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mardi 4 mai 2021

Cannabis : un rapport parlementaire contredit la stratégie de l’exécutif

Par   Publié le 5 mai 2021

Le dernier volet de la mission consacrée à « la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis » pointe l’échec de la politique répressive adoptée par le gouvernement.

Le député du groupe Libertés et territoires, Francois-Michel Lambert, brandit un joint de cannabis, à l’Assemblée nationale, mardi 4 mai.

Tâche ardue pour un député de la majorité que d’imposer un débat, dont l’exécutif ne veut pas entendre parler. D’autant plus quand il est question de la consommation de cannabis en France et que le constat final pose la nécessité de « légaliser » son usage. Et ce, surtout quand le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, vient de déclarer la lutte contre les drogues comme « la mère des batailles »à un an de l’élection présidentielle.

Cette position dissonante est portée par la députée La République en marche (LRM) Caroline Janvier (Loiret) qui présente, mercredi 5 mai, le troisième et dernier volet de la mission d’information consacrée à « la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis » à l’Assemblée nationale. Après le cannabis thérapeutique et le cannabidiol (CBD), des députés de tous les groupes parlementaires se sont attaqués au sujet sensible du cannabis dit « récréatif », dont la consommation atteint des chiffres vertigineux en France avec un million de consommateurs quotidien et cinq millions de fumeurs réguliers à l’année. « On considère aujourd’hui que la voie de la légalisation avec un contrôle de l’Etat est la meilleure façon de protéger les Français », défend Mme Janvier.

« Ça ne fonctionne pas »

Les arguments ne sont pas nouveaux mais sont étayés par une centaine d’auditions menées en un peu plus d’un an et une consultation citoyenne qui a réuni 250 000 contributions, l’une des plus importantes menées à l’Assemblée nationale. « Quand on regarde les données, ce qui a été fait dans d’autres pays et les effets de nos politiques publiques en matière de lutte contre les drogues depuis cinquante ans, on voit bien que ça ne fonctionne pas »,soutient la rapporteure qui dit regretter « les approches politiques et idéologiques » qui dominent encore aujourd’hui sur les drogues.

Les aveux d’impuissance des pouvoirs publics à endiguer la consommation croissante de cannabis et ses effets délétères sur la santé et la sécurité sont égrainés au fil des 300 pages de ce rapport parlementaire. Absence de politiques de prévention, saturation des systèmes judiciaires, mobilisation excessive des forces de l’ordre… Le rapporteur général de cette mission d’information, Jean-Baptiste Moreau (LRM, Creuse), et l’un des plus actifs sur le sujet côté LRM, est lui tout aussi sévère. « Le tout répressif est un échec total, estime-t-il. On n’a pas arrêté de durcir la loi, de mettre davantage de forces de l’ordre sur le trafic de drogue et, au final, nous sommes devenus les plus gros consommateurs de cannabis en Europe. Donc expliquer encore aujourd’hui qu’on va rester dans le statu quo et mobiliser davantage de forces de l’ordre, ce n’est plus possible. »

Pourtant, c’est la voie qu’emprunte méthodiquement l’exécutif. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, multiplie ces derniers mois les opérations antidrogue dans les quartiers et se targue d’avoir « conduit plus de 1 300 opérations de démantèlement des points de deal » depuis janvier. Les consommateurs sont eux aussi visés avec « plus de 70 000 amendes pénales » dressées depuis le 1er septembre 2020. Une ligne dessinée par Emmanuel Macron dans un entretien au Figaro, le 19 avril, où il décrétait « le droit à la vie paisible », en particulier pour les Français, victimes de l’insécurité liée aux trafics de stupéfiants. « On se roule un joint dans son salon et, à la fin, on alimente la plus importante des sources d’insécurité… », déclarait le président de la République.

La fin de non-recevoir de l’exécutif

Dans la foulée, son ministre de l’intérieur s’est félicité dans un entretien au JDD, le 25 avril, du « discours clair » du gouvernement sur la drogue, allant même jusqu’à retourner le procès en « laxisme » contre le président des députés Les Républicains (LR), Damien Abad, et le président LR de la mission d’information sur le cannabis, Robin Reda, tous deux ouverts au débat sur la légalisation du cannabis alors que la droite y est traditionnellement opposée. « Il est évident qu’en l’état actuel de nos connaissances, proposer la légalisation du cannabis stupéfiant n’est pas possible, car rien ne prouve que les objectifs de santé ou de sécurité seraient mieux atteints », a déclaré M. Reda dans un communiqué où il prend ses distances avec ses collègues députés LRM, jugeant le moment inopportun pour un débat apaisé.

La fin de non-recevoir de l’exécutif n’a pas calmé les ardeurs des défenseurs de la légalisation du cannabis au sein de la majorité. « Dans ses déclarations au Figaro, le chef de l’Etat est dans le cliché,lance le député (LRM) de Moselle Ludovic Mendès. On est tous d’accord pour dire que le cannabis a des impacts sur le développement cognitif des jeunes et sur l’insécurité. Mais rester arc-bouté et dire en permanence la drogue, c’est de la merde ne fera pas avancer la situation. »

L’expression empruntée à M. Darmanin a été réitérée par ce dernier dans l’hémicycle, mardi 4 mai, lors des questions au gouvernement. En réponse à la question de l’ex-député LRM François Michel-Lambert (Libertés et territoires, Bouches-du-Rhône), membre de la mission d’information et pour la légalisation, qui n’a pas hésité à brandir un joint dans l’hémicycle, M. Darmanin a vivement dénoncé le « discours permissif » de l’élu et l’a invité « à sortir de la naïveté ». Un discours qui agace les députés investis depuis le début du mandat sur la question, alors que les discours progressistes de la campagne de 2017 leur avaient fait un temps espérer des avancées. « Macron court sur les plates-bandes de la droite en refusant de légaliser. C’est un calcul politicien pour flatter cet électorat », estime M. Lambert.

Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, a appuyé la position de M. Darmanin, mardi, dans l’hémicycle : « Il convient de faire le distinguo entre la folie endogène et exogène qui viendrait du fait d’une consommation excessive de psychotropes. » Le ministre faisant ainsi référence à la décision, le 14 avril, de la Cour de cassation relative au meurtre de Sarah Halimi.

Un avant-goût des vives confrontations que pourraient susciter le« grand débat national sur la consommation de drogue et ses effets délétères » qu’a annoncé le chef de l’Etat et dont les contours restent encore flous, bien qu’il semble fermer définitivement la porte à la légalisation. Les députés de la majorité présidentielle attendent avec impatience ce débat en espérant peser, avec l’appui d’une opinion publique de plus en plus favorable à la légalisation du cannabis.

La campagne présidentielle approchant à grand pas, certains aimeraient même en faire un objet du programme de LRM pour 2022, comme un autre grand sujet de société qu’est le sujet de la fin de vie qui, là aussi, a peu de chances d’aboutir d’ici à la fin du mandat. Pour le président de la commission des affaires économiques et député des Français de l’étranger, Roland Lescure, « l’élection ne se fera pas là-dessus mais pour avoir vécu celle au Canada [en 2015] où Justin Trudeau avait porté la légalisation du cannabis comme un axe majeur de sa campagne, ça avait fait plutôt de lui un candidat moderne face au conservateur Stephen Harper. »


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