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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 24 juin 2011

L'inquiétante hausse des hospitalisations sous contrainte
14.06.11

Le nombre d'hospitalisation sans consentement est très disparate sur le territoire.
Le nombre d'hospitalisation sans consentement est très disparate sur le territoire.Le Monde
Les psychiatres n'en démordent pas. Le projet de loi de réforme de l'hospitalisation sans consentement comporte des risques de dérive sécuritaire. Certains praticiens affirment déjà qu'ils n'appliqueront pas la loi, examinée en deuxième lecture au Sénat, mercredi 15 juin. Le texte prévoit que les soins sans consentement puissent être étendus à la prise en charge hors hôpital. Or beaucoup craignent que le texte n'entraîne un nouvel essor des mesures de contraintes, dont l'augmentation inquiète déjà.
Environ 20 % des hospitalisations en psychiatrie sont décidées hors consentement du malade. Les derniers chiffres datent de 2007, mais ceux sortis depuis - des données non corrigées - montrent une tendance à la hausse. Selon les statistiques annuelles des établissements de santé, que Le Monde s'est procurées, les hospitalisations sous contrainte à la demande d'un tiers (proche ou famille) sont passées, entre 2007 et 2009, de 58 849 à 63 158. Les hospitalisations d'office (sur demande du maire ou du préfet), décidées notamment en cas de trouble à l'ordre public, sont stables, passant de 14 331 à 14 576.
Le fait que de plus en plus d'hôpitaux renseignent les bases de données explique la progression de ces chiffres, mais pas seulement. "La question des raisons de la hausse est clairement posée, mais nous n'en sommes qu'au stade des hypothèses", explique Pauline Rhenter, sociologue du Centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé (CCOMS) consacré à la santé mentale. Elle estime notamment que, "dans un contexte général plus sécuritaire, il faut se demander si la contrainte n'est pas en train de devenir un mode d'hospitalisation banalisé".

Manque de structures

Une explication à la hausse des hospitalisations à la demande d'un tiers pourrait résider dans le changement de regard de la société sur la maladie mentale. "Nous avons des difficultés à accepter autour de nous des gens ayant un comportement inattendu", affirme Jean-Marie Delarue, le contrôleur des lieux de privation de liberté. Dans un avis rendu en mars, il s'était inquiété des difficultés rencontrées par les psychiatres pour obtenir des préfets une sortie d'essai pour leurs malades en hospitalisation d'office, qu'ils estiment pourtant suffisamment soignés.

Cette augmentation des hospitalisations sans consentement s'inscrit par ailleurs dans un contexte de fortes disparités géographiques. Dans les zones rurales et périurbaines, les hospitalisations sous contrainte sont plus courantes, car il y a peu de structures d'accueil alternatives et de travail de prévention. D'un département à l'autre, en 2007, le taux des internements pour 100 000 habitants de plus de 20 ans variait de 1 à 5.

Mais le manque de structures n'explique pas tout. Il y a aussi les différences d'attitude des préfets face aux malades mentaux, celles des maires, enclins ou réticents à prendre un arrêté d'hospitalisation, et même des psychiatres. Pour mieux appréhender ces phénomènes locaux, une étude pilotée par le CCOMS est en cours. Elle concerne les hospitalisations d'office dans quatre régions.

Certains voient enfin dans cette hausse la preuve d'un manque de moyens, sachant que pour décrocher plus vite une place à l'hôpital, il vaut mieux opter pour une hospitalisation à la demande d'un tiers, même si le patient est consentant.

Pour Patrick Chemla, psychiatre au Centre Antonin-Artaud à Reims et membre du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, cette dérive pourrait aussi être constatée hors de l'hôpital, avec le projet de loi. "Les structures qui suivent les malades à l'extérieur sont autant surchargées que les hôpitaux", dit-il, ajoutant que la facilité sera de "placer tout le monde en soins sous contrainte, alors qu'il faut parfois des mois pour obtenir un consentement" du patient.

Au ministère de la santé, on estime au contraire que la loi va permettre de développer la prise en charge hors hôpital, et ainsi limiter les recours non justifiés à l'hospitalisation sous contrainte.
Laetitia Clavreul


L’USP dépose un recours en Conseil d’Etat contre le fichage en psychiatrie (communiqué)

 Depuis longtemps, l’USP dénonce les dangers liés au recueil d’information médicale en psychiatrie (RIMP) :

- d’une part la constitution de grands fichiers hospitaliers de données de santé particulièrement sensibles (dont le diagnostic psychiatrique, le mode d’hospitalisation…) ;

- d’autre part l’imposition, par le biais de ce recueil à visée médico-économique, d’un modèle clinique et donc thérapeutique très réducteur, objectivant et déshumanisant.

Le 20 décembre 2010, en annexe à un simple arrêté, l’ATIH (agence technique de l’information hospitalière) a publié une nouvelle mouture du « guide méthodologique de production du recueil d’information médicale en psychiatrie ». Cette nouvelle version du guide ajoute l’obligation pour les établissements de recueillir « en complément des informations nécessaires à la mesure de l’activité » des « informations à visée d’enquête » relatives aux « caractéristiques sociales du patient susceptibles d’influer sur les modalités de traitement de celui-ci ».

L’USP a donc déposé un recours en Conseil d’Etat contre l’arrêté et son annexe , estimant que :

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Avis de tempête sur la psychiatrie française



Rendu public le jour même où a été votée à l'Assemblée une loi réformant l’hospitalisation d’office et créant des soins sous contrainte en ambulatoire, un rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) épingle une série de graves dysfonctionnements dans la gestion des hôpitaux psychiatriques français. Mais à qui la faute ?


Étonnant hasard du calendrier : il y a dix jours, le matin même où l'Assemblée nationale a voté, par 297 voix contre 191, une loi, pourtant qualifiée par de nombreux usagers, leurs familles, mais aussi de professionnels de la santé mentale, de « sécuritaire", l'Inspection Générale des Affaires Sanitaires (IGAS) nous sortait de son chapeau un rapport de 200 pages pointant des « dysfonctionnements systémiques » dans la gestion des hôpitaux psychiatriques français. Les anecdotes rapportées y sont accablantes : ici, c'est un enfant autiste de 11 ans, admis en Guyane dans un établissement pour adultes et que l'on a fait dormir, pendant un an, dans un cage grillagée, en plein cœur du service, avant qu'il intègre enfin une structure pour enfants, pour lui éviter de subir des agressions sexuelles d'autres patients ; là, ce sont des petites structures, où sont mélangés des « sujets fragiles, parfois âgés, apaisés ou proches de la sortie avec des jeunes entrants en crise souvent violents, des malades hospitalisés sans consentement avec des malades en hospitalisation libre (…)» ; là encore, des larcins, des fugues et des meurtres. Pour un peu, on se croirait dans les descriptions des asiles d'avant Pinel

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Santé mentale : trente personnes manifestent à La Roche-sur-Yon
15 juin 2011

Une trentaine de professionnels de la santé mentale a manifesté, ce matin, devant la préfecture. Dans toute la France, médecins psychiatres, cadres supérieurs de santé et infirmiers se sont mobilisés pour protester contre la loi, qui réforme la psychiatrie. Examinée hier et aujourd’hui au Sénat, les manifestants parlent de «régression». Un diagnostic médical pourra placer une personne en observation durant 72 heures, sans possibilité de sortie. Seul un juge des libertés sera en mesure de valider la sortie d’un patient ou non. « On ne veut pas que l’hôpital soit assimilé à un lieu d’enfermement », s’indignait ce matin une militante.

Grèce : la grande dépression
22.06.11

Ce sont des voix anonymes qui appellent à l'aide au téléphone, des voix humaines qui souffrent de la crise que traverse leur pays et du poids de la récession économique. Elles ne savent plus quoi faire, alors elles décrochent leur téléphone pour appeler SOS-Dépression. Extraits de ces conversations.

Un employé de 38 ans : "Rien ne va bien, récemment. Le travail devient plutôt stressant. L'idée de le perdre me hante. Ne pensez pas que c'est juste une peur, c'est une réalité. Les gens perdent leur travail. Je n'ai plus confiance en moi, je suis tout le temps irritable, et mon sommeil est chaotique. Pour ma femme, c'est encore pire. Elle a un travail à temps partiel, et ils lui ont annoncé qu'elle devait partir à la fin du mois. A cause de la crise, comme ils disent. Quand nous sommes ensemble, j'essaye de ne pas lui montrer ce que je ressens. Je ne veux pas peser davantage sur elle. Je ne sais pas ce que je vais faire. Je suis désespéré."

Une mère, soucieuse pour son enfant : "Mon fils a 26 ans. Il est diplômé de l'université, et il essaie de trouver un emploi. Je m'inquiète pour lui. Cette recherche l'a beaucoup déçu. Il n'a pas trouvé de travail et ça a un impact négatif sur tous les aspects de sa vie. Il n'a pas de vie personnelle, et il ne sort pratiquement pas de la maison. Il m'a dit hier qu'il se considérait comme un raté. J'ai essayé de l'encourager en lui disant que beaucoup de jeunes sont confrontés aux mêmes problèmes à cause de la crise économique, mais je ne pense pas que ça l'aide. Oui, je suis vraiment inquiète pour lui."

Un retraité : "J'ai 68 ans et je ne me sens pas très bien en ce moment. J'ai peur de l'avenir. Je n'ai jamais ressenti ça auparavant. Je prendrai ma retraite en 2012, mais j'ai peur qu'à cause de la crise ce soit vraiment dur. Il y a des moments où ça me met en colère, mais le plus souvent je me sens sans espoir et sans secours. Je n'ai pas l'énergie que j'avais dans le passé. Un de mes amis me dit de demander de l'aide. Il pense que je suis déprimé."

SOS-Dépression a été mis en place en mai 2008 par l'Institut universitaire de recherche sur la santé mentale. La mise en place d'un programme baptisé Anti-stigma était destiné à encourager à parler des troubles mentaux, dans une société méditerranéenne, fortement marquée par l'emprise de l'Eglise orthodoxe, où il est mal vu d'aller chez le psy.

Il s'agit de consultations par téléphone, de conseils donnés à des gens qui n'osent pas franchir la porte d'un cabinet ou, de plus en plus, parce qu'ils n'ont pas les moyens de le faire. La ligne a enregistré plus de 6 000 appels. "La crise économique a augmenté le nombre de personnes qui appellent pour résoudre leurs problèmes dus au chômage et à l'incertitude du futur. 27 % des appels sont directement liés aux conséquences de la récession", explique Marina Economou, responsable de SOS-Dépression.

Les psychiatres évaluent entre 25 % à 30 % la hausse des consultations provoquées par la crise. "Il y a un afflux de demandes pour des cas de psychiatrie légère : angoisse aiguë, crise de panique, dépression, explique Dimitris Ploumidis, responsable d'un centre universitaire de santé mentale, dans le quartier de Kaisariani, à l'est d'Athènes, et aussi vice-président de l'Association des psychiatres de Grèce. En septembre 2010, il fallait deux semaines d'attente pour une consultation, aujourd'hui il faut deux mois et demi."

Dans une étude intitulée "Dépression et détresse économique en Grèce", publiée dans la revue Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, de juillet 2010, Marina Economou et trois autres collègues constataient que "les personnes exposées à des conditions économiques défavorables ont plus de chances de développer des dépressions sérieuses". L'étude comparait 2 008 et 2009, alors que la récession s'est fortement aggravée en 2010.

"La crise, les difficultés économiques ravivent les peurs et les angoisses personnelles",
explique Dimitris Ploumidis. Son collègue Stelios Stylianidis, professeur à l'université d'Athènes, qui consulte dans le public et le privé, fait le même constat : "Quand on ne peut pas investir dans son avenir, ce non-investissement psychique crée un état de détresse. La porte reste ouverte à l'émergence de troubles psychiatriques." Il a deux exemples précis des effets de la crise sur le psychisme, à chacun des bouts de l'échelle sociale.

C'est un peu la wonder woman et le clochard. Une femme de 47 ans était sous-directrice d'une société. Elle a été licenciée, au début de l'automne 2010, au moment où elle se sentait à l'apogée de sa carrière. "Tous ses liens sociaux ont été construits autour de son travail. Elle ne perd pas seulement son salaire, mais tout repère symbolique. C'est la destruction de son image et de son monde interne. Elle s'effondre", explique le docteur Stylianidis.

A l'autre bout de l'échelle, un clochard de 51 ans a élu domicile en plein centre d'Athènes. Il a son banc sur la place Korai, près de l'université. Il travaillait dans une usine au sud d'Athènes. Il dévale la pente très vite : alcool, violences conjugales, divorce. "Il a un sentiment de honte, de désarroi, mais il conserve sa fierté. Il refuse d'aller dans les foyers d'hébergement de la ville", explique le psychiatre qui l'a rencontré dans le cadre d'une mission sur les SDF du centre-ville. "Ils m'ont traité comme un chien, je serai un chien", lui a-t-il dit. Il a adopté un chien sans collier, sa seule compagnie.

Alors que les psys sont confrontés à cet afflux de clients, les budgets sont coupés, pour cause d'économies. Des psychologues ne sont pas payés depuis trois ou quatre mois. L'argent n'est plus débloqué pour les médicaments, qui sont en principe donnés à des patients nécessiteux.

Le jour de la manifestation du 15 juin, qui a fait trembler le gouvernement, Stelios Stylianidis a revêtu une camisole de force pour protester avec des patients et leurs parents, regroupés au sein de l'association Apapsy, contre les coupes dans le budget de la santé mentale. "Des patients, même des psychotiques, me disent qu'ils ont besoin de moi, mais qu'ils ne peuvent pas me payer, explique-t-il. Certains abandonnent leur traitement ou ont recours à l'automédication. Les pharmaciens constatent une augmentation de la consommation des antidépresseurs. Malheureusement pas toujours sur ordonnance."

Dimitris Ploumidis ne constate pas d'évolution vers des pathologies plus importantes. "Mais on risque d'être confrontés à de la psychiatrie lourde si le système de soutien familial est totalement ébranlé." La solidarité intergénérationnelle, même si elle est rudement mise à l'épreuve, sert encore d'amortisseur à la crise.

On peut parfois être fier d'être à la dernière place de l'Europe : la Grèce est le pays de l'Union européenne où il y a le moins de suicides, avec un taux de 2,8 pour 100 000 habitants. Mais faut-il dire"était" ? "C'est en train de changer", explique Aris Violatzis, psychologue dans l'organisation non gouvernementale Klimaka, qui gère un autre centre d'aide, SOS-Suicide. En 2009, leur nombre a augmenté de 18 % par rapport à 2007. Les spécialistes attendent une hausse plus importante en 2010. "Nous estimons que le nombre a doublé en 2010", explique M. Violatzis. Le directeur du département psychiatrique de l'hôpital Sismanoglio à Athènes, Kostas Lolis, réévalue, lui, ce taux à 5,7 pour 100 000 habitants. Un résultat qui placerait la Grèce devant Chypre et l'Italie, mais en dessous de la moyenne européenne (12 suicides pour 100 000 habitants).

L'étude "Dépression et détresse économique en Grèce" constate que le nombre de personnes souffrant d'épisodes dépressifs majeurs ayant des envies suicidaires est passé de 2,4 % à 5,2 %, entre 2008 et 2009. Ces taux sont respectivement de 35 % et 48,6 % pour les personnes en difficulté économique.

"Nous avions une quinzaine d'appels par jour, aujourd'hui, cela peut aller jusqu'à quatre-vingts
, explique Aris Violatzis. Parfois, nous écoutons longtemps ces personnes. Je suis resté pendant des heures avec une mère de 40 ans qui appelait de son balcon au 5e étage, prête à se jeter dans le vide. J'ai parlé avec elle jusqu'à ce qu'une équipe d'urgence arrive sur place. Parfois, nous allons chez les gens pour retirer les lacets, les armes, pour les protéger."

Les suicides ont eu lieu principalement à Athènes et en Crète, où plusieurs hommes d'affaires sont passés à l'acte après des problèmes financiers. "Le suicide n'a jamais une seule cause, mais nous avons de plus en plus d'appels de gens qui gagnaient bien leur vie et qui n'y arrivent plus financièrement", poursuit M. Violatzis. Le suicide est encore tabou dans la société grecque. Des popes ont refusé d'enterrer religieusement des personnes suicidées.

Ce nouveau désespoir grec ne se résume pas à des problèmes de crise économique. Il a des causes plus profondes. "La grosse angoisse des gens, c'est où en est l'avenir de la Grèce", explique Dimitris Ploumidis. La Grèce n'est redevenue un pays qu'en 1821, après quatre siècles de joug ottoman. De guerres civiles en dictatures, son histoire moderne est très douloureuse, et il y a une énorme fierté d'être grec dans l'ensemble de la population. "Les Grecs sont atteint dans leur identité, relève Aris Violatzis. Ils ont honte. Le monde entier les considère aujourd'hui comme des tricheurs, les moutons noirs de l'Europe. C'est très difficile à accepter."

"Je suis universitaire, je vais souvent à Bruxelles pour des réunions, j'ai conscience que nous avons gaspillé de l'argent, mais aujourd'hui je ne supporte plus ces sourires ironiques que je vois quand je dis que je suis grec"
, explique Dimitris Ploumidis. Il pourrait reprendre le poème célèbre du Prix Nobel de littérature, Georges Séféris, qui chantait : "Où que me porte mon voyage, j'ai mal à la Grèce."
Alain Salles




1 juin 2011

Rock'n philo
Francis Métivier

1
Mai 2011 – Bréal

Le rock et la philosophie s'accordent-ils bien ensemble ? Évidemment ! La première Méditation de Descartes et le Where is my mind des Pixies posent les mêmes problématiques : le réel est-il ce que je vois ? Le message des Pensées de Pascal et celui de Smells like teen spirit de Nirvana est le même : « Le moi est haïssable ». Cet ouvrage, associant l'analyse de textes de philosophie et de textes de rock'n'roll, propose de (re)découvrir les auteurs classiques de philosophie tout en (ré)écoutant ses groupes et morceaux préférés autrement... Il passe en revue tous les thèmes majeurs de philosophie à travers des chanteurs aussi variés que les Beatles, The Doors, The Who, Noir Désir, Bob Dylan, Bashung, Led Zeppelin, Patti Smith, BB brunes, Radiohead, Springsteen, Marylin Manson, Pink Floyd, Hendrix, Téléphone, Nina Hagen, Elvis, The Rolling Stones, ... et d'autres, qui réconcilient toutes les générations.

dimanche 5 juin 2011

Combattre la loi en discussion sur la psychiatrie pour préserver la politique de secteur ?

Mensonges et jusqu’au-boutisme

Par Pierre Paresys, vice-président de l’Union syndicale de la psychiatrie.

La politique de secteur en psychiatrie sur quelques dizaines d’années a permis à un grand nombre d’équipes d’organiser, notamment dans les centres médico-psychologiques, ou dans d’autres structures, un accueil, une disponibilité, une écoute dans des lieux ouverts et hospitaliers, dans la cité, au plus près de la population ; ces lieux sont pour le moment souvent accessibles, sans excès de formalité, sans fichage excessif, sans paiement à l’acte et donc hors parcours de soins, à tous ceux qui le souhaitent. Cet accès direct, sans jugement, sans procédure ou protocole pré-applicable, dans le respect de la différence, de la singularité, après quelques années de fonctionnement sur ce mode, autorisera sans doute celui qui souffre, qui parfois se sent étrange, sur la base du bouche-à-oreille, avec ou sans le soutien de proches, à franchir les portes de la structure. Ce n’est qu’un commencement, cette alliance, cette confiance, il faudra constamment la retravailler. C’est ce travail de toute une équipe qui permettra de limiter autant que possible la crise, l’urgence, la contrainte.


Ce travail, en quelques mois, sera balayé par la mise en œuvre de cette loi qui renforce les représentations stigmatisantes et coercitives de la psychiatrie. Pour les centaines de milliers de nouveaux usagers annuels, évitement et défiance viendront remplacer confiance et hospitalité. Les lieux d'accueil et de soins seront inexorablement marqués par les rapports de forces inhérents à la mise en place de soins contraints en ambulatoire alors qu'ils ont vocation à être des espaces d'écoute, d'accueil et de prévention.


L’enfermement au dehors, avec kit de vie et traitement imposé et normalisé par des protocoles, revient à l’externalisation de l’asile, ou plutôt de son organisation, avec effacement de l’individu. Présenter la contrainte en ambulatoire comme une nouveauté, voire une avancée, est une escroquerie visant à manipuler à la fois les élus et la population, alors même qu’il s’agit d’une proposition de légalisation de pratiques décrites comme abusives et dénoncées comme telles dans un rapport de l’Igas en mai 2005.


Mais plutôt que de durcir les contrôles pour imposer une meilleure application, et limiter la contrainte à l’exception, la commission se proposera d'assouplir ces mêmes mesures ! Elle choisira de faire de l'exception la règle, pour que tout rentre dans l'ordre. Cette commission ne fera que constater sans les analyser ou en évaluer les conséquences des écarts entre les départements pouvant aller de 1 à 5 pour les HDT (hospitalisation à la demande d'un tiers) et de 1 à 9 pour les HO (hospitalisation sans le consentement, antérieurement appelé internement). Il est pourtant peu probable que ces écarts soient liés au nombre de patients, à leur état de santé ou leur situation, mais plutôt à des pratiques différentes des équipes de psychiatrie et des préfets. La création, par exemple, d’un observatoire national de la contrainte n’a pas été envisagée.


Le risque zéro n’existe pas, et surtout les violences sont médiatisées de manière très inégale, essentiellement en fonction du marché qu’elles représentent et de l’instrumentalisation permise par un pouvoir qui s’en nourrit. L’obstination politicienne, la fascination pour l’omniscience supposée du leader, le mensonge et la manipulation, confirmée s’il le fallait par le réajustement récent de l’une des associations d’usagers présentée comme favorable à la loi qui est proposée au vote lundi à l’Assemblée, vont donc provoquer une régression sans précédent dans l’accès et l’organisation des soins en psychiatrie.


L’urgence résidait pourtant dans le renforcement de la capacité à accueillir, à soutenir la politique de secteur là ou elle est en place et à la rétablir là ou elle n’est plus ou pas encore. La différence avec les scandales ou catastrophes sanitaires précédentes, c’est que les coupables en se manifestant par leur vote dans les deux assemblées engageront ainsi leur responsabilité.

Pierre Paresys

J’ai honte des inspecteurs IGAS, j’ai honte de leur patron l’Etat français, accusant de crimes passés et à venir les malades mentaux.

Psychiatre des Hôpitaux
04 Juin 2011 
                                                                        

J’ai honte                                                                            

J’ai honte des inspecteurs IGAS, j’ai honte de leur patron l’Etat français, accusant de crimes passés et à venir les malades mentaux.


J’ai honte
de cet Etat qui oblige ses Inspecteurs à publier un rapport
[1] s’acharnant à démontrer que les malades mentaux sont dangereux et que les soignants de la psychiatrie sont des incapables.
Le but de cet éclat médiatique de lundi dernier est simple : devant la montée de plus en plus forte de la révolte des Usagers, de beaucoup de familles, des professionnels de la psychiatrie, contre une loi inhumaine sur la psychiatrie, il fallait que l’Etat assène un grand coup sur cette opposition mesquine !
Ce rapport a été demandé pour tenter de justifier la vérité scientifique du discours meurtrier du Président de la république du 2-12-2008 qui condamnait sans preuves devant le pays entier une catégorie de malades mentaux comme futurs criminels, à enfermer.
Pour ce faire l’Etat n’a pas convoqué une commission scientifique, ni un comité de sages qui auraient analysé ces assertions d’une violence inouïe. Non ! Les conseillers du Président à la veille du vote définitif de la loi consacrant cette accusation envoient deux « émissaires », Inspecteurs IGAS, missi dominici, « fonctionnaires obligés d’obéir, à la lettre, aux ordres de l’Etat »  pour apporter des « preuves » définitives du bien fondé de son réquisitoire, ceci publiquement et avec grand fracas médiatique.
La gravité de ce rapport est de venir à ce moment précis avant le dernier vote, pour aveugler les élus hésitants. La gravité c’est de le présenter comme un rapport solide (200 pages, fatiguant) pseudo scientifique (avec auditions et bibliographie). La gravité c’est de le faire au milieu d’un grand fracas médiatique. Cette machination compte sur « l’effet d’annonce ».
J’ai honte de ces inspecteurs qui affirment que les malades mentaux constituent une catégorie ‘à part’ du reste de l’humanité potentiellement dangereuse, qui prétendent brusquement en avoir les preuves, d’abord en étudiant les « accidents » qu’ils provoquent, des « crimes ».

La supercherie !



Une petite phrase dévoile leur supercherie tout en mettant en place l’argumentation trouvée pour laver les inspecteurs de tout soupçon de faussaire, au cas où quelqu’un mettrait en doute leur démonstration.
Ils expliquent que leurs données chiffrées sont très limitées puisqu’elles portent seulement sur quelques enquêtes faites pendant 5 ans sur des « accidents » signalés. Ils précisent donc qu’il n’est pas possible d’en tirer la vérité d’une enquête statistique (page 23).

La malignité des auteurs, c’est, une fois cette phrase posée, de présenter l’ensemble du rapport comme la vraie représentation de la réalité. Sur la foi de chiffres partiels ils affirment une réalité qui n’est pas. Nous dénonçons cette mascarade comme un abus total et grave de confiance de la population, cela doit réveiller la communauté professionnelle.
Pourtant la bêtise de l’argumentation qu’ils avancent suffit à les confondre !
Ils font comme si ces accidents choisis résumaient la vérité sur ce qui se passe en France. Ils évoquent et détaillent 20 homicides ‘et tentatives’ ( !), ainsi que 10 agressions sexuelles, commis par des malades ; et par de grossiers tours de passe-passe ils font croire que le nombre de crimes commis par eux est plus grand que celui commis par le reste de la population. Ils n’apportent aucune preuve, mais disent s’appuyer sur de récentes enquêtes internationales partielles, et affirment tranquillement que les malades mentaux sont plus souvent criminels et surtout certains d’entre eux (début d’une ségrégation qui ne cesse de s’amplifier ensuite).
J’ai honte qu’ils osent faire une telle présentation fausse, leur permettant de glisser à une autre affirmation : le trouble central de ces personnes pour eux est la « violence ». Qui est criminel pour eux a été violent ! Donc « Là où il y a violence, il y a crime possible ! », et comme la violence est pour eux de façon indiscutable (c’est eux qui en décident, ils n’évoquent aucun autre trouble) le trouble essentiel des malades mentaux, vous mesurez la portée de la démonstration !
Le reste du rapport leur permet de suivre ce fil qui consiste à donner des preuves de cette violence, à la débusquer, puis à édicter comment la contrôler.
On est abasourdi, confondus de tant de bêtise, mais surtout de tant de méchanceté à l’égard des usagers, et aussi des soignants. Le second volet de la démonstration prouve que les soignants ne savent pas prévenir ces violences, et qu’ils sont eux-mêmes facteurs de violence.
Les deux preuves majeures seraient les fugues des malades et l’incohérence des soignants. Pour les fugues (on croirait voir un ancien film comique avec cette assertion simpliste : « Là où il y a fugue, il y a crime !! » renversant !) le chiffre qu’ils avancent est beaucoup plus que vague : « Il y a environ 8.000 fugues et comme beaucoup ne sont pas déclarées, disent-ils, on est en droit de penser qu’il y en a 14.000 ! » ce qui montre la façon dont les inspecteurs se servent des chiffres !  Et comme pendant certaines de ces fugues il y a eu 5 crimes et 7 suicides, cela veut dire que les fugues facilitent l’expression de la violence. Ces faits sont suffisants aux yeux des IGAS pour affirmer que les malades mentaux sont plus dangereux que la population générale. Pourtant ils ajoutent que, certes, la grande majorité des fugues durent quelques heures et que dans une majorité de cas ils fuguent chez eux, enfin qu’elles sont le plus souvent sans conséquences ! Il suffit pourtant que lors de quelques fugues un crime ait été commis pour affirmer que les fugues sont dangereuses, que les soignants en sont gravement responsables, alors que la solution est simple il suffit de surveiller les entrées des hôpitaux et d’imposer des badges électroniques (pour les soignants au moins !)!
Un second argument majeur est de montrer que les soignants sont incohérents ; en effet les soignants devant trois toxiques ont trois attitudes différentes, ils sont interdictifs pour l’alcool, permissifs pour le tabac, et n’ont pas de meilleur résultat que la société pour le cannabis ! à leurs yeux cette triple attitude est la preuve de l’incohérence des soignants, et comme des violences se produisent sous l’effet des toxiques cette incohérence des soignants facilite les violences ; on croit rêver ! (Au passage ils critiqueront plus loin les soignants puisque ceux-ci osent intégrer leurs trop fréquentes pauses - tabac comme temps de travail : double faute ! Rien n’échappe aux inspecteurs !)
Il faut vraiment lire ce rapport dans le détail pour voir à quel point ces arguments sont tirés par les cheveux et faux (200 pages) (En annexe quelques perles qui montrent les outils des Inspecteurs pour construire un rapport qui a été écrit pour faire monter le niveau de peur !)
Les IGAS passent en revue ensuite toute une suite de faits démontrant que les soignants sont incompétents, incohérents, et sont eux mêmes auteurs de violence.
Ils vont en conclure que tout cela confirme que le fait grave est la violence des malades mentaux, violence que les soignants ne savent pas diminuer, au contraire ils la favorisent, alors qu’il serait simple de tout faire pour la prévenir, l’anticiper. La démarche sécuritaire pour prévenir ces violences est donc essentielle : surveiller, surveiller, surveiller et former d’abord les soignants aux combats de défense contre la violence.

Devant de tels propos il est temps d’affirmer qu’il est clair que la violence est bien du côté de l’Etat pour oser, par inspecteurs interposés, faire de pareilles affirmations si péjoratives et erronées. La violence n’est pas du côté des malades ! Le rapport s’inverse !
Il suffit de constater déjà la violence de toute hospitalisation dite sous contrainte, et d’anticiper ce qu’elle va être quand elle sera associée aux soins sans consentement, il est temps de dénoncer le caractère d’oppression et de violence de notre société sur les malades. Ne masquons pas la réalité : ces hospitalisations sont des « internements », une atteinte à la liberté, une privation, en l’absence pourtant de tout délit, dans des espaces où les soignants « devraient avoir l’obsession d’une surveillance constate », disent les IGAS. Les malades sont « parqués » dans des espaces où ils se trouvent dans une promiscuité sans intimité avec des personnes qu’ils ne connaissent pas et qui ont des troubles insupportables pour leur entourage ; eux doivent les supporter ; dans des architectures datant du 19ème siècle. Nous savons tous qu’un séjour dans de tels espaces est vécu comme une flétrissure, car tout le monde sait que pour y entrer il faut avoir été violent, ce qui veut dire, selon les auteurs, que l’on devient, à chaque violence supplémentaire, un criminel en puissance !
L’Etat ne veut pas comprendre que c’est sa propre violence contre les malades, déjà avec la loi de 1990, qui se déploie dans les espaces d’enfermement tant sur le plan symbolique que dans le détail de la vie quotidienne : il faut des autorisations précises pour téléphoner, pour écrire, pour avoir des visites, pour sortir, et les règles ne sont jamais claires puisque les soignants ont toujours peur (comme l’a expliqué JM Delarue dans son rapport) qu’à la suite d’un manque de surveillance un incident ne survienne. Cette violence de l’enfermement est génératrice d’un climat de violence ! Ceci pour certains est pire qu’en prison où la durée et les formes d’enfermement sont précisées, à l’hôpital tout est flou, sans limite.
Devant une telle succession de violences commises au nom de l’Etat, ne serait-il pas juste de décider la fermeture définitive de tous les grands hôpitaux psychiatriques et leur remplacement par des espaces de soin humains en pleine ville s’appuyant sur le tissu relationnel de la ville ?
Contre ce rapport, nous affirmons que fuguer de ces espaces de violence ne saurait être une faute : en fuguer est un signe d’amélioration, c’est un signe de bonne santé. C’est évident. Nous savons en effet que toute hospitalisation sous contrainte de plus de quelques jours nous sépare brutalement de tous ceux que nous aimons, nous coupe de tout ce dont nous avons besoin quotidiennement. Une fugue de quelques heures nous permet de revoir notre famille.

J’ai honte
de constater que ce volumineux rapport ne dit mot de la souffrance des malades.
Rien non plus de la souffrance des familles. Celle des professionnels est inexistante.
J’ai honte de constater que, comme dans la loi sur l’obligation des soins, comme dans le triste plan psychique de l’UNAFAM, rien n’est dit de la psychiatrie de secteur qui a permis à la psychiatrie une évolution formidable grâce à la notion de continuité des soins, ni des compensations sociales apportées par la loi 2005 sur le handicap psychique, en complément.
J’ai honte de constater que le rapport n’évoque pas la réalité des troubles psychiques, mais seulement un symptôme, la violence, qu’il n’évoque pas les liens relationnels dans lesquels les troubles naissent et évoluent, rien n’est dit sur la souffrance de l’environnement humain et sur l’appui qu’ils constituent tout au long travail du soin.
J’ai honte de voir leur projet de « bonnes pratiques » résumé dans deux données centrales autour une fois encore de la violence : Il suffit pour eux de savoir bien évaluer et bien faire connaitre la violence des malades. Les IGAS ont constaté que la façon dont les soignants appréciaient la violence des malades était insuffisante : donc « il faut former les soignants à l’évaluation par des tests américains sur la violence ». Ils ont constaté aussi que les informations étaient insuffisantes sur le passé des malades : quand on est informé que tel patient a montré plusieurs manifestations de violences, « on sait » qu’il va récidiver, mais ils ont observé que tous les soignants n’étaient pas informés de cela (ainsi les faits autour de la seule violence résument à leurs yeux tout ce qu’il faut savoir de la pathologie des patients : même JM Delarue n’a pas entendu cela) ! Evidence fondamentale pour les IGAS. Ainsi l’avenir est tout tracé, il est dans la multiplication des fichiers et leur coordination nationale. La stigmatisation est en route et sera de plus en plus serrée.
Les IGAS ont magistralement fait le tour du problème.
Il suffit d’ajouter la formation physique au close-combat pour affronter la violence et d’enseigner « la gestion des situations d’agressivité ».
La définition simple pour le soin est donnée : le soin est « sécuritaire », il faut avoir des « stratégies sécuritaires », qui apporteront des « gains de sécurité » !
A côté certes, il y a certains mots, certaines notions qui sont absentes de ces 200 pages, la liste est longue, quelques uns pourtant :
Absents les mots psychothérapie, le mot groupe, la vigilance, l’état de conscience, le délire, la détresse, la dépression, …. Les entretiens autour des médicaments ? Peu importe on aura vite des dosages permettant de savoir s’ils ont bien été pris. Je vous laisse continuer la lecture …
Tous écartés, sans intérêt.


N’avez-vous pas honte comme moi ? N’avez-vous pas le cœur serré de voir quelle conception de l’homme ont les conseillers du Président qui ont ainsi « forcés » leurs Inspecteurs à tant d’affirmations ? Que pensent-ils de l’homme ? Ont-ils le droit de penser ?
Je vous laisse un instant y réfléchir vous-même. Mon ventre se noue. Je n’ose y croire.


Le soin psychiatrique, c’est pourtant simple, la parole, l’écoute, la patience, la compétence, le temps, encore le temps, et surtout d’emblée le lien avec la famille, avec les proches, puis la continuité de la relation, la confiance, l’amour, le don de soi, des irritations, des émotions, le sourire, l’amitié, des médicaments bien sûr donnés dans la confiance et le respect et en expliquant leurs effets et leurs inconvénients, tout cela sans tambour, sans loi, ni trompette faisant croire que l’on est le meilleur, mais la certitude que le meilleur n’existe pas, seul le lien de confiance importe, il est à reconstruire et nourrir sans cesse, comme l’équipe de soin à renouveler chaque jour selon la personne qu’on rencontre et pourquoi et dont la réflexion collective nous permet de réajuster sans cesse nos petits glissements, nos petites incompréhensions, nos colères, différentes avec chaque patient, tout cela avec la patience qu’une mère et son entourage mettent à tisser des liens qui attirent le bébé un peu plus haut, un peu plus loin, jusqu’à ce que lui à son tour …

En fait ce qui a vraiment déstabilisé le Président, ses conseillers, c’est le rapport tranquille, serein, incontestable du Contrôleur des espaces de privation de liberté, sans passion, sans critique, mais terrible pour l’Etat.


JM Delarue a eu cette très grande élégance de n’accuser personne, de ne demander aucune révolte, de ne demander aucune réponse : il fait ce simple constat et nous le donne : il y a des logiques qui ne permettent pas aux hommes d’agir et de penser selon leur désir.
Quand on entre dans un espace fermé ayant pour objectif affiché les soins et que l’on veut comprendre ce qui s’y passe, sans aucune intention préalable, il est essentiel d’observer les données qui mobilisent les actions des acteurs en constatant simplement ce qu’ils font. Les hommes qui sont tenus par un certain nombre de règles, associées à des sanctions éventuelles obéissent à celles qui sont les plus fortes. Si l’objectif de soigner (qui est exercé de façon personnalisée pour chaque malade en fonction de sa personnalité, de ses troubles, ses liens, son histoire, cet objectif est heureusement « flou », car il se doit d’évoluer à tout moment en fonction de l’évolution de la personne, et de l’évolution de son entourage) est associé à l’objectif sécuritaire dont le but est d’écarter tout danger de violence, d’agression, de crime, de suicides, de fugues, il est évident que l’objectif sécuritaire sera constamment servi en premier car il parait simple à appliquer et surtout pourvoyeur de sanctions. Le sécuritaire pourtant n’est jamais certain, il faudra donc le vérifier, le renforcer sans cesse. Et au bout du compte on constatera qu’il n’y a plus d’espace pour le soin, mort au champ d’honneur du sécuritaire. Si en plus on montre que, contrairement à ce que la loi avait préparé pour éviter les excès, que le patient se saisisse des recours et puisse se plaindre, et que l’on montre que les patients ne les utilisent pas. On comprend que la logique de l’enfermement des patients empêche le soin !
La loi de 1990 toilettée est descendue en flammes par le rapport de JM Delarue. Il est aussitôt clair pour tout le monde que celle de 2011 est beaucoup plus grave puisqu’elle ajoute l’utilisation incontrôlable non scientifique des médicaments envahissant la personnalité des malades sans les guérir, et qu’elle multiplie par trois l’échelle de la contention et des obligations.
Le projet 2011 en ce moment au Parlement a explosé en vol ! Le rapport des IGAS voulait protéger le Président et ses conseillers. Au contraire il les expose par sa bêtise, sa lâcheté.

J’ai honte


annexe

Pour mieux apprécier le caractère savant, informé et scientifique du rapport je vous livre ces quelques perles (mais vous en trouverez d’autres) - en italique mes commentaires impertinents-


p 9 (une larme pour nos pauvres directeurs) : « Aucune incitation financière ne vient saluer les efforts vertueux d’un directeur d’établissement ou d’un chef de pôle » (l’avenir de la psychiatrie est assuré si chaque infraction à la surveillance et aux règles sécuritaires permet aux directeurs de toucher une prime, il suffisait d’y penser ! ceci dans le résumé)


p 55 (une preuve par l’absurde) « Le taux des meurtriers malades mentaux dépend aussi du taux de criminalité ambiant : plus la société est violente, moins la place des malades mentaux dans les homicides est importante. Inversement lorsque la société est pacifique, seuls subsistent les meurtres commis par les malades mentaux » (on se dit qu’il ne manque plus que la phrase eugéniste : supprimons les malades mentaux, il y aura moins de crimes)


p 65 « le désœuvrement des malades produit un ennui néfaste » (on ne met surtout pas en cause l’enfermement qui les coupe de tout ce qu’ils aiment, et pendant lequel on est constamment épié, surveillé)


p 115 -« L’apparente rareté des conséquences graves des fautes de surveillance a tenu lieu d’excuse face aux dysfonctionnements » (ils viennent d’affirmer page après page la gravité des crimes, la multiplicité des fautes ! et voilà on apprend que c’est peu de chose ! on a du mal à en croire nos yeux)


-« Le danger des fugues c’est la rupture de traitement » (ils ont pourtant affirmé qu’elles sont le plus souvent de quelques heures et à domicile)


-« Le dispositif de soin ne doit pas être désinvolte, car « les malades ont été placés là pour les protéger et les empêcher de nuire et de se nuire » (l’intention est claire)

p 117 -Quelques conseils savants pour l’architecture : « il faut éviter les angles morts, et les couloirs sinueux qui ne facilitent pas la surveillance et la fluidité dans les parties communes »

-«Après avoir décidé que des unités de soins organisées sur la base de regroupements de malades homogènes, de nombreuses bonnes pratiques restent à élaborer pour la sexualité, la contention et la sortie de l’hôpital » (voilà le programme : ségrégation, fichiers informatiques, contrôle sexuel)


-« Enfin il suffira de mieux informer chaque patient de ses droits et obligations, des risques de sa conduite, en essayant de tenir compte de ses choix … » (enfin ! première allusion, dans le dernier paragraphe du rapport, à la dimension humaine de la personne ! mais avec quelque précaution)



[1] Analyse d’accidents en psychiatrie et propositions pour les éviter. Mai 2011. Inspection Générale des Affaires Sociales. Ministère de la Santé. 200 pages, biblio, auditions.