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lundi 15 mars 2021

Après avoir électrisé les festivals de France, le sextette vocal corrézien publie son premier album, « La Grande Folie ».

Par Publié le 25 janvier 2021

Musique : la revigorante polyphonie occitane de San Salvador


Le sextet San Salvador à la Chapelle de Chaunac à Naves (Corrèze), septembre 2020.

La rencontre se passe sur un banc, dans un jardin public, par une fraîche après-midi de janvier. « La crise sanitaire a au moins le mérite de réhabiliter le banc public comme un lieu central de l’espace public de la sociabilité », philosophe Gabriel Durif, chanteur leader du groupe corrézien San Salvador. Un sextette vocal composé de trois filles et trois garçons trentenaires, dont le premier album, La Grande Folie, et ses emballantes polyphonies accompagnées de claquements de mains et percussions, chantées en langue occitane, vient de paraître.

Les six jeunes gens ont grandi dans le même coin, Saint-Salvadour, un bourg de 250 habitants, à vingt minutes de Tulle, préfecture de la Corrèze. La crise sanitaire les contraint à le présenter dans une salle sans public, le 4 février, au 360 Music Factory, à Paris, lors de la 14e édition du festival (proposé en ligne du 1er au 6 février). L’idée ne les enchante guère : « Il y a quand même quelque chose d’assez insensé » dans cette manière de faire. Cela tient à la fois de l’aberration, du challenge et de l’épreuve pour un groupe dont l’énergie sur scène frappe très fort.

Avec leur réinvention des chants de la terre de Corrèze, glanés dans des livres, des cassettes de collectage, ils ont électrisé les publics des festivals, en France (Vieilles Charrues, Transmusicales, Printemps de Bourges, Suds à Arles, No Border…) et ailleurs (globalFest à New York, Colours of Ostrava en République tchèque, Sziget Festival en Hongrie…).

Chanter à gorge déployée

Emmitouflé et masqué, Gabriel Durif raconte comment ils en sont venus à la musique traditionnelle et à l’occitan, eux qui fréquentaient plutôt les concerts punk et hard-core que les bals folk : « Nous avions ces chants et cette langue en nous depuis l’enfance. » Lui-même et sa sœur Eva, l’une des trois voix féminines du sextette, ont fréquenté, à l’instar des quatre autres, les ateliers animés au CRMTL (Centre régional des musiques traditionnelles en Limousin) par leur père, Olivier Durif, ancien musicien du groupe folk Le Grand Rouge, qui a marqué l’époque du revival folk des années 1970. Ensuite, il y a eu la rencontre avec Manu Théron et son groupe de polyphonies masculines en occitan, Lo Cor de la Plana, de Marseille. « Des gens qui m’ont confirmé que l’on pouvait monter sur une scène pour dire ce que nous avions à dire au présent, sans ambiguïté quant à la modernité et à l’énergie de cela. » 

Le plaisir de la polyphonie, pour eux, c’est d’abord de chanter à gorge déployée et à pleins poumons « pas forcément pour faire vibrer une harmonie. Si ça frotte, si cela sonne moitié pas bien, ça ne nous déplaît pas non plus. Nous ne cherchons pas le bel accord. Nous venons d’une tradition où la polyphonie n’existe pas. Les gens ne chantent pas en chœur en Limousin. Ce sont plutôt des chants seuls, des chants aux animaux par exemple, des monodies souvent magnifiques. Notre projet de polyphonie consiste à superposer des sortes de blocs monodiques les uns avec les autres ».

Quant à l’occitan, c’est une langue qu’ils chantent, mais ne parlent pas, et avec laquelle ils s’accordent aussi des audaces. « Ne pas être dans la compréhension directe du sens nous permet cette liberté de prendre la langue comme un outil, une pâte que l’on triture. » En attendant de pouvoir retrouver le public, ils travaillent à l’ouverture d’un lieu situé à Chamboulive, à quelques kilomètres de Saint-Salvadour, un espace consacré à la création musicale et théâtrale, mêlant oralité, art et culture populaire.

Concert (sans public) le 4 février au 360 Paris Music Factory lors de la 14eédition du festival Au fil des voix. Diffusé en ligne à une date précisée prochainement sur www.aufildesvoix.com


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