traitement journalistique majoritaire, ainsi que l’orientation des politiques pénales se détournent lentement mais surement de l’idée de réhabilitation, pour se centrer sur le crime comme risque ou comme flux d’affaires à gérer, notamment par la neutralisation, qu’il s’agisse de neutraliser en augmentant le coût pénal du passage à l’acte ou de neutraliser par l’enfermement. Aujourd’hui, des réseaux d’experts s’activent même à construire des outils d’évaluation de la « dangerosité » des individus selon un modèle assurantiel. Vision négative des individus qui a toutes les chances de fonctionner comme prophétie auto-réalisatrice. L’idée de « dangerosité » est une croyance qui invite chacun à se prémunir du danger, et donc à isoler et à exclure. Évaluer la dangerosité et le risque est aujourd’hui très clairement ce qu’on demande aux conseiller de probation et d’insertion, à savoir une pseudo-criminologie enfermante et pessimiste qui a remplacé la culture du travail social, autrefois dominante (3). La plupart des enquêtes sur les sorties de délinquance montrent au contraire, que l’ouverture sociale et plus largement l’empathie humaine, sont de puissants ressorts de la desistance et que le rôle de l’emploi et de l’entourage restent centraux, quelle que soit l’origine des individus en question.
Certes, avec une masse de délinquants faiblement qualifiés et une pénurie d’emplois stables, le potentiel de désistance de notre société est clairement limité. Les marges de manœuvres de ceux qui sont en charge du suivi des délinquants, notamment les moins qualifiés, les plus « endurcis » ou les sortants de prison, sont très réduites. Mais elles le sont encore davantage lorsqu’au rejet de la société s’adjoint l’autocensure et le désespoir des personnes en question, lorsque les sorties de délinquance restent impensées, donc peu investies ou organisées à l’échelle locale, et lorsque la prison (c’est-à-dire la neutralisation ponctuelle) est pensée par les pouvoirs publics comme la solution miracle alors que de nombreuses études ont montré qu’elle favorise plutôt la récidive.
La recherche académique a un rôle à jouer dans la construction d’un savoir sur les sorties de délinquance, fondé empiriquement et distant des enjeux de pouvoir ou des passions politiques. Il y a peut-être dans la connaissance des mécanismes dedésistance, les bases d’une autre politique publique qui pense à long terme la place de ceux qui ont transgressé à un moment donné de leur vie.
Marwan MOHAMMED, sociologue, Centre Maurice Halbwachs (CNRS, EHESS, ENS) 
Pour aller plus loin :
M. Mohammed (sous la direction de), Les sorties de délinquance. Théories, méthodes, enquêtes, Paris, La Découverte, 2012.

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La psychanalyse a souvent été une "science" normative visant à énoncer ce qui est socialement acceptable ou pas, sécularisant le rôle du prêtre. Cela dit, des psychanalistes se sont prononcés du coté de l'émancipation et de la déconstruction. En voici un exemple...

Psychanalyste méconnu, Otto Gross apparaît comme l’un des pionniers du freudo-marxisme et de la révolution sexuelle. 
La psychanalyse permet d’enrichir la pensée révolutionnaire. Certes, les structures sociales, économiques et politiques du capitalisme doivent être détruites. Cependant, il semble indispensable de s’attaquer également aux normes et aux contraintes sociales. Les marxistes distinguent les superstructures, avec les appareils idéologiques, des infrastructures économiques. La psychanalyse permet une critique de la famille, de l’éducation et de la répression sexuelle pour politiser la vie quotidienne. Surtout, Otto Gross et le courant freudo-marxiste  aspirent à transformer le monde pour changer l’ensemble des relations humaines. Pour libérer l’individu, il faut détruire la société et organiser une révolution totale.

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Un freudien hétérodoxe  
Le jeune Otto Gross, né en 1877 et éduqué dans un milieu bourgeois, entreprend des études de médecine pour suivre la volonté de son père. Cet étudiant se révèle timide, peu sociable, « fuyant tout particulièrement les femmes et l’alcool, d’esprit conformiste » selon l’écrivain Franz Jung. Après son doctorat, Otto Gross devient médecin sur des paquebots qui relient l’Allemagne à l’Amérique latine, région dans laquelle il goûte à l’opium et à diverses drogues. Il s’oriente progressivement vers la neurologie, la psychiatrie et la psychanalyse avec la découverte des travaux de Freud. 
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Les Blouses Blanches, photographies

Une exposition d’Hélène Mauri
Publié le mercredi 18 avril 2012
Je suis devenue infirmière au Service Infirmier de Compensation et de Suppléance (SICS) du CHU de Rouen alors que j’avais vingt et un ans. Mon travail consistait à remplacer les infirmières malades ou absentes sur une période de une à trois semaines. Il fallait être polyvalente, s’adapter.
Les conditions de travail sont souvent difficiles. Dans les services, les soignants sont de moins en moins nombreux. La charge de travail, de plus en plus importante, contraint à moins de temps auprès du patient. Malgré tout, chacun et chacune continue en gardant le sourire. A travers un travail d’équipe, nous donnons des soins, une écoute et notre temps. Lors de mes quarts de travail, j’espérais souvent que quelqu’un témoigne de notre quotidien.

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Ados-adultes : le grand malentendu

LE MONDE | 
Il existe un grand malentendu entre les adultes et les adolescents. Si 85 % de ces derniers considèrent qu'ils ont besoin des premiers, près des trois quarts des adultes sont persuadés que les jeunes n'ont pas besoin d'eux. Tels sont les enseignements d'un sondage Ipsos Santé effectué auprès de 807 ados de 15 à 18 ans, interrogés en ligne du 12 au 19 mars et auprès de 822 adultes de 25 ans et plus (échantillon représentatif selon la méthode des quotas).
Plus de la moitié des jeunes souhaiteraient nourrir plus d'échanges avec les adultes. Et dans leur entourage proche, 92 % des jeunes comptent prioritairement sur leur mère pour les aider à devenir adultes, devant leur père (74 %) et enfin leurs amis (58 %), alors que les trois quarts des adultes pensent que les adolescents comptent d'abord sur l'aide de leurs amis. La place du père semble contribuer au bien-être des ados : 83 % des jeunes qui se sentent bien citent leur père comme modèle contre 57 % des jeunes éprouvant un mal-être.
Cette question du malentendu entre jeunes et moins jeunes est au centre du 8Forum Adolescences de la Fondation Pfizer pour la santé de l'enfant et de l'adolescent, qui se tient mercredi 4 avril à Paris. Les adultes ont tendance à être plus pessimistes sur le moral des adolescents qu'ils ne le sont eux-mêmes. Près des trois quarts pensent que les jeunes sont souvent mal dans leur peau contre 25 % des intéressés ! Et seulement le tiers des adultes pensent qu'ils se sentent bien à l'école contre 71 % des ados. En d'autres termes, les ados vont plutôt bien, mais les adultes, pessimistes, l'ignorent.
Comment l'expliquer ? "Les parents utilisent leur grille d'analyse, explique Caroline Thompson, thérapeute familiale. Ils voient leurs ados en retrait, en butte à des revendications à leur endroit. Mais ce sont des moments particuliers d'autonomisation, somme toute assez normaux." De là à en déduire qu'ils sont mal dans leur peau, il y a un pas, trop vite franchi. Les jeunes testent les limites, tentent de trouver les nouvelles lignes de démarcation de leur autonomie.
Ils demandent plus de liberté, mais sont désemparés si on la leur donne. "Si vous dites à votre enfant, c'est toi qui décides, vous l'insécurisez, poursuit Caroline Thompson. Les adolescents ne sont pas des individus qui ont 15 ans, ils ont à la fois 8 ans et 25 ans. Ils ont besoin, à la fois, de l'affection donné à un enfant et de la liberté d'un adulte." Face à ces fluctuations affectives et d'humeur, l'adulte se doit de rester stable et de tenir un cap.
Pour Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste, le pessimisme des parents vient d'une grande inquiétude face à l'avenir de leur enfant : ils veulent lesvoir heureux, épanouis. "Alors que les enfants sont devenus le projet le plus important des adultes, commente-t-il, les adultes ont conscience que, pour la première fois, le niveau de vie de leurs enfants va être inférieur à celui de leur génération." Et alors que leurs enfants ont besoin de modèles, les parents ne savent plus vraiment quoi leur transmettre. Plus du quart des jeunes (27 %) estiment ne pas avoir de modèles dans la vie. "Leurs parents doivent transmettre à leurs enfants la confiance en l'avenir en leur montrant qu'ils ne sont pas les victimes de la société dans laquelle ils vivent. Ils ont besoin d'échanger avec leurs parents", poursuit Serge Hefez.
Selon le sondage, respect des valeurs, honnêteté et confiance en soi sont des valeurs que les jeunes d'aujourd'hui souhaiteraient se voir transmettre par leur entourage adulte. Mais très peu d'adolescents évoquent la confiance en soi parmi les valeurs apportées par leurs aînés. "Celle-ci semble au contraire sapée par les angoisses de leurs parents", considèreCaroline Thompson.
Enfin, autre malentendu qui pollue les relations des adultes avec leurs ados : les nouveaux médias. Les jeunes déclarent être connectés en moyenne cinq heures trente chaque jour. Ils contactent en moyenne quinze amis par jour sur les réseaux sociaux comme FacebookTwitter ou MSN. Mais, contrairement aux idées reçues, l'utilisation des nouveaux médias ne se fait pas au détriment d'échanges en face à face pour 84 % d'entre eux. Ils rencontrent physiquement deux fois plus d'amis par jour que les adultes (onze contre cinq) et consacrent deux heures trente en moyenne par jour àparler de visu avec eux, soit deux fois plus que sur les réseaux sociaux (une heure quinze en moyenne).
Pour le professeur Philippe Jeammet, président de la Fondation Pfizer et psychiatre, "une bonne partie des adultes qui sont acteurs de leur vie ont le sentiment ne plus avoir de pouvoir, que l'avenir leur échappe. Pourcontrebalancer cette sensation, les adultes vont avoir tendance, paradoxalement, à prendre une position négative et à renvoyer ce miroir défaitiste aux adolescents". Adultes, il est temps d'inverser la tendance !

vendredi 20 avril 2012


Remèdes traditionnels chinois : des composants très inattendus

lequotidiendumedecin.fr 13/04/2012

Des chercheurs ont passé au crible l’ADN contenu dans 15 remèdes traditionnels chinois. Stupeur, certains contiennent des plantes toxiques et des traces d’espèces animales protégées (ours noir d’Asie, antilope saïga).
Méfiance vis-à-vis des remèdes traditionnels chinois. Des chercheurs australiens de laMurdoch University ont révélé qu’ils contenaient bien d’autres choses que ce qu’annoncé, des plantes toxiques en particulier, mais aussi desallergènes (noix, soja) et des traces d’animaux protégés. À l’aide d’une technique de séquençage ADN à haut débit, l’équipe du Dr MichaelBunce a passé au crible une quinzaine de remèdes chinois, sous forme de poudre, de comprimés, de capsules, de paillettes et de tisanes.
« Au total, nous avons trouvé près de 68 espèces de plantes différentes, explique le Dr BunceCertains remèdes contiennent des herbes du genre Ephedra et Asarum, dont certains éléments chimiques sont potentiellement toxiques en cas de surdosage. Or aucun ne mentionne les concentrations sur l’emballage. »

Des effets secondaires dangereux

De la même façon, quatre familles d’animaux ont été identifiées, dont des espèces en danger et protégées comme l’ours noir d’Asie et l’antilope saïga. De l’ADN de bovidés, de cervidés et d’amphibiens(bufonidae) a été détecté également, ce qui était rarement notifié sur l’emballage. « Un produit labellisé 100 % pur antilope saïga contenait en réalité des quantités importantes d’ADN de chèvre et de mouton », explique le Dr Bunce.
Les remèdes d’importation chinoise posent ainsi de nombreux problèmes de législation, d’efficacité et de tolérance. Alors que de nombreux effets secondaires ont été rapportés, comme dans les années 1990 une centaine de cas d’insuffisance rénale avec cancer urinaire à distance chez des femmes ayant pris une herbe amaigrissante contenant de l’Aristolochia, les remèdes traditionnels chinois ne sont soumis à aucune réglementation. Des études chromatographiquesavaient pourtant détecté la présence de métaux lourds (mercure, plomb, arsenic) et de toxines végétales pour certains d’entre eux. Des techniques plus performantes sont nécessaires pour analyser les produits de médecines alternatives. Le criblage à haut débit, en tant qu’outil fiable et pratique aux douanes, est un premier pas dans le contrôle des produits médicinaux importés.
› Dr IRÈNE DROGOU
PLoS Genetics, publié en ligne le 12 avril 2012.

Les symptômes psychotiques tels qu'entendre des voix sont relativement fréquents

Les symptômes psychotiques tels qu'entendre des voix seraient beaucoup plus fréquents chez les enfants et les adolescents que ce qui est actuellement considéré, selon une étude publiée dans le British Journal of Psychiatry. Des études ont déjà montré que de tels symptômes seraient vécus par jusqu'à 17% de la population adulte.
Mary Cannon et Ian Kelleher du département de psychiatrie du Royal College of Surgeons (Dublin, Irlande) ont mené cette étude avec 2666 enfants âgés de 11 à 16 ans dans 4 études séparées.
21% à 23% des 11-13 ans et 7% des 14-16 ans rapportaient avoir vécu ces symptômes. Les hallucinations peuvent varier, consistant à entendre une phrase isolée à l'occasion, jusqu'à entendre des conversations entre 2 ou plus de personnes pendant plusieurs minutes.
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mercredi 18 avril 2012


Le communautarisme antipsychiatrique

16 Avril 2012 Par Richard Horowitz
Les mots changent de sens : quand on parlait d’antipsychiatrie, on évoquait jadis de fortes expériences, plus ou moins achevées, mais alliant généreusement patients et soignants dans un vaste mouvement libératoire de désaliénation et de lutte contre l’enfermement. La destruction de l’asile de Trieste en était le symbole, la loi italienne de fermeture des hôpitaux psychiatriques l’achèvement.
De même le terme de psychiatrie communautaire renvoyait à un mouvement anglais, antérieur, prônant la prise en charge des malades psychiatriques au sein de petites communautés rurales, plutôt que dans les mégalopoles asilaires nées au XIX eme siécle.
 Aujourd’hui nous vivons sous l’emprise d’un tout autre « communautarisme antipsychiatrique ». Il s’est constitué autour d’une myriade de petits groupes de patients et de leurs proches, étroitement regroupés pour contester l’organisation officielle des soins.
 C’est le règne proclamé de l’ « expertise profane », ou comme on peut souvent le lire sur certains blogs : « nul autre ne sait mieux ce qui est bon pour un malade, qu’un autre malade ou ses parents… »
 De plus l’implosion des grandes catégories psychiatriques, venue des USA il y a plus de vingt ans, a largement favorisé ce mouvement. Comme nous avions les Weight Watchers ou les Alcooliques Anonymes nous avons ainsi vu naitre les associations les plus variées : parents d’élèves dyslexiques, dysgraphiques ou dysorthographiques, hyperactifs, groupes de soutien aux porteurs de TOC, clubs de surdoué, et bien sûr, les parents d’autistes qui défraient la chronique régulièrement. A chaque pathologie son ou ses groupes d’influence.
 Soyons justes : le phénomène a toujours existé, porté par le droit d’association et le compréhensible besoin de partager douleur morale et difficulté matérielle. Qu’on songe à l’œuvre accomplie par l’UNAFAM (Union des amis et familles de malades psychiques) les associations de Croix Marines et tant d’autres.
Le monde associatif, et principalement ses bénévoles, a ainsi largement épaulé l’effort de professionnels souvent démunis, ou s’est substitué efficacement à un Etat pas encore providence pour tous.
  La grande majorité de ces groupes établissent petit à petit des relations de coopération harmonieuse avec les spécialistes : nombre d’associations de parents d’autistes s’impliquent dans la promotion de projets novateurs ou la gestion d’établissement, les incompréhensions entre pédo psychiatres, neuro pédiatres et parents d’enfants présentant des troubles spécifiques du langage, j’en suis témoin, s’estompent ou s’estomperont.
 Reste la frange la plus extrême des associations de parents d’autistes.
Le très décrié Bruno Bettelheim parlait de forteresse vide. L’image ne vaut plus, au moins au plan sociétal : peu nombreux mais efficacement organisés, arrimés à leurs convictions, murés dans leurs certitudes, ces groupes renforcent constamment leur radicalité et leur isolement.
Mus par une curieuse tentation identitaire certains parents en sont arrivés à tenter, parfois avec succès, de se faire diagnostiquer eux même d’une pathologie proche de celle de leur enfant (en général syndrome d’Asperger, syndrome autistique à haut niveau intellectuel, catégorie incertaine et contestée dans les classifications internationales)… manière de partager un peu plus avec leurs enfant ou suggestion d’une incidence génétique pour le moins hypothétique ?
Toujours est il qu’ainsi retranchés, ils usent, au service de leur cause, de tous les moyens : lobbying, communication effrénée, requête juridiques incessantes, pressions et attaques personnelles.
Ici, point de soutien aux professionnels ou de complémentarité avec l’Etat :
Les premiers demeurent sous suspicion permanente d’incompétence ou d’intérêts peu avouables, les pouvoirs publics sont éternellement soupçonnés de gabegie et d’incurie dans la répartition des crédits.
Car il s’agit bien de cela : réorienter l’intégralité des subsides vers une seule et unique approche, de type éducative, alors que tous les soignants savent d’expérience que chaque enfant demande tout un ensemble de soins adaptés : éducatifs certes mais aussi cognitifs, psychologiques et médicaux alliés à un mode de scolarisation et de socialisation ad hoc.

Les derniers épisodes (diffusion puis interdiction du film « le mur », amendement du député Fasquelle, mise en cause du Pr Delion etc...) ont bien illustré le militantisme mais aussi l’inquiétant dogmatisme de ces groupes.
Vouloir utiliser le droit de choix de chaque parent, dans le cadre des pratiques préconisées et validées, est une chose.
Prétendre interdire aux praticiens telle ou telle pratique ou exercer, à partir d’une légitimité contestable et des moyens aussi peu orthodoxes, une  pression sur les choix de la collectivité semble plus discutable.
Encadrer et restreindre la créativité  des cliniciens et des chercheurs en mettant à l’index telle ou telle conception théorique n’est guère tolérable.
 Là est la dérive auquel concourt le repli de ces groupes : animés par leur réel souci de leurs enfants, leur logique clanique distord complètement leurs rapports avec l’extérieur, toujours invalidé et vécu comme hostile ou insensible à leur détresse.
 L’équilibre tripartite antérieur unissant usagers, professionnels et pouvoir publics trouve ainsi ses limites et le dialogue indispensable sur des sujets aussi sensibles n’existe plus, faute de l’indispensable sérénité.  
Au contraire du but recherché on s’enlise ainsi dans de vaines polémiques au détriment des jeunes et de leurs familles…
Dr Richard Horowitz
Pedo psychiatre
Président de la fédération des CMPP

Joyce-Lacan, rencontre sur les planches

Photographie : © Hervé Bellamy
Photographie : © Hervé Bellamy

« Joyce était-il fou ? Par quoi ses écrits lui ont-ils été inspirés ? » Ces questions posées par le psychanalyste Jacques Lacan, admiratif de l'écrivain irlandais, Antoine Caubet leur donne vie aujourd'hui avec brio sur le plateau du Théâtre de l'Aquarium.
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