Par Stéphane Mandard Publié le 4 mai 2021
Une campagne de mesure inédite menée dans 44 établissements scolaires de la capitale montre que les concentrations en particules fines dépassent les seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé.
A quels niveaux de pollution de l’air sont exposés les petitsParisiens lorsqu’ils sont à l’école ? En mars 2019, Le Monde avait publié, avec l’association Respire, une première carte des écoles de Paris. Cette cartographie inédite révélait que les concentrations de polluants mesurées aux abords immédiats des établissements scolaires (de la crèche au lycée) dépassaient souvent et parfois dans des proportions inquiétantes les limites recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La maire de Paris, Anne Hidalgo, s’était alors engagée à jouer la carte de la « transparence totale » et à lancer une « campagne de mesures de la pollution dans les cours des crèches, des écoles et des collèges ».
Les résultats de cette campagne ont été présentés mardi 4 mai, en fin de journée, aux enseignants et aux représentants des parents d’élèves des établissements concernés par cette expérimentation. Réalisée par Airparif, l’organisme chargé de la surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France, l’étude a porté sur 44 crèches, écoles et collèges identifiés comme des points chauds sur la carte de Respire. Pendant un an, de septembre 2019 à septembre 2020, plusieurs outils de mesure – dont 140 microcapteurs financés par Bloomberg Philanthropies – ont été installés dans les cours et les rues adjacentes, en complément des 16 stations automatiques de référence du réseau Airparif.
Un « effet écran » des murs
Deux polluants ont été surveillés : le dioxyde d’azote (NO2), gaz toxique émis principalement par le trafic routier et en particulier par les diesels, et les particules fines (PM2,5, inférieures à 2,5 micromètres), les plus dangereuses pour la santé, car pénétrant plus profondément dans l’organisme. En préambule, Airparif note que les niveaux relevés sont très certainement sous-évalués : une partie des mesures a été réalisée durant le confinement, période marquée par une chute historique des émissions de NO2 (jusqu’à -60 %), liées à celle de la circulation automobile.
Il n’empêche. Concernant l’exposition au NO2, les résultats de l’expérimentation rassureront très certainement les parents d’élèves. Les niveaux mesurés dans l’ensemble des cours sont inférieurs aux seuils de l’OMS (40 µg/m3 en moyenne annuelle), même si certains s’en approchent, comme dans le cas de la crèche Pyrénées (36 µg/m3), dans le 20e arrondissement. L’étude montre par ailleurs qu’ils décroissent significativement en fonction de l’éloignement par rapport à l’axe routier le plus proche : les concentrations relevées dans les cours sont en moyenne inférieures de 36 % à celles mesurées dans les rues adjacentes aux établissements. Airparif souligne un « effet écran des bâtiments et des murs » . D’ailleurs, le seul établissement où les niveaux de NO2sont équivalents entre la rue et la cour (l’école Etienne Marcel, dans le 2e arrondissement) ne possède pas de mur de séparation.
« La marche est encore haute avant d’atteindre notre objectif : respecter les normes de l’OMS d’ici à 2030 » Dan Lert, adjoint à la transition écologique
Cet « effet écran » ne fonctionne en revanche pas pour les particules fines. Les concentrations en PM2,5 dans les cours sont similaires à celles mesurées par la station dite « de fond » du réseau Airparif, située dans le jardin des Halles, au cœur de la capitale. Ainsi, à l’instar de l’ensemble de l’agglomération parisienne, les recommandations de l’OMS (ne pas dépasser trois jours par an d’exposition journalière au-dessus de 25 µg/m3 et 10 µg/m3 en moyenne annuelle) ne sont respectées dans aucun établissement. Et ce qui est vrai pour les 44 écoles concernées par la campagne de mesure peut être extrapolé à la très grande majorité des établissements parisiens, la quasi-totalité de l’agglomération étant soumise à des dépassements des normes de l’OMS en termes d’exposition aux particules fines.
« La marche est encore haute avant d’atteindre notre objectif : respecter les normes de l’OMS d’ici à 2030 », reconnaît Dan Lert, adjoint à la Mairie de Paris en charge de la transition écologique, tout en rappelant que la qualité de l’air s’est améliorée ces dix dernières années dans la capitale, avec une baisse de l’ordre 25 % pour les concentrations de NO2 et de 45 % pour les particules fines. « Pour tenir cet objectif, nous devons encore les réduire d’environ un tiers, précise l’élu écologiste. Nous allons affiner cette trajectoire avec Airparif d’ici l’été. »
Selon un sondage réalisé par YouGov pour la coalition d’ONG Clean Cities Campaign et publié mardi 4 mai, une majorité de Parisiens souhaitent que leurs élus fassent plus pour les protéger de la pollution de l’air. Quelque 59 % d’entre eux sont ainsi favorables à la fermeture des rues passant devant les crèches et les écoles aux véhicules à combustion thermique (diesel et essence). Cent vingt-cinq « rues aux écoles » – rendues piétonnes de façon permanente ou aux heures d’entrée et de sortie – ont été mises en place et l’objectif est que leur nombre augmente jusqu’à 300 d’ici à la fin de la mandature. Elles concernent aujourd’hui 155 établissements.
« Rendre les ZFE efficaces »
« Mais la priorité de la maire de Paris est de réduire les émissions à la source pour faire baisser la pollution de fond », assure Dan Lert. Principal levier d’action pour la municipalité : le trafic automobile. Le plan n’a pas varié : interdire la circulation de tous les diesels d’ici à 2024 et des essences en 2030.
Sa réalisation passe par l’accélération du déploiement de la zone à faible émission (ZFE) à l’échelle de la métropole car, rappelle l’élu, « la pollution n’a pas de frontière et ne s’arrête pas au périphérique ». Prochaine étape le 1er juin avec l’extension de l’interdiction, déjà en place à Paris, aux véhicules Crit’Air 4 (diesels immatriculés avant 2006). « Pour rendre les ZFE efficaces, nous demandons au gouvernement de ne pas attendre 2023 pour les contrôles automatisés, mais de les mettre en place dès cette année », ajoute l’adjoint à la transition écologique.
Parmi les mesures pour réduire la pollution d’origine automobile, la mairie met également en avant la généralisation des « zones 30 » (aujourd’hui 45 % des voies de circulation parisiennes) et la mise en place d’une « zone à trafic limité » dans le centre de la capitale pour « évincer la circulation de transit » et favoriser les mobilités douces (piétons, vélos). Le plan d’action est plus limité contre les autres sources de pollution particulaire, notamment le chauffage résidentiel. La mairie évoque une trajectoire de sortie pour inciter les copropriétés à abandonner le chauffage au fioul et les Parisiens à renoncer aux feux de cheminées, même d’agréments.
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