Elisabeth Roudinesco
Bulletin de la SIHPP du 15 mars 2021
A propos de l’émission de Yann Barthès, Quotidien, 10 mars 2021
Dans cette émission, j’ai souligné quelque chose de très précise. Concernant les « transitions » d’enfants prépubères (de 8 ans et parfois moins), il existe une « épidémie » (une vogue) au sens où il y a eu une « épidémie » planétaire de personnalités multiples à la fin du XXème siècle chez les femmes. Ce n’est pas une « maladie » mais un phénomène bien connu d’identification collective.
Il y a eu ensuite une « épidémie » de même nature avec des cas d’enfants dit « hyperactifs » auxquels on a donné de la ritaline (des amphétamines dangereuses) pendant des années, ce qui a été dévastateur : au point qu’aux Etats-Unis on a fini par renoncer à ce type de traitements à la demande des familles et des enfants qui ne les supportaient plus.
On a eu ensuite une « épidémie » d’autistes : le nombre de cas a augmenté de façon considérable, entre 1999 et 2007, du fait d’un changement des critères diagnostics. En conséquence, de nombreuses personnes se sont déclarées autistes sur les réseaux sociaux, avec une grande conviction alors qu’elles ne l’étaient pas : il n’y a qu’à regarder toutes ces « confessions » sur internet pour s’en rendre compte.
Les enfants dits « hyperactifs » sont tout simplement des enfants surdoués ou turbulents qui finissent, à force d’assignations identitaires psychiatriques, par se croire eux-mêmes ce qu’ils ne sont pas.
Il en va de même pour les enfants dits « transgenres ». Ce n’est pas parce qu’un enfant affirme appartenir à un sexe anatomique qui n’est pas le sien qu’il serait automatiquement « transgenre ». Tous les enfants jouent à se dire de l’autre sexe à un moment donné de leur vie. Or, rien ne permet d’affirmer qu’un enfant est d’emblée « transgenre » parce qu’il le croit et qu’il le dit. Et je ne suis pas favorable à ce que ces enfants en souffrance soient exhibés à la télévision ou dans des films pour servir une cause qui ne peut pas être la leur à cet âge-là. Ces enfants doivent être entendus mais jamais exhibés.
Pourtant, aujourd’hui on leur prescrit, pour « leur bien », des médicaments qui bloquent la puberté et parfois on procède à des interventions sur le corps. Ces traitements sont souvent dévastateurs.
L’expérience a été menée à la Tavistock Clinic de Londres pendant des années et elle s’est soldée par un désastre : devenus adultes, les enfants ainsi traités se sont retournés contre les médecins et contre leurs parents, au point qu’en décembre 2020, la Haute Cour de justice du Royaume-Uni a interdit tout traitement de transition chez les enfants de moins de 16 ans.
On ne peut pas d’un côté déclarer - à juste titre - qu’un enfant n’est pas consentant à une relation sexuelle avant 15 ans et, de l’autre, affirmer qu’il serait consentant à de tels traitements ou à une telle exhibition. Par la suite, à l’âge adulte, chacun est libre d’effectuer une « transition » et d’y être aidé par les médecins, ce qui est d’ailleurs le cas depuis longtemps. Et aucune personne transgenre ne saurait être discriminée. C’est en ce sens que j’ai signé, en 2009, avec bien d’autres, l’appel adressé à l’ONU et à l’OMS à refuser la transphobie.
Par ailleurs, lors de cette émission, j’ai dit clairement que je n’approuvais pas la reconduction du mot race sous la forme d’une identité dite « racisée », aujourd’hui revendiquée par les décoloniaux, et qui n’est autre qu’une manière d’enfermer la personne discriminée dans une posture victimaire. Cette auto-désignation contredit tous les combats menés par les anticolonialistes, et notamment par Aimé Césaire, l’un des plus grands poète du XXème siècle qui n’a cessé d’anoblir le mot « nègre » pour le sortir des bateaux esclavagistes. Faudra-t-il un jour, au nom de cette posture, supprimer de la vente tous les textes qui utilisent ce terme ? « Nègre je suis, nègre je resterai » disait Césaire, le fondateur avec Léopold Sédar Senghor du mouvement de la négritude, grand moment héroïque du combat antiraciste.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire