Publié le 6 mai 2021
La raréfaction de l’eau est une problématique d’ampleur planétaire, qui concerne aussi directement la France, rappellent, dans une tribune au « Monde », des scientifiques, des acteurs du secteur et une trentaine de parlementaires.
Tribune. Chaque 22 mars, la Journée mondiale de l’eau alerte sur la pression grandissante s’exerçant sur les ressources en eau et les écosystèmes qui en dépendent. Pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 40 % de la population mondiale sera confrontée à des pénuries d’eau d’ici à 2050 et, selon le Global Water Institute, 700 millions de personnes pourraient être déplacées à l’horizon 2030 du fait d’une pénurie d’eau !
La raréfaction de l’eau est une problématique d’ampleur planétaire et les prévisions sont toujours plus alarmantes pour la France de 2050. Les projections du rapport Drias de Météo France prévoient des records absolus de températures d’ici à cette date, avec une augmentation des températures estivales moyennes de 6 degrés Celsius.
Une diminution de la recharge des nappes de 10 % à 25 % en moyenne, selon les régions, affectera aussi les eaux superficielles, avec une baisse de 10 % à 40 % du débit annuel des cours d’eau. Les sécheresses, plus précoces, réduisent déjà l’accès à l’eau potable d’un nombre croissant de communes.
Sécheresses, inondations, cyclones
Sans une action décisive, le manque chronique d’eau ne trouvera plus de solution. Selon le Groupe international d’experts sur le climat (GIEC), les plus grands effets du dérèglement du climat sont liés à l’eau : sécheresses, inondations, montée du niveau marin, tempêtes et cyclones, disparition des zones humides.
Encore marquée par les crues dévastatrices survenues dans les Alpes-Maritimes, la France fait face à des périodes d’étiage plus précoces, sévères et longues et des déficits pluviométriques qui affectent la biodiversité, l’agriculture ou l’efficacité du refroidissement des réacteurs des centrales nucléaires. La baisse de la quantité d’eau disponible génère des conflits d’usage auxquels s’ajoute la dégradation de la qualité de l’eau.
Voté en première lecture à l’Assemblée nationale, le projet de loi Climat et résilience, dont l’examen se poursuivra au Sénat, représente une réelle opportunité. Son article 19 fait le lien entre eau et climat en précisant la notion de « respect des équilibres naturels » issu de l’alinéa 1er de l’art L210-1 du code de l’environnement. Ainsi, la protection de l’eau, sa gestion durable doivent se faire dans le respect des équilibres naturels : infiltration de l’eau dans les nappes souterraines, protection de la biodiversité, lutte contre les pollutions et les effets du dérèglement climatique.
Cet article 19 ne remet pas en cause la pluralité des usages ou le « droit à l’eau ». Il affirme simplement comme préexistant le devoir de protéger l’eau à sa source. Sans priorité à la protection et restauration des milieux, les usagers de l’eau n’auront plus rien à partager !
Nous saluons les amendements concernant la stratégie de gestion des ressources en eau souterraines, le positionnement de l’eau comme patrimoine commun de la nation, la compensation des surfaces imperméabilisées en imposant une part minimale de surfaces non imperméabilisées dans les plans locaux d’urbanisme (PLU). Restent à confirmer les dispositions prévoyant les diagnostics et les programmes de travaux pour améliorer l’état des réseaux d’eau potable, la restauration des écosystèmes aquatiques tels que tourbières, ripisylves, mangroves ou herbiers marins dégradés, et la nécessité d’un suivi de l’évolution des nappes phréatiques.
Une gestion équilibrée
La meilleure façon de garder l’eau est de la laisser circuler et s’infiltrer, cette évidence doit nous rassembler. La restauration de la continuité écologique des cours d’eau doit être défendue. L’enjeu majeur est de protéger la ressource et l’accès à l’eau potable, seul usage à prioriser dans le droit. Tous les autres usages doivent être conciliés sur la base de connaissances scientifiques fiables.
Pour être protégés, les écosystèmes doivent faire l’objet d’une gestion équilibrée. Les Assises de l’eau ont posé les « solutions fondées sur la nature » comme outils majeurs de protection et de restauration.
Les signataires de cette tribune, impulsée par la députée Frédérique Tuffnell (MoDem) et Jean Launay, président du Comité national de l’eau (CNE), représentent une force d’anticipation et d’action tournée vers de nouvelles solutions.
Le président de la République a annoncé l’augmentation des engagements financiers français en faveur du climat dans le monde. Eau et climat sont intimement liés. Mais si la question du climat est globale, celle de l’eau est éminemment locale. Un tiers des six milliards d’euros annuels d’engagements financiers français seront dévolus à des mesures pour réduire la vulnérabilité des territoires.
Des Etats généraux de l’eau
Si les collectivités territoriales doivent renforcer la bonne gestion de leurs prélèvements et lutter contre les fuites dans leurs réseaux d’eau potable, elles doivent aussi intégrer dans leurs « plans climat » des mesures de résilience vis-à-vis des inondations, précipitations et sécheresses exceptionnelles, comprenant la réutilisation des eaux usées traitées.
Notre collectif de signataires, à l’image de Jean Jouzel affirme, avec force, la nécessité d’une cohérence entre la future loi Climat et résilience et les Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage). Ces Sdage, actuellement en révision, doivent intégrer les prescriptions climatiques. Il faut urgemment rehausser leur ambition et moyens.
Nous suggérons aussi de revisiter la « Stratégie nationale pour l’adaptation au changement climatique » vieille de quinze ans, en réaffirmant l’orientation prise par les deux plans « Actions climat » (« plan national d’adaptation au changement climatique »/Pnacc) de 2011 et 2018, et lui donnant un caractère législatif, comme l’a fait la loi de Transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) pour la stratégie nationale bas carbone. Nous souhaitons que soit instauré un mécanisme de suivi indépendant de cette stratégie, comme cela a été fait avec la création du Haut Conseil pour le climat.
Enfin, dans le droit fil des Assises de l’eau de 2018-2019, nous appelons le gouvernement à tenir des Etats généraux de l’eau, pour élaborer collectivement une stratégie de gestion durable de l’eau intégrée dans les différentes politiques publiques.
Premiers signataires : Dr Philippe Gombert, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ; Jean Jouzel, membre du Groupe international d’experts sur le climat (GIEC) ; Dr Patrick Lachassagne, Comité français d’hydrogéologie ; Jean Launay, président du Comité national de l’eau (CNE) et du Partenariat français pour l’eau ; Martial Saddier, député de Haute-Savoie, Les Républicains ; Dr Eric Servat, IM2E-Institut montpelliérain de l’eau et de l’environnement ;Frédérique Tuffnell, députée de Charente-Maritime, MoDem et présidente du groupe d’études eau et biodiversité ; Rachid Temal, sénateur du Val-d’Oise, socialiste.
Liste complète : https://tuffnell.fr/actualites/divers/item/1521-tribune-agir-pour-l-eau-d-une-preoccupation-d-un-jour-a-celle-de-tous-les-jours
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