par Florian Bardou publié le 2 mai 2021
A l’occasion de la journée mondiale du rire ce dimanche, Guillaume Dezecache, maître de conférences en psychologie sociale et expérimentale à l’université Clermont-Auvergne, explique à «Libération» les mécanismes du rire et certaines de ses vertus.
Au bout d’un peu plus d’un an, trois confinements et l’accumulation de statistiques mortifères, on a bien compris : les temps pandémiques ne sont pas très propices à la poilade. A moins que le rire ne soit un besoin «essentiel», comme le prouvent ces milliers de memes qui ont fleuri sur les réseaux sociaux sur les situations cocasses engendrées par l’épidémie de Covid-19. Car le rire, même seul derrière son écran, et bien que ses ressorts soient différents d’une culture à une autre, permet d’évacuer le stress, confirment de nombreuses études en psychologie et neurosciences.
Cette réaction corporelle et communicative, éminemment sociale, est d’ailleurs admise comme une arme antidouleur dont les bienfaits sont désormais promus dans des séminaires de rigolothérapie, écoles de rigologie et autres clubs de yoga du rire. Des concepts fumeux ? Gare à la raillerie hâtive. Depuis une trentaine d’années, dans les hôpitaux pour enfants, les clowns de l’association Le rire médecin invoquent aussi l’humour pour soulager les jeunes patients. Tandis que la Fédération française de cardiologie, sur son site, indique, entre autres vertus, que «le rire stabilise le rythme cardiaque et diminue la pression artérielle, soit le contraire des effets du stress». A l’occasion de la journée mondiale du rire – rions du prétexte – ce dimanche, Guillaume Dezecache, maître de conférences en psychologie sociale et expérimentale à l’université Clermont Auvergne, explique brièvement la mécanique du rire, à l’origine d’une libération d’endorphines dans le cerveau.
Que pensez-vous d’une telle journée mondiale du rire ?
De ce que j’ai pu en voir, c’est, en sous-titre, une journée mondiale pour la paix. Je ne pense pas que la raison structurelle des conflits mondiaux soit le manque de rire, ce sont plutôt les inégalités. Un individu exploité n’a pas envie de rire avec son exploiteur. Il y a une dimension politique un peu naïve dans ce genre de mouvements qui m’échappe parfois un peu, mais je ne suis pas politologue, donc c’est juste mon opinion de gauchiste, on va dire !
Comment arriver à rire dans la période difficile que nous traversons collectivement depuis un an ?
Lorsqu’on fait l’écologie du rire (c’est-à-dire les circonstances du rire au quotidien), on voit qu’il intervient principalement lors de situations quotidiennes, incongrues. Donc, le rire est un peu ubique lorsque l’on se trouve en situation sociale, et même lorsque les situations ne sont pas les plus propices. Rire est un peu élémentaire pour l’être humain. Mais c’est vrai que lorsque les situations sociales sont appauvries, les circonstances le sont aussi.
Est-ce que rire en pareilles circonstances peut être vu comme indécent ?
Je ne pense pas. Rire est un phénomène assez fondamental, presque nécessaire à la santé psychologique humaine. On rit souvent sans que l’on s’en rende compte. Est-ce que la journée du rire est indécente en de pareilles circonstances ? C’est plutôt une question à poser à des politologues ou sociologues.
D’ailleurs, la question est vaste, mais pourquoi rit-on ?
Essentiellement parce que rire est physiquement agréable. De manière simple : le rire est associé à un ensemble de mouvements musculaires, qui peuvent parfois être violents pour le corps. Le corps compense en lâchant des endorphines, ce qui provoque une sensation de bien-être.
Le rire est donc un des ciments des rapports sociaux ?
On rit parce que cela fait du bien, et c’est parce que ça fait du bien que ça joue la fonction principale : on rit plus facilement avec les autres, et se sentir bien avec les autres fait qu’on se sent proche d’elles ou d’eux. Ainsi, le rire cimente le rapport social, un peu comme l’épouillage et le jeu chez les autres mammifères (notamment les primates) : ça fait du bien et c’est social, et lorsqu’on se sent bien en compagnie d’autres individus, ça augmente notre confiance en eux.
Le rire a-t-il des vertus, notamment thérapeutiques ?
Je ne suis pas médecin mais le surge [montée, ndlr] d’endorphines ne peut pas faire de mal, il me semble !
Que se passe-t-il en fait dans notre cerveau quand l’on rit ?
C’est un mécanisme complexe mais le rire a été surtout étudié sous l’angle neuropsychologique : le rire dit «pathologique». Le souci est que dans le rire «non pathologique», il y a beaucoup d’autres choses qui se jouent : rire chez l’humain dépend de l’humour et donc du fait de traiter des informations notamment verbales et visuelles. Il se passe donc beaucoup de choses dans le cerveau lorsque l’on rit.
Peut-il aider à prévenir le stress, surtout par les temps qui courent ?
Encore faut-il qu’on puisse préserver le lien social, essentiel pour rire. On rit plus facilement avec les individus les plus familiers.
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