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Laura Rapp en juillet, à son domicile.
Photo Nolwenn Brod. VU pour Libération
Une relation amoureuse qui débute dans le bonheur, puis une emprise qui s’étend petit à petit, des violences qui s’aggravent graduellement, jusqu’à la tentative de meurtre conjugal. Laura a survécu. Après plus de deux ans de bataille judiciaire, elle raconte son parcours à «Libération».
Cela fait alors cinq ans que Laura et F. entretiennent une relation amoureuse, après une rencontre dans le cadre du travail. La jeune femme se souvient d’un «coup de foudre» pour cet homme «charismatique, gentil, avenant, cultivé, poli, bien habillé et qui [la] faisait rire». «Je croyais au prince charmant», ajoute-t-elle, désabusée.
La nuit du 17 avril 2018
D’abord en couple avec une autre, le «prince» se sépare et entreprend auprès de Laura une phase de «séduction un peu à l’ancienne» : petites attentions, fleurs, restos… Rapidement, le couple se met en ménage, et le piège se referme. «On était très fusionnels, il lui arrivait de se montrer jaloux. Je me disais : "Il est un peu lourd, mais c’est parce qu’il est amoureux…" Je me suis isolée sans m’en rendre compte», résume-t-elle.
En réalité, Laura commence à traverser sans le savoir les différentes étapes du cycle de la violence conjugale décrites par les spécialistes : installation de l’emprise de l’agresseur, épisode de violences, aussitôt minimisées, suivi d’une «phase de lune de miel», au cours de laquelle l’agresseur promet de changer. Ainsi, après lui avoir donné une première claque «sous l’emprise de l’alcool», F. s’excuse, emmène Laura en voyage en Grèce, la demande en mariage, lui sort «le grand jeu»… et la convainc de se réinstaller avec lui. «Le début de l’enfer», tranche Laura.
Insultes, dénigrement permanent, coups, étouffement à l’aide d’oreillers au beau milieu de la nuit… Laura quitte F., puis finit par se laisser berner par ses promesses de changement. Mais lorsqu’elle tombe enceinte, les violences reprennent de plus belle. «Après la naissance de ma fille, il ne s’excusait même plus, comme s’il savait que j’étais coincée, comme si je lui appartenais», analyse-t-elle. A plusieurs reprises, la police intervient, alertée par des voisins.
Laura, «paralysée par la peur», ne peut se résoudre à porter plainte. La nuit du 17 avril 2018 sera pour elle un «déclic» : «Il m’a frappée pire que tout, m’a étranglée à plusieurs reprises. Il répétait : "Je vais te tuer." J’ai senti de la force, de la détermination chez lui, et je me suis vue mourir dans les yeux de ma fille. J’ai dû perdre connaissance, quand je me suis réveillée, j’avais vomi», se souvient Laura. Elle parvient à se dégager, mais alors qu’elle veut fuir, elle comprend qu’il l’a enfermée à l’intérieur de l’appartement. «Il m’a cogné la tête contre le sol et les murs», se remémore encore la jeune femme. Alertés par le bruit, les voisins, qui ont appelé la police, sonnent à la porte, tandis que Laura rampe pour récupérer un double des clés. F. s’enfuit. Il est rapidement interpellé et placé en détention provisoire.
Mais en février 2019, il est libéré sous contrôle judiciaire. Alors qu’il est prétendument domicilié dans le Loiret et n’est pas censé l’approcher, Laura l’aperçoit à plusieurs reprises. «Je me suis sentie traquée comme une bête sauvage», dit-elle. Elle se rend au commissariat, alerte la juge d’instruction, et va jusqu’à engager un détective privé pour prouver que son ex-conjoint viole son contrôle judiciaire. Sans résultat. Alors, en mai 2019, elle poste sur Twitter un appel à l’aide assorti de photos de son cou tuméfié, interpelle les médias et le gouvernement. F. finira par être réincarcéré.
Du calvaire au «soulagement»
En décembre dernier, pour cette tentative de meurtre, il a écopé devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine de huit ans de prison, assortis de cinq années de suivi sociojudiciaire. Ce n’est pas pour autant la fin du calvaire de Laura : en première instance, la justice s’était opposée au retrait de l’autorité parentale de F. sur sa fille. «Ça laissait peser une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. C’est tout de même impensable qu’on considère qu’un homme qui tente de tuer la mère de sa fille sous ses yeux puisse être un bon père», s’agace Laura. D’autant que la petite présente de nombreux signes de traumatisme, pour lesquels elle est suivie par des spécialistes : retard de langage, troubles du sommeil, vérification régulière de la fermeture des portes… «Elle répétait : "Il va arriver, papa" et mimait parfois l’étranglement, en disant "papa, maman, bobo"», énumère Laura, très affectée. En septembre, en appel, la justice a finalement prononcé le retrait de l’autorité parentale du père. Un «soulagement» immense pour Laura, qui dit espérer «du changement pour tous les autres enfants».
Depuis la loi Pradié adoptée en décembre 2019, toute personne poursuivie pour un crime sur l’autre parent fera l’objet d’une suspension de plein droit de l’exercice de son autorité parentale pour six mois. Laura, elle, espère parvenir à changer de vie. «J’ai fait une dépression, j’en ai bavé. Aujourd’hui, j’ai moins peur, mais le subconscient continue de travailler. Il m’arrive encore de sursauter au moindre bruit, j’angoisse quand il y a trop de monde, souffle-t-elle. J’ai envie de reprendre une vie normale.»
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