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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mardi 8 mars 2011


GONZO - Gardien de prison, les coulisses
02 mars 2011

Un journaliste a réussi a se faire passer pour un gardien de prison pendant huit mois avant de démissionner pour écrire un livre sur les coulisses des prisons françaises. Dans la peau d’un maton sort mercredi 2 mars en librairie, mais plusieurs médias en publient déjà les bonnes feuilles, comme Rue89.

Arthur Frayer a réussi à passer le concours de gardien de prison en mentant sur son véritable métier. Il en ressort un livre “passionnant”, écrit Rue89. “La meilleure manière d’entrer dans cet univers, à moins de se faire condamner, était de se faire embaucher comme maton”, explique l’auteur pour justifier son mensonge.

“Tous les jours, je vivais avec un sentiment d’angoisse, je naviguais entre l’écoute et l’autorité
, affirme également Arthur Frayer à Ouest-France. En prison, on côtoie ce qu’il y a de pire en l’homme.” Il décrit des conditions de détention déplorables pour les prisonniers et un travail usant pour les gardiens de prison, qui “n’ont souvent pas choisi ce boulot par vocation”.

Dans les bonnes feuilles publiées par Rue89, Arthur Frayer décrit sa première journée derrière les murs, à l’occasion d’un stage d’observation. Une journée terrible pour ces futurs gardiens de prison.
“Richard, le chef des formateurs, nous fait visiter une seconde cellule, qui a brûlé. Les murs sont carbonisés. Les alentours des latrines sont d’un noir charbonneux. Bras croisés, parcourant des yeux le haut des murs, il nous explique que beaucoup de détenus perdent tous leurs repères psychologiques quand ils entrent au quartier disciplinaire.”

Point de vue

Une éthique de la connaissance appliquée aux auteurs d'agressions sexuels


D
epuis des dizaines d'années, chacun de nous trois œuvre sans relâche pour promouvoir la recherche, les soins et la formation face aux problèmes de santé publique posés par les auteurs de violences sexuelles, que ces violences portent sur des personnes majeures ou mineures. Pourtant, nous assistons de manière répétitive au même cycle : faits tragiques (viols, meurtres), suivis "d'orages médiatiques" où chacun de nous trois répète les mêmes discours comme s'ils n'avaient jamais été entendus ni compris, faits tragiques qui déclenchent la mobilisation temporaire des instances politiques, la rédaction de rapports, la promulgation de lois…

Puis les problèmes retournent dans un apparent oubli, comme refoulés, jusqu'à la prochaine tragédie. Peut-on mettre un terme à ce cycle ? Ou nous faut-il renoncer à ces efforts ingrats ? Il nous a semblé, cependant, que la dernière tragédie, la mort de Laëtitia, redonnait l'occasion d'une véritable réflexion sur ces problèmes. En effet, la solution passe par une réflexion et une connaissance rationnelle et approfondie de ces problèmes.


Or, en France, les recherches biomédicales dans ce domaine sont plus qu'indigentes. Tapez "sexual offenders" dans PubMed, la grande base internationale de données bibliographique médicales. Le résultat est affligeant : sur les 20 premiers articles qui sortent, 13 sont américains, 2 canadiens, 3 australiens, 1 néerlandais, 1 néo-zélandais…, 0 français. Nos propres efforts pour mener une recherche thérapeutique sur les effets des traitements antihormonaux (la mal nommée "castration chimique") ont dû être arrêtés faute d'un nombre suffisant de patients qui nous soient adressés par les professionnels de justice et de santé.


Aujourd'hui, pour nous, la réponse à ce problème dans sa dimension de santé publique, qui comprend autant les victimes que les auteurs, passe par des progrès dans la connaissance de ces phénomènes, pour mieux les traiter, dans le cadre d'une démarche éthique, et passe aussi par une meilleure diffusion de ces connaissances grâce à des actions de formation des professionnels de justice et de santé. C'est ce qu'avait préconisé, par exemple, le rapport Lamanda, premier président de la Cour de cassation, remis au président de la République… il y aura bientôt trois ans, en mai 2008. D'autres rapports lui ont succédé, d'autres pays se confrontent au même problème.


Toutes les analyses concluent à l'importance de deux décisions politiques pour la réussite des actions : une politique de recherche en la matière et une politique de concertation interprofessionnelle. C'est pourquoi nous appelons les autorités politiques à la création d'une plate-forme de recherches, de soins et de formation dans le domaine de la pathologie des auteurs de violence sexuelle. Les recherches à y mener devront être résolument pluridisciplinaires : biomédicales, épidémiologiques, psychologiques, psychiatriques, criminologiques, avec le souci d'y intégrer une réflexion éthique et les apports des sciences humaines et sociales.


DES INSTRUMENTS EXISTENT


Que l'on médite le fait suivant : il existe depuis des années des instruments permettant d'évaluer de manière validée le risque de récidive des agressions sexuelles. Ces instruments ont été validés non seulement en Amérique du Nord, mais dans des pays européens. Pourtant, aucune tentative de validation n'a été effectuée en France. Une telle carence de recherche a un caractère profondément contraire à l'éthique.


Quant aux soins dispensés dans la plate-forme mentionnée, ils devraient être précédés par une évaluation approfondie de la problématique de chaque patient, car il n'existe pas un agresseur sexuel type : chacun d'eux est différent. Ces évaluations devront reposer sur des outils validés sur des populations françaises, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent. A l'instar des centres qui existent au Canada, en Allemagne, aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, il faudra donner à cette plate-forme une assise institutionnelle dans l'université, la recherche et l'hôpital. Ce centre devra se doter d'une gouvernance réunissant les représentants des principaux professionnels concernés : professionnels de la santé, la justice, la recherche, la famille. Il devra être à l'écoute des besoins de la société, relayés par le milieu associatif.


Sur le plan socioéconomique, l'efficacité des traitements recommandés par la plate-forme sur la base d'une approche Evidence-Based Medicine, aura un coût bien inférieur aux coûts encourus dans la situation actuelle : qu'on songe que le procès d'Angers a coûté à lui seul plus de dix fois le montant de l'essai thérapeutique Inserm sur les traitements pharmacologiques de la pédophilie (8 millions d'euros, avec la nécessité de construire un bâtiment nouveau pour que s'y tienne le procès).


Les expériences nord-américaines déjà effectives depuis plusieurs années nous enseignent aussi que le coût de la rétention de sûreté prévue par la récente loi est de plusieurs centaines de milliers de dollars par patient et par an, ce qui implique que seule une très petite fraction des agresseurs dangereux peut faire l'objet de cette mesure. La situation actuelle représente un coût énorme pour la nation en raison des frais judiciaires, pénitentiaires, et médicaux (prise en charge des victimes) qu'elle entraîne. Ces frais seraient réduits de manière spectaculaire par la mise en œuvre, dans le cadre d'une plate-forme de recherche, de soins et de formation dans le domaine de la pathologie des agresseurs sexuels, de mesures de dépistage, de soins et de prévention de la réitération des passages à l'acte.


Serge Stoléru est aussi chercheur à l'Inserm (Paris) ;
Sophie Baron-Laforet est aussi directrice du Centre ressource pour intervenants auprès des auteurs de violence sexuelle (Ile-de-France) ;
christian hervé est aussi directeur du Laboratoire d'éthique et de médecine légale, université Paris-Descartes
Serge Stoléru, psychiatre, Sophie Baron-Laforet, psychiatre, et Christian Hervé, professeur de médecine légale et de droit de la santé

dimanche 6 mars 2011

Malaise en psychiatrie
jeudi 3 mars 2011
,

par Christine Tréguier

Les établissements psychiatriques ne dérogent pas à la règle de l’informatisation à des fins de meilleure gestion administrative. Depuis 2007, un arrêté les oblige à tenir un recueil d’informations médicalisées en psychiatrie (RIMP), destiné à procéder à une analyse médico-économique de l’activité de soins. Ce fichier, qui recense de nombreuses données concernant les patients hospitalisés ou simplement suivis dans les centres médico-psychologiques, n’aurait donc comme finalité que d’évaluer, pour mieux les tarifer, les actes effectués. Et n’aurait donc a priori aucun besoin d’informations sur les patients eux-mêmes.


Pourtant, et c’est ce qui inquiète l’Union syndicale de la psychiatrie (USP), le RIMP exige parmi les données enregistrées le diagnostic médical et les modalités d’hospitalisation sous contrainte. Des données très personnelles puisqu’elles sont associées à l’identifiant permanent du patient (numéro qui peut aisément être corrélé à son identité) et à sa date de naissance. Le tout est archivé sous la responsabilité du médecin à la tête du service d’information médicale (SIM) de chaque établissement, chargé de les transmettre après anonymisation à une agence ministérielle. Mais le fichier nominatif est conservé dans l’établissement. Un problème pour Olivier Labouret, vice-président de l’USP, qui déplore que ces données ne soient pas anonymisées à la source et qu’on multiplie les fichiers sans réelle protection.


Exemple, le dossier informatisé du patient, dont sont extraites les données du RIMP : il est nominatif, utilise le même logiciel, et il est facile pour n’importe quel soignant d’accéder « par erreur » aux dossiers d’autres patients que ceux dont il a la charge. À tel point qu’il est prévu, exceptionnellement, d’attribuer un alias pour préserver l’anonymat d’un parent d’un membre du personnel ou d’une personnalité. L’USP dénonce un manque de maîtrise général et une impossibilité de respecter la confidentialité indispensable à la relation entre soignants et patients. Elle demande que soient reconnus la nécessité du consentement exprès du patient à l’utilisation de ses données et son droit d’opposition. Un droit que revendique un groupe de patients du service psychiatrique du Centre hospitalier du Gers : sans succès depuis deux ans.


En décembre 2010, la publication d’un nouvel arrêté et du Guide méthodologique de production du RIMP est venue aggraver les craintes du syndicat. Ce guide préconise de recueillir également des informations sociales sur les patients – telles que mode de vie, situation scolaire ou professionnelle, bénéfice d’un minimum social, de la CMU, etc. –, « susceptibles d’influer sur les modalités du traitement ». Pour l’USP, « une telle utilisation “à visée d’enquête” donne de facto à l’État la capacité de réguler l’offre de soins de façon discriminatoire, en fonction de critères socio-économiques » et elle n’entre pas dans la finalité d’évaluation médico-économique du RIMP. Le syndicat a déposé un recours devant le Conseil d’État ainsi qu’auprès du ministère de la santé et a saisi la Cnil. « La psychiatrie, rappelle-t-il, est au service des personnes en souffrance », pas de leur traçage.

Le site de l’Union syndicale de la psychiatrie.

Isabelle Montet, psychiatre

"La psychiatrie a besoin d'une loi globale et non d'une réforme sécuritaire"


L
e projet de loi "relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques", qui doit réformer la loi de 1990 sur l'hospitalisation sans consentement, fait l'unanimité des psychiatres contre lui. Adopté en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, mercredi 2 mars, il sera débattu à partir du 15 mars, date à laquelle une manifestation est déjà annoncée.

Aujourd'hui, les traitements sous contrainte sont cantonnés à l'hospitalisation (d'office ou à la demande d'un tiers). La réforme instaure la possibilité de rendre les soins obligatoires hors les murs de l'hôpital, en cas de "péril imminent" pour la santé du malade. A la suite d'un arrêt rendu par le Conseil constitutionnel fin 2010, qui sanctionnait la loi de 1990, a été ajoutée l'obligation de contrôle de l'hospitalisation sous contrainte, par le juge judiciaire, au-delà de quinze jours d'internement.


La profession reproche au gouvernement le penchant sécuritaire de la réforme. Isabelle Montet, psychiatre à l'hôpital de Clermont-de-l'Oise et secrétaire générale du Syndicat des psychiatres des hôpitaux, explique pourquoi.


Les psychiatres estiment que ce projet de loi a davantage une vocation sécuritaire que sanitaire.
Sur quoi vous fondez-vous ?


Ce qui ressort du texte, c'est l'idée de garantir la sûreté non des malades, mais des non-malades, en insistant sur les prérogatives du préfet (aujourd'hui, il peut interner d'office et donne son accord pour la sortie). Il me semble important de rappeler le contexte.


En 2007, alors qu'il était ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy avait dû renoncer, face à la mobilisation, à associer maladie mentale et dangerosité dans la loi sur la prévention de la délinquance. Devenu chef de l'Etat, après le fait divers de Grenoble (un malade ayant fugué de l'hôpital avait tué un étudiant), il a réclamé, en 2008, une réforme de l'hospitalisation sans consentement. Personne ne veut oublier ce drame, mais il ne doit pas résumer à lui seul la prise en charge des malades mentaux.


Dans le projet de loi, la question du trouble à l'ordre public prédomine sur la préoccupation de la qualité des soins. Toutes les propositions faites dans les groupes de travail, qui associaient soignants, familles et patients, ont au final été détournées de leur esprit. Par exemple, la période d'observation de 72 heures, qui doit permettre de prendre le temps de décider des modalités de soins, est devenue, dans le texte, ce que beaucoup d'entre nous appellent une "garde à vue psychiatrique", sans garantie particulière pour le patient.


Autre exemple, les préfets pourront se référer aux antécédents du patient avant de prendre une décision, notamment de sortie. Cela revient à constituer un "casier psychiatrique" qui poursuivra le malade toute sa vie. Le fait que les députés ont adopté un amendement, mercredi, sur le "droit à l'oubli", confirme que ce point pose problème.


Que change la réforme pour les patients ?


Il y a davantage de garanties administratives demandées pour la sortie des patients que pour l'entrée. Par exemple, il est prévu de pouvoir se passer de l'autorisation d'un tiers (proches ou membres de la famille) pour contraindre à une hospitalisation. Les familles étaient demandeuses de cette évolution, ainsi que de l'extension de l'obligation de traitement hors de l'hôpital pour faciliter l'accès aux soins. Même si nous les rejoignons sur ce point, cela nous préoccupe car nous ne voudrions pas devenir des espèces d'agents de régulation sociale sous l'ordre des préfets.


En outre, la décision du Conseil constitutionnel de rendre obligatoire le contrôle par un juge au-delà de quinze jours d'hospitalisation nous a réjouis, car enfin la question de la privation de liberté était prise en compte. Mais comme le gouvernement a voulu conserver au texte son "squelette sécuritaire", rien n'a changé sur le fond. C'est toujours le préfet qui tranchera en dernier recours.


Qu'aurait-il fallu intégrer pour avoir une "vraie" loi sanitaire ?


Depuis la loi de 1990, la société a évolué, ce qui a eu un impact sur les soins psychiatriques. Davantage de patients font appel à la psychiatrie, et ils y viennent d'eux-mêmes. Nous avons donc besoin d'améliorer les structures d'accueil, de créer des appartements thérapeutiques, d'obtenir davantage de place en hôpitaux de jour... Ce besoin n'est pas pris en compte.


Le travail des psychiatres ne consiste pas seulement à prescrire des médicaments, mais aussi à s'intéresser à l'environnement du patient (famille, logement, emploi). C'est donc d'une loi globale dont la psychiatrie a besoin. Or le texte rapporte tout à la dangerosité et se concentre sur les soins sous contrainte, en oubliant que plus d'un million de Français sont suivis chaque année en psychiatrie, dont seulement 70 000 sans consentement.

Propos recueillis par Laetitia Clavreul

ina.fr
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Bienfaits et méfaits de la psychanalyse


Bernard PIVOT présente son émission consacrée à la psychanalyse et reçoit quelques auteurs dont trois psychanalystes.Aïda VASQUEZ pour "SOS psychanalyste" Julien BIGRAS raconte "l'Enfant dans le grenier" Robert CASTEL pour "le psychanalysme" Dominique FRISCHER explique comment a été élaboré son livre "les Analysés parlent" Didier ANZIEU l'un des auteurs de l'ouvrage collectif ..

A voir ici
École de la Cause freudienne

Psychanalyse lacanienne et psychothérapie
Par Fabian Fajnwaks

Fabian Fajnwaks, membre de l'ECF 

A écouter ici


Cycle de conférences – Mémoire et avenir : controverses autour de la psychiatrie et de l’antipsychiatrie

IUHMSP, Lausanne
Musée de la Main,
Fondation Claude Verdan,
21 rue du Bugnon, CH-1011
Lausanne

Une série de quatre symposiums organisés par l’Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé publique (IUHMSP), avec la collaboration du Département de Psychiatrie et de l’Association Le chiffre de la parole.

Ces rencontres partent de la constatation qu’il existe encore peu de recul, en termes de mémoire vivante, de récits et de transmission, quant à l’émergence d’expériences singulières relevant du champ de la psychiatrie ou de l’éducation au cours du XXe siècle et à leur rapport avec les institutions officielles. On pensera en particulier à Maud Mannoni, Fernand Deligny, François Tosquelles ou Claire-Lise Grandpierre pour ne citer que quelques exemples, surgis dans le sillage de ce qu’il est convenu d’appeler l’« antipsychiatrie ».

Assurément, ce terme, et l’ensemble des pratiques, institutionnelles ou alternatives, qu’il a suscitées demande réflexion : historique d’une part, institutionnelle et politique d’autre part. Les questions soulevées articulent en effet vies individuelles singulières, familles, organisations et institutions, collectivités, pouvoir politique. En termes d’avenir, il convient de réfléchir aux nouvelles alliances entre l’ensemble des acteurs et des décideurs, afin que soient valorisées des pratiques à différentes échelles.

Lors de ces rencontres, où interviendront historiens, psychiatres et soignants spécialistes de santé mentale, membres d’associations alternatives de soin et de lieux de vie, ces questions seront abordées à la fois sous l’angle historique et prospectif, lors de conférences, projections de documents filmés et débats.

Ces symposiums sont gratuits. Pas d’inscription préalable nécessaire.

Mémoire et avenir : controverses autour de la psychiatrie et de l’antipsychiatrie

Programme en cliquant ici

Psychiatrie : parole contre médicaments

Par Agnès Noël
Un groupe assis à la grande table discute. A l'intérieur du centre d'accueil Antonin Artaud, à Reims, patients et soignants se mélangent.
 Copyright : Christian Adnin

À Reims, un centre d’accueil essaie de soigner les malades en privilégiant les relations humaines par rapport aux médicaments.

Reportage.
L’entrée est discrète. Un local comme un autre dans une rue passante de Reims. Deux personnes assurent l’accueil dans un petit bureau. Un jeune homme, non loin d’eux, attend près d’un ascenseur. Il propose de nous guider. Heval est l’un des patients du centre d’accueil Antonin Artaud. Soigné depuis 2006 pour troubles psychotiques, son état s’est amélioré au point qu’il accueille désormais les nouveaux arrivants.

Il nous emmène dans une grande salle : au mur, des toiles, des dessins, tous réalisés par les résidents… Restent dans un coin des vestiges du petit-déjeuner. C’est la coutume : tous les jours, des patients vont chercher des croissants et du café pour le centre.

Aujourd’hui, c’est atelier écriture. Un groupe assis à la grande table discute, se dispute à coup d’acrostiches, dictionnaires à portée de main. À première vue, difficile de repérer le soignant au milieu d’eux. Heval en profite pour nous montrer fièrement un exemplaire de La Patate chaude, mensuel de la structure, qui traîne dans un coin. Il est élaboré par un comité de rédaction mixte soignants-patients.

Depuis quelques mois, le journal s’exporte et devient pour la radio locale « La patate ose ». Le jeune homme est rejoint par l’un de ses amis, Clément, qui se décrit comme « un peu plus sensible que les autres », devenu lui aussi l’un des piliers du lieu. Ils vont continuer la visite à deux.

Le centre d’accueil (1), créé en 1985, et qui traite actuellement plus de deux cents patients psychotiques, s’est inspiré du projet Aloise, lancé en 1981 par le psychiatre Roger Gentis. Celui-ci part du principe qu’il existe une part de créativité dans la maladie mentale. Elle peut s’exprimer notamment par l’art brut ( certains malades ont exposé des toiles au Musée d’art brut de Lausanne ).

Non étiqueté

Le centre vise aussi à offrir aux patients un réseau d’accueil non étiqueté « psychiatrie », où ils peuvent retrouver une envie, une forme d’expression.

« L’objectif est d’accueillir ceux qui ont des expériences délirantes, pour des soins humains et pas seulement des soins techniques. Dire que quelqu’un de très malade peut être artiste, c’est fondamental », explique Patrick Chemla, fonda­teur du lieu. Ici, il existe diffé­rentes activités, comme les ateliers poésie, arts plastiques, vidéo, mais aussi des sessions d’actualité et de lecture, ainsi qu’un jardin pour permettre à chacun de s’exprimer selon ses envies.

À Antonin Artaud, le mélange est donc de mise. « Ce qui est intéressant, c’est qu’il existe une myriade de lieux qui correspondent aux personnes et à leurs désirs. Il existe différentes possibilités d’interaction et de contacts », reprend le psychiatre.

Les patients peuvent faire ce qu’ils souhaitent, y compris ne rien faire et rester tranquillement à l’accueil. Chacun est libre d’apporter ce qu’il veut : un ancien étudiant en ciné­ma a lancé l’atelier vidéo, un médecin à la main verte s’occupe de l’atelier jardinage… Des objets sont dissé- minés çà et là, laissés par les pensionnaires. Comme ces clichés de la ville laissés par un patient et accrochés au mur. Ou ce piano désaccordé légué par une autre.

Mélange des activités, mélange entre patients et soignants aussi, à l’image du club thérapeutique, qui rassemble de 60 à 80 participants, praticiens et malades confondus. Son objectif : la discussion entre soignants et soignés et la gestion commune de certaines activités. Les patients peuvent être élus au bureau du club. Ensemble, ils organisent des petits-déjeuners, des sorties.

 « L’idée était de mettre sur un pied d’égalité patients et soignants. C’est une autre façon d’envisager la relation avec le malade », explique Patrick Chemla. Parfois, ce sont les soignants qui ont des ratés. Et les patients qui les remettent à leur place.

Goût de vivre

La démarche n’est pas forcément simple, le directeur de l’établissement l’admet volontiers et confirme la nécessité d’une équipe hypermotivée. Si ce type de structure était à la mode voici trente ans, il n’en reste plus guère aujourd’hui. « Les psychiatres se sont lassés. Certains centres ont évolué vers la distribution de médicaments. Nous, on continue à vouloir offrir un lieu ouvert. »

Pour tenir le choc et échanger entre eux, les quelque vingt praticiens ont créé « la criée », un espace d’échange où la parole est libre, qui permet de structurer leur travail et de ne pas se faire « happer par le délire du patient ».

Patrick Chemla déplore : « Actuellement, l’idée dominante est qu’il faut d’abord administrer un traitement pour calmer le délire et ensuite commencer à discuter avec le patient. Pour moi, il faut commencer par discuter. Le délire, comme disait Freud, est déjà en soi une façon de s’exprimer et une tentative de guérison. Et les médicaments ne marchent pas toujours : on trouve des gens violents dans la rue, dans les prisons. Aucune pilule n’a jamais guéri ou permis de retrouver le goût de vivre. »

Certains patients, comme Heval et Clément, progressent. D’autres pas. De toute façon, estime le docteur, impossible d’obtenir de vrais progrès en quelques mois. Et ici, on est prêt à mettre le temps qu’il faut. C’est d’ailleurs pour cela que le docteur s’indigne du dispositif actuel des soins :

« Le problème avec l’hospitalisation à la demande d’un tiers, c’est qu’on peut hospitaliser un malade et le mettre ensuite dehors au bout de trois semaines. Fatalement, il rechute. Alors que nous, on reste joignable 24/24 h. Les plaintes des familles disant que les équipes ne répondent pas quand on les appelle sont justifiées. C’est pour cela qu’elles soutiennent la loi. Mais quand elles vont voir que la permanence des soins promise dans le projet de loi va se résumer à une injection obligatoire, elles vont déchanter. »

Pour le docteur, membre du collectif La nuit sécuritaire, « c’est l’humanité qui compte ». Une vision opposée à celle de la nouvelle loi, laquelle affirme-t-il, « tourne autour des médicaments et de l’obligation de soins. Elle se manifeste par un meilleur accès aux soins ambulatoires, mais ici, on reçoit deux cents personnes en soins ambulatoires sans contrainte. Il faut qu’un climat de confiance s’instaure pour lancer quelque chose ! Cette loi a des possibilités d’extension très graves, comme les traitements de force. Les médicaments sont d’un précieux secours, mais ne sont pas suffisants. Et quand les soins sont forcés, cela renforce la paranoïa des malades. Les patients se sentent bien dans cette maison car c’est un lieu d’accueil. »

Au sein du club thérapeutique, lors d’une réunion, soignants et patients ont évoqué le projet de loi sur la psychiatrie. Une assemblée générale a été organisée. Un meeting a été lancé. Les patients s’en sont mêlés, dont Heval et Clément, qui ont proposé d’aider. Une manifestation de protestation a donc eu lieu en mai, mêlant soignants et patients. Certains, parmi ces derniers, brandissaient des pancartes « nous som­mes tous des schizophrènes dangereux » pour attirer l’attention de la population.

Le mê­me mois, à l’invitation de sénateurs communistes, quelques patients et soignants sont intervenus au Sénat pour exprimer leur point de vue. Le 25 septembre, ils devraient participer à un meeting organisé par la nuit sécuritaire. Et ils enchaîneront sur un colloque à l’Assemblée nationale en octobre. Clément le dit : « Je suis là pour faire la révolution. »

1. Le centre Antonin Artaud regroupe à la fois une structure médico-psychologique et un centre d’accueil.

Les évadés du bocal

Programme du festival
 « les évadés du bocal »

IMPORTANT: Une exposition de tableaux, photos, vidéos est mise en place pendant toute la durée du festival. Si le lieu n'est pas précisé, tous les événements se déroulent au bar-restaurant le Lieu-Dit, 6 rue Sorbier, Paris XXe. Seuls les événements intitulés "Les évadés hors les murs" se tiennent dans différents lieux précisés ci-dessous. L'entrée est libre (dans la limite des places disponibles), la participation aussi.

Vendredi 4 mars : « Les évadés hors les murs »
11h-13h : Émission radiophonique « Zones d’attraction » sur Radio libertaire (89.4    FM) autour du Collectif « les évadés du bocal ».

Lundi 7 Mars : Prologue
18hOO : Ouverture du festival par le collectif « Les évadés du bocal »
19h3O : Performance poétique et sonore de l’association « Les temps mêlés »  
« Danser l’invisible d’un rendez-vous schizophonique avec les indétectables du livre du témoignage d’une machine à écrire »

Jeudi 1O Mars: L'effet de l'art en question
18hOO à 19hOO : Présentation de la pièce « Le musée des fous » de Christine Deroin.
2OhOO : Projection du film « nos pluriels » (20min)
puis débat avec Olivier Couder (Théâtre du Cristal) et Patrick Franquet (théâtre du Reflet) accompagné d’extraits de la pièce « Cathalina in fine » de Fabrice Melquiot interprétés par le théâtre du Cristal.

Samedi 12 Mars : « Les évadés hors les murs »
15hOO: Conférence sur le thème "Folie et société" avec Mathieu Bellahsen et Patrick Chemla, psychiatres, Heitor de Macedo, psychanalyste, Marie-José Mondzain, philosophe.
2OhOO : Spectacle Louise, elle est folle, mis en scène et joué par Elise Vigier et Frédérique Loliée (texte de Leslie Kaplan)
 Maison de la Poésie, 157 rue St Martin, 75OO3 PARIS

Dimanche 13 Mars : Un monde sans fous?
16hOO : Projection du documentaire « Un monde sans fous? » (52 min)
puis débat avec le réalisateur Philippe Borrel et Patrick Coupechoux, journaliste.
18hOO : Concert de Fantazio , Jean-François Vrod et Benjamin Collin.
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Jeudi 17 Mars : Quand le collectif s'expose
18hOO : Concert du groupe "Démence précoce" (Atelier du Non-Faire)
2OhOO: Récit d’une expérience artistique inspirée de la psychothérapie institutionnelle par Louis Neuville et Apolonia Breuil, collectif Pounchd, artistes.
Discussion avec Jean-Claude Polack, psychiatre-psychanalyste, revue Chimères.

Vendredi 18 Mars : Fragments d'archives, une autre histoire de la psychiatrie 
11h-13h : « Les évadés hors les murs » Émission radiophonique « Zones d’attraction » sur Radio libertaire (89.4 FM) autour du festival « Les évadés du bocal ».
2OhOO : Débat avec Mâkhi Xenakis, peintre et sculpteur, autour de l'ensemble sculptural « Les folles de la Salpêtrière » et Patrick Faugeras, psychanalyste et traducteur, directeur de collection chez Eres, auteur des « Lettres mortes » de l’asile de Volterra.
Discussion avec Roger Ferreri, psychiatre désaliéniste.

Samedi 19 Mars: « les évadés hors les murs »
18hOO : Projection du film "Les femmes, la ville, la folie", d'Elise Vigier.
2OhOO : Spectacle Louise, elle est folle, mis en scène et joué par Elise Vigier et Frédérique Loliée (texte de Leslie Kaplan)
 Maison de la Poésie, 157 rue St Martin, 75OO3 PARIS

Dimanche 2O mars: Folie et expériences du collectif
15hOO : Projection de « Solstices », de Bernard Richard (1h20)
16h3O : Projection du dossier « Autogestion I » complément du film (30 min)
Discussion avec Bernard Richard, réalisateur, Roland Gori, psychanalyste à l’initiative de « L’appel des appels » et les membres du collectif « Zones d’attraction ».
19hOO : Pièce de Schubert: "La jeune fille et la mort" par le quatuor Équinoxe (1h00)
  
Lundi 21 Mars: « les évadés hors les murs »
2Oh3O : Spectacle théâtral Abilifaie Leponaix de Jean-Christophe Dollé. Entrée gratuite. Réservations nécessaires auprès de la compagnie Fouic théâtre: 09 51 12 47 34
Théâtre la Pépinière, 7 rue Louis Le Grand, 75OO2 PARIS

Mardi 22 Mars : L'art comme outil de civilisation
2OhOO : Débat avec Sylvain Gouraud (photographe, SPEAP : Sciences Po, Ecole des Arts Politiques), et Nicolas Roméas, directeur de Cassandre/Hors Champ, revue et pôle ressources Art/Culture/Société.
Logo_Cassandre_Horschampinvers_

Vendredi 25 Mars: Qui a peur de son ombre? 
18h3O : Création autour de l’ouvrage « Voyage à travers la folie » de Mary Barnes et Joseph Berke par Marine Pennaforte, comédienne, Cie Théâtre A (http://www.theatrea.fr), et Denis Teste, musicien (1h00)
2OhOO : Débat avec Heitor de Macedo, psychanalyste, et Leslie Kaplan, écrivain.
  
Samedi 26 Mars: Décollez les étiquettes! 
14hOO à 16hOO : enregistrement de l’émission de Radiocitron (Elan retrouvé) sur le thème : « les étiquettes ». Invités : Radio « La Patat’ose » (Centre Antonin Artaud, Reims), et Jean-Christophe Dollé, metteur en scène. 
17hOO : Projection du film « Chacun a son rôle » de Dominique Cœur.
Discussion avec Paul Machto (psychiatre, collectif des 39), Dominique Coeur, les adhérents de l'association "Champ libre" et les comédiens du GITHEC (Groupe d'intervention Théâtrale et Cinématographique)
19h3O : concert du groupe « le cabaret à Lou » avec Marie Fortuit, comédienne et chanteuse, et Nicolas Joseph, musicien.

Dimanche 27 Mars: Folie et poésie
               16hOO: projection du film de Nicola Sornaga "Le dernier des immobiles" suivi d'une discussion avec Nicola Sornaga autour de "Van Gogh le suicidé de la société" d'Antonin Artaud.

« Les évadés hors les murs »
17hOO : Spectacle  Le musée des fous de Christine Deroin.
18h3O:   Débat avec Marine Pennaforte et Loriane Brunessaux pour le collectif des évadés du bocal.
Comédie Nation, 77 rue de Montreuil, 75O11 PARIS

Mercredi 3O Mars: « Les évadés hors les murs »
14h3O : Dessus, Devant, Derrière , performance chorégraphique et plastique au Théâtre de l’Institut Marcel Rivière. Entrée libre.
MGEN Institut Marcel Rivière, Route de Montfort - 7832O La Verrière
  
Jeudi 31 Mars: Parlons une autre langue 
2OhOO : Franck Lepage, scop Le Pavé (coopérative d’éducation populaire)  extrait de conférence gesticulée suivie d’un anti-débat.

Vendredi 1er avril:  « Les évadés hors les murs »
11h-13h :  Émission radiophonique « Zones d’attraction » sur Radio libertaire (89.4 FM) autour du festival « Les évadés du bocal». 

Samedi 2 Avril : Produisons le commun 
14h3O-17hOO :  Du collectif au commun :
14h3O-15h3O : Patrick Chemla, psychiatre-psychanalyste, Centre Artaud-Reims, collectif des 39, et Hervé Bokobza, psychiatre-psychanalyste, Saint-Martin de Vignogoul, collectif des 39.
15h3O : Interprétation d’extraits du livre Le Fou de Khalil Gibran par Moïse Schaeffer.
16hOO-17hOO : Jean Oury, clinique de Laborde
  
Dimanche 3 Avril : Prélude
17hOO : Projection du film de Rafal Bajena Operahaus (50 min)
Discussion avec Rafal Bajena
18h3O : "Qu’est ce que ça nous a fait ?" débat avec le collectif des évadés du bocal
2OhOO : Concert de Denis Charolles