Le second confinement a entraîné une hausse brutale des cas de dépression, une pathologie qui toucherait désormais un Français sur cinq. Nous avons demandé son diagnostic à Alain Ehrenberg, sociologue et auteur de l’ouvrage majeur La Fatigue d’être soi. Dépression et société (Odile Jacob, 1998).
Comment expliquer la dégradation brutale de la santé mentale des Français depuis quelques mois ?
Alain Ehrenberg : Les enquêtes de Santé Publique France montrent de fortes augmentations de l’anxiété et de la dépression pendant les deux confinements. Ce phénomène n’est pas très surprenant, dans la mesure où la période fait apparaître des incertitudes multiples. Il y a la peur de la maladie, celle de la crise économique, du chômage, la difficulté à concilier vie professionnelle et vie familiale… L’avenir est incertain. Les étudiants se demandent s’ils vont trouver du travail, des millions de commerçants voient leur chiffre d’affaires s’effondrer. Tout ceci est inquiétant et peut donc générer des épisodes dépressifs, de l’anxiété, du stress. La diminution des relations sociales joue également un rôle important. Les interactions avec autrui sont un élément capital du bien-être individuel, donc de la santé mentale. Le confinement affecte particulièrement les étudiants, car ce sont souvent des célibataires qui vivent dans de petits espaces. Leur condition limite fortement toute possibilité de contact amical et aussi sexuel. La solitude peut être un facteur d’angoisse et de dépression majeur. Cela dit, il faut remarquer que tout le monde n’y répond pas de la même façon.
La dépression n’est pas une maladie nouvelle. Comment s’est-elle généralisée dans nos sociétés ?
On a assisté depuis une quarantaine d’années à l’ascension des questions de santé mentale et de souffrance psychique, qui sont devenues des préoccupations massives de nos sociétés. La dépression y occupe une place centrale. Elle était donc déjà un phénomène social avant le Covid. Quel genre de phénomène social ?
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