par Dov Alfon. publié le 14 mars 2021
La fête va commencer, et ils gênent un peu avec leurs habits de deuil mal assortis, leurs timides reproches, leur incompréhension de ce qui vient de se passer. Un an après le cataclysme du Covid-19, le monde veut parler vaccinations, réouvertures, dernière vague, passeports verts, rebond économique et immunité collective. Mais les morts sont là, sinon dans les mémoires au moins dans les statistiques officielles : 90 315 morts en un an en France, chiffre tellement effroyable qu’il accentue notre incompréhension. Car nous nous étions habitués à l’idée que nous contrôlons notre destinée, avec notre Etat-providence, nos avancées technologiques, notre système de santé incomparable, nos infrastructures modèles et nos sacro-saints principes de précaution, qui nous permettraient de ne plus être à la merci d’une catastrophe nationale ou mondiale. Illusion que cela ; et maintenant nous faisons face à ces centaines de milliers de Français endeuillés, à qui l’on a pris non seulement des êtres chers mais aussi la simple possibilité de pleurer leurs morts.
Ni fleurs ni couronnes, ni adieux ni obsèques, ces morts ont souvent été escamotés et leurs proches abandonnés à un deuil bâclé. Un an après, n’aurait-il pas été plus respectueux d’honorer leur mémoire dans une cérémonie nationale, ou de raconter leur vie dans un recueil numérique accessible à tous, faisant écho aux milliers de monuments aux morts érigés aux victimes de la Grande Guerre ? L’invisibilité des morts du Covid en France – leurs noms inaccessibles, leurs histoires tues, même leur nombre exact toujours incertain – laisse leurs proches avec un vague sentiment de honte, poussant nombre d’entre eux à camoufler la maladie et lui préférer une explication de mort plus «naturelle». Ils n’ont pourtant pas à avoir honte, puisqu’ils ne pouvaient rien faire, étant démunis face au virus comme la France entière. Un an après, c’est peut-être simplement ce qu’il faudrait leur dire.
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