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vendredi 27 novembre 2020

Hausse des tentatives de suicide chez les mineurs : dans les hôpitaux, des pédopsychiatres inquiets mais prudents


 




Les médecins spécialistes divergent sur le degré de gravité de la situation depuis la rentrée scolaire et le début du deuxième confinement mis en place en raison du Covid-19.

Par  Publié le 26 novembre 2020

Au centre scolaire de  l’hopital Robert-Debré,  le 13 novembre.

L’alerte a été lancée début novembre par le professeur Richard Delorme, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré, qui s’inquiétait d’une nette hausse des tentatives de suicide chez les mineurs de moins de 15 ans depuis la rentrée scolaire. Ce phénomène touchait-il tout le pays, ou était-il localisé au nord-est parisien ? Si D’un bout à l’autre du pays, les psychiatres ont consulté leurs registres d’entrées aux urgences. Les données ne sont pas toujours disponibles. Tous ne font pas aujourd’hui part du même degré d’inquiétude.

A l’hôpital Necker (AP-HP), dans le centre de Paris, on observe en novembre, et donc depuis le début du deuxième confinement, une nette augmentation de la fréquentation des urgences pédiatriques pour tentatives de suicide ou idées suicidaires par rapport à septembre et octobre 2020. « Cinq patients de moins de 15 ans étaient hospitalisés début novembre à la suite d’une défenestration, alors que cela concerne habituellement un adolescent par mois », indique le professeur Pauline Chaste, chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker.

Au 20 novembre, il y a eu 9 tentatives de suicide depuis le début du mois, contre en général 5 par mois. « Malheureusement, il est difficile de comparer aux chiffres 2019 – alors que ce serait nécessaire pour tirer des conclusions solides, regrette le Pr Chaste. Les TS ne sont pas très bien tracées, et peuvent disparaître derrière les troubles associés, comme par exemple des épisodes dépressifs majeurs. »

La professeure Sylvie Tordjman, chef du pôle hospitalo-universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de Rennes, est très inquiète. « Si les crises suicidaires [TS et idées suicidaires] sont restées stables en septembre-octobre pour les moins de 16 ans, elles ont plus que doublé du 1er au 15 novembre, par rapport à la même période de 2019, avec 10 TS et 22 idées suicidaires, contre 3 TS et 10 idées suicidaires en 2019. » Elle relève également un nombre de pendaisons et de défenestrations « anormalement élevé ». Son service accueille aussi trois fois plus de patients pour les troubles anxieux avec somatisation (comme des douleurs abdominales) et pour anorexie. « Le constat est identique à Redon, Rouen, Limoges, Nice… », poursuit la pédopsychiatre.

A Nantes, les tentatives de suicide des moins de 15 ans sont en baisse. « Probablement en raison de sa région moins touchée et peu urbanisée », estime Olivier Bonnot, chef du service universitaire de pédopsychiatrie du CHU de Nantes, qui se dit « préoccupé » par les fortes augmentations de demandes de consultations de 30 % à 70 % avec des cas plus lourds. « Une tendance au niveau de la région », selon lui.

Effets positifs et négatifs

Même constat pour le docteur Charles-Edouard Notredame, du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHU de Lille, plus prudent. Il constate pour sa part « une légère augmentation des TS et idées suicidaires en septembre-octobre 2020 par rapport à 2019, mais ce n’est pas majeur ». De même, selon le professeur Pierre Fourneret, pédopsychiatre et chef de service adjoint à l’hôpital Femme-Mère-Enfant (HFME) au CHU de Lyon, « il y a aujourd’hui une ambiance alarmiste, mais on n’a pas le sentiment que les tentatives de suicide augmentent en Rhône-Alpes, nous sommes plus prudents ».

« Attention aux discours généralistes, car tous les enfants n’ont pas réagi de la même façon, et d’après une étude que nous avons menée sur 7 300 enfants de l’académie de Lyon lors du premier confinement, certains ont plutôt vu baisser leur niveau de stress », tempère le docteur Pauline Espi, pédopsychiatre à l’HFME. « Il y a eu des effets positifs et négatifs. Le premier confinement a dans certains cas généré de l’apaisement, avec une forte capacité d’adaptation des enfants et adolescents, ajoute Pierre Canouï, pédopsychiatre libéral. Le deuxième confinement provoque plus de détresse psychologique. »

S’ils divergent sur le degré de gravité de la situation, les médecins spécialistes lancent tous un plaidoyer pour une vraie épidémiologie en pédopsychiatrie. Par ailleurs, soulignent-ils, il faut être très vigilant sur les signaux d’alerte, comme un enfant qui dort moins bien, qui est irritable, triste, ou mouille de nouveau ses draps. Un enfant ne verbalise pas forcément ses maux.


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