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mardi 16 mars 2021

En ce jour de 1944 C’était un 15 mars : la publication du programme du Conseil national de la Résistance

par Christophe Forcari  publié le 15 mars 2021

Cet ambitieux programme conçu dans la clandestinité va modeler le visage de la France d’après-guerre et créer un nouveau modèle social.

Les seize hommes sont arrivés les uns après les autres dans un appartement au premier étage du 48 de la rue du Four aux volets clos. Chacun a été guidé jusqu’au lieu de rendez-vous séparément par une estafette. Ce 27 mai 1943, dans une France où la clandestinité des mouvements de résistance s’impose comme une nécessité vitale, toutes les précautions ont été prises pour assurer la sécurité de cette première réunion plénière du Conseil national de la Résistance présidé par Jean Moulin. Six de ces membres représentent les différents partis politiques, huit la résistance et deux les syndicats, la CFTC et la CGT réunifiée depuis 1943.

De cette première réunion va naître l’idée d’un programme commun à tous pour la France libérée et celle de la reconstruction. Le programme du Conseil national de la Résistance est adopté à l’unanimité presque un an après, le 15 mars 1944, et intitulé «les Jours heureux». Un titre qui se veut optimiste dans l’avenir alors que le pays est toujours occupé. Un programme qui va modeler le visage de la France d’après-guerre et lui façonner un nouveau modèle social.

Vaste programme de nationalisation

Ce texte d’une dizaine de pages est divisé en deux parties. La première porte sur l’organisation de la résistance intérieure et les conditions de la lutte armée sur le territoire national. Il réclame la création d’un gouvernement provisoire, placé sous l’autorité du général de Gaulle qui «fut l’âme de la Résistance aux jours sombres et qui n’a cessé depuis le 18 juin 1940 de préparer en pleine lucidité et en pleine indépendance la renaissance de la patrie détruite et des libertés républicaines déchirées». Mission accomplie pour le «missi dominici», Jean Moulin, qui avait reçu mission en 1943 d’unifier la résistance derrière la figure du «Général radio». Pourtant de Gaulle ne voyait pas forcément d’un très bon œil la rédaction de ce programme, craignant qu’à l’avenir, il ne lui lie les mains.

Mais c’est surtout la deuxième partie que l’histoire a retenue, celle qui concerne la future organisation du pays. Elle prévoit le rétablissement de toutes les libertés, à commencer par celle de la presse et l’interdiction des concentrations capitalistiques. L’exemple des années 30 où tous les grands titres étaient dans les mains de quelques grandes familles généralement hostiles au Front populaire et à la République a servi de leçon.

Surtout, il prévoit l’instauration de la Sécurité sociale et de la retraite pour «les vieux» comme l’on disait à l’époque. Un vaste programme de nationalisation, des banques, des assurances, des ressources énergétiques figure également dans ce manifeste fondateur. Avec la spoliation des biens des personnes ayant collaboré. L’exemple le plus connu sera la confiscation des usines Renault et des biens propres de l’industriel. La régie des automobiles Renault, qualifiée ensuite de «citadelle ouvrière» allait pouvoir naître.

Epoque où tout est à faire

Au gré des vicissitudes politiques de la Libération, la mise en place du programme du CNR va s’étaler de 1944 à 1946 pour les réformes les plus importantes (création des Houillères du Nord, marine marchande placée sous le contrôle de l’Etat, naissance d’EDF et GDF). Le programme du CNR assure le redémarrage d’une France à une époque où tout est à faire. Il érige la planification au service de l’intérêt général et de la prospérité de la nation au rang de dogme.

La rédaction de ce texte, dans les conditions de l’époque, n’a pas été une mince affaire. Les discussions ont démarré en juillet 1943. Le Front national du communiste Pierre Villon veut imposer ses vues, les socialistes ne veulent pas se laisser déborder et la droite du CNR juge trop socialisant ce programme. En novembre 1943, les communistes publient une charte de la Résistance qui sera amendée par tous les partis.

Dans une France marquée par la défaillance de ses élites en 1940, le programme du CNR veut réimposer un état régalien et fort dont le futur fondateur de la Ve République s’accommodera très bien. L’Etat renaît et, avec lui, les fameux acquis sociaux dont la droite libérale des années 80 n’aura de cesse de vouloir se défaire.


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