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Un fantôme du passé revient nous hanter. La revue Antiquity a publié le mois dernier le résultat d’une enquête scientifique longue d’un demi-siècle. L’enjeu était de comprendre l’histoire d’un crâne retrouvé dans des décombres il y a 55 ans en Grande-Bretagne. Résultat : il appartenait à une jeune fille du IXe siècle, exécutée avec une inqualifiable cruauté. Mais quoi de surprenant au lointain Moyen Âge, réputé brutal et obscur ? Pourquoi ce meurtre aurait-il une signification particulière aujourd’hui ? L’historien et philosophe Pierre Vesperini nous l’explique avec souffle et érudition : loin d’être un isolat dans l’histoire, cette fille a été brutalisée au nom d’une violence continue et millénaire. Une entreprise délibérée d’« avilissement des femmes » et de leur « destruction morale et physique » portée par l’Église et l’État. D’après lui, les violences d’aujourd’hui, les « féminicides » et les « porcs », en sont les héritiers. Vesperini inscrit ainsi sa généalogie dans l’actualité : pour lui, la brutalité continuera tant que « ses racines n’auront pas été clairement nommées, reconnues, et extirpées. »
- La fille avait entre 15 et 18 ans. On lui a tranché le nez et les lèvres, on l’a scalpée, et elle est morte. Et pourtant, ce n’était pas un crime, mais un meurtre légal, prévu par une loi de l’époque. Ce qu’il faut retenir, c’est donc qu’il ne s’agissait pas d’un lynchage spontané : c’était une entreprise rationnelle. L’inspirateur de la loi, l’archevêque d’York Wulfstan, était un ecclésiastique érudit et lettré. Vesperini s’appuie sur l’exemple de ce personnage pour avancer une première thèse. Non, la violence la plus cruelle ne provient pas toujours d’un « peuple » mal éduqué et sauvage que les savants chercheraient à modérer. Elle émanerait aussi d’une « contribution active que, tout au long de l’histoire, les intellectuels ont apporté à l’institution de la violence. »
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