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lundi 23 novembre 2020

Covid-19 : la majorité des hôpitaux français en quête de soignants

En dépit des recrutements effectués cet été, la tension est forte sur les effectifs paramédicaux.

Par  et  Publié le 21 novembre 2020


Transfert d’un patient de chirurgie vers le service de réanimation, à l’hôpital Bichat, à Paris, le 22 octobre.

Si le pic de la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 semble avoir été franchi en France, avec 32 300 patients hospitalisés selon les chiffres publiés jeudi 19 novembre, les hôpitaux n’en ont pas terminé avec leurs difficultés de recrutement de personnels soignants. Pour eux, tenir les prochains mois est un défi au moins aussi exigeant que celui posé par la brutale déferlante de mars.

« On sait qu’il va falloir tenir à un niveau très tendu jusqu’au printemps au moins, entre le Covid-19, la très forte probabilité d’une troisième vague, et aussi les infections hivernales qui arrivent… », explique Djillali Annane, chef du service réanimation à l’hôpital Raymond-Poincaré, à Garches (Hauts-de-Seine), en se disant « résigné » sur le fait qu’« il n’y aura pas plus de renforts ».

  • Des recrutements en hausse mais insuffisants

Depuis l’été, les hôpitaux se sont pourtant lancés dans de vastes opérations de recrutement. Mais, début octobre, 80 % d’entre eux se trouvaient toujours en « recherche active de renforcement de leurs effectifs », d’après l’enquête menée par la Fédération hospitalière de France (FHF) auprès de 300 structures. Une majorité se déclarait même « en difficulté » sur cette question des ressources humaines.

A l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), on reconnaît une « vraie amélioration des effectifs », dans la mesure où les emplois d’infirmiers ont progressé de 450 postes entre janvier et octobre. « Mais le Covid-19 demande deux à cinq fois plus d’effectifs par patient, ce qui nous oblige à faire appel à de nombreux renforts », souligne Pierre-Emmanuel Lecerf, directeur général adjoint du groupe.

A la mi-novembre, le CHU de Toulouse cherchait encore à recruter 150 infirmiers et aides-soignants. Et ce, malgré les quelque 1 770 recrutements intervenus depuis l’été qui, après le turnover habituel (départs, mutations, retraite), ont permis à l’établissement de tourner avec 173 agents supplémentaires par rapport à 2019.

Alors que le nombre de patients Covid-19 hospitalisés décroît doucement, « l’enjeu n’est plus seulement la réanimation, ce sont aussi les autres services de médecine conventionnelle qui accueillent de nombreux patients Covid, souligne André Weider, directeur des soins. Tout le monde est fatigué ; on a pu jusqu’ici donner leurs congés à tous les soignants, il faut préserver ceux de Noël, c’est très important ».

  • Moins de mobilité interne

Lors de la première vague, le gouvernement avait pris la décision de déprogrammer, sur la France entière, l’ensemble des activités non urgentes dans tous les hôpitaux et cliniques. Ce recours à la déprogrammation massive avait permis que certains soignants, au « chômage technique », se portent volontaires ailleurs tout en redéployant des effectifs en interne.

Cet automne, la marge de manœuvre est plus étroite car la mesure n’est, cette fois, pas généralisée. La décision incombe en effet à chacune des agences régionales de santé (ARS) ; en Ile-de-France, par exemple, le pourcentage des déprogrammations s’élevait cette semaine à 34 %.

  • Des renforts limités

Contrairement à la première vague, l’épidémie est, cette fois, répandue de manière plus homogène sur l’ensemble du territoire, rendant délicat le renfort de personnels en provenance d’autres départements.

« Au printemps, on avait eu la chance de voir arriver huit réanimateurs seniors : de Bretagne, de Nantes, de Bordeaux…, témoigne Yves Cohen, chef du service de réanimation à l’hôpital Avicenne, à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Aujourd’hui, on n’a pas cette aide, alors qu’on aurait besoin de quatre réanimateurs supplémentaires. » Durant la première vague, sur les 9 950 renforts venus soutenir l’AP-HP, 650 étaient issus d’autres régions, précise-t-on à la direction du groupe.

A l’échelle de l’Ile-de-France, plus de 30 000 renforts volontaires avaient été envoyés dans les établissements de santé et médico-sociaux, après s’être inscrits sur la plate-forme #Renforts-Covid lancée par l’ARS. Au 8 novembre, ils n’étaient que 300 à avoir été déployés, dont une majorité d’infirmiers et d’aides-soignants. Avec cette deuxième vague, la plate-forme nationale Renfort-RH du ministère de la santé a permis le recrutement de 3 500 personnes.

  • Une tension accrue sur la réanimation

Dans les services de réanimation des régions les plus touchées, comme en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur, « la situation est plus tendue que lors de la première vague », témoigne Marc Leone, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital Nord (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille [AP-HM]), à Marseille, dont le service est passé de 39 lits habituellement à 68. En avril, il avait pu maintenir un ratio de deux infirmiers pour quatre patients, jugé nécessaire pour ces malades du Covid-19. Cette fois-ci, il s’en tient au ratio réglementaire de « deux pour cinq ».

Ce sont encore 73 infirmiers et 22 aides-soignants que cherche à embaucher l’AP-HM, et ce malgré quelque 780 recrutements de personnels non médicaux intervenus depuis le 1er août.

  • Des temps de formation trop courts

Emmanuel Macron a évoqué, le 28 octobre, le chiffre de 7 000 soignants formés à la réanimation depuis le printemps. Ce chiffre, qui provient d’une enquête auprès des établissements et des ARS, concerne à 80 % des paramédicaux et à 20 % des personnels médicaux, indique-t-on au ministère de la santé ; 1 500 de plus doivent l’être d’ici à la fin de l’année pour venir en soutien aux services de soins critiques.

Mais, pour des postes qui nécessitent, en temps normal, plusieurs mois de formation et une année pour être autonome, le défi reste entier. Dans la réanimation, où travaille l’infirmière Sabine Valera, à l’hôpital Nord de Marseille, de nouveaux infirmiers et aides-soignants arrivent tous les jours. Dans l’urgence, ils reçoivent une formation express : entre un et trois jours dans le service pour les aides-soignants, une à deux semaines pour les infirmiers. « Forcément, c’est insuffisant, reconnaît Mme Valera, par ailleurs présidente de la Fédération nationale des infirmiers de réanimation. Pour les nouveaux arrivants, c’est très anxiogène, mais pour les équipes en place, qui forment en permanence, c’est aussi très lourd en termes de charge mentale. »

  • La réserve sanitaire toujours sollicitée

La réserve sanitaire, mise à contribution depuis la fin janvier, est toujours aussi sollicitée qu’au printemps. « Au déconfinement, le 11 mai, on dénombrait 11 853 jours de mobilisation. Au 13 novembre, nous en sommes à 41 500, précise Catherine Lemorton, responsable de la réserve au sein de l’agence de sécurité sanitaire Santé publique France (SPF). Il n’y a pas eu de creux entre la première vague et la deuxième. Quand l’épidémie dans la métropole s’est ralentie fin avril, les outre-mer ont pris le relais. »

A ce jour, 47 063 personnes sont recensées dans ce vivier de professionnels de santé (infirmiers, aides-soignants, médecins, etc.), contre 21 000 au début de la crise. Mais sur le terrain, le personnel mobilisé, comme lors de la première vague, reste relativement limité, une grande partie des inscrits étant déjà en poste par ailleurs : au 13 novembre, 177 réservistes sanitaires étaient déployés en Bourgogne-Franche-Comté, Corse, Guadeloupe, Guyane, Occitanie, Martinique, Polynésie française…

La réserve sanitaire fait aussi face à davantage de difficultés pour recruter. « Toutes professions confondues, j’ai reçu 82 réponses positives, indique Catherine Lemorton à propos de deux appels à volontaires lancés pour la semaine du 16 au 23 novembre. La première quinzaine d’avril, pour la même cible et le même type de missions, on montait facilement à 400 ou 500 réponses. »

  • Des arrêts maladie en hausse

L’absentéisme fait partie des difficultés qui s’ajoutent en cette deuxième vague. D’après la FHF,, par rapport à 2019, les arrêts maladie ont crû chez les personnels non médicaux (infirmiers, aides-soignants, etc.) de 1 % en CHU et de 1,6 % en centre hospitalier, pour s’élever respectivement à 9,5 % et 10,6 %. Principalement en raison des contaminations au Covid-19, d’après la fédération.

Au CHU de Tours, ce taux est passé de 8,5 % à 9 %, soit un demi-point seulement. « Cela représente une quarantaine de postes, cela fait vite des trous dans les équipes, à un moment où nos besoins sont croissants », relève le responsable des ressources humaines du CHU de Tours, Samuel Rouget. A l’AP-HP, le taux a bondi d’un point entre janvier et aujourd’hui, où il s’élève à 9,09 %. Il atteint 13 % à l’AP-HM, contre 10 % en temps normal.


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