Des mesures supplémentaires pour le handicap. Olivier Véran et Sophie Cluzel ont annoncé ce 4 avril la création d'un accès direct à l'hôpital, un accompagnement renforcé des ESMS et une réouverture des établissements pour assurer une offre de répit.
Les ministres ont largement loué l'engagement des professionnels du secteur. Une reconnaissance qui faisait jusqu'alors défaut aux yeux des premiers concernés.
"Vous n'êtes pas seuls." Tandis que le Collectif handicaps déplorait le manque d'une vraie politique pour le secteur du handicap en ces temps de crise, la secrétaire d'État en charge des Personnes handicapées, Sophie Cluzel, a présenté ce 4 avril avec le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, la nouvelle batterie d'actions à mettre en place pour protéger les personnes en situation de handicap face au Covid-19. Celles-ci entendent à la fois assurer les besoins de répit des familles et donner les moyens d'assurer une prise en charge optimale en cas de contamination par le virus.
Solutions de répit de 7 à 14 jours
Alors que les professionnels s'échinent à trouver des solutions pour accompagner les 150 000 adultes et enfants habituellement accueillis dans les externats dont les portes ont fermé, Sophie Cluzel a insisté sur le besoin de trouver de nouveaux ressorts de prise en charge. "Nous devons nous adapter", a-t-elle poursuivi en évoquant les problèmes que crée la prolongation du confinement pour les personnes, leurs proches et les établissements.
Afin de répondre aux situations de confinement "très difficiles" induisant des effets importants sur la santé mentale et les troubles du comportement, et en supplément de l'assouplissement des règles de sortie (lire notre article), la secrétaire d'État a demandé aux professionnels médico-sociaux d'avoir une attention particulière aux besoins de répit des proches aidants. Au-delà du relayage à domicile, pourra désormais être proposé, "après échange collégial", un accueil temporaire des personnes handicapées en internat. Ce, à raison d'une période de sept à quatorze jours renouvelables. Des solutions qui devront "se concilier et s'adapter avec les exigences de protection sanitaire des personnes", en particulier pour celles particulièrement vulnérables face au coronavirus.
Renforcement des tests
Afin d'accompagner les professionnels et les aidants dans la gestion de la crise et outre les mesures et matériels de prévention, Olivier Véran a demandé à renforcer l'action auprès d'eux grâce à l'intervention d'équipes mobiles de prélèvement dans les établissements pour faciliter le test des personnes accompagnées et des personnels. Dans ce contexte et dans l'optique d'une réouverture partielle des structures pour l'accueil de répit, plusieurs associations ont fait savoir à Hospimedia l'importance de tester les personnes handicapées lors de l'entrée et de la sortie de la structure de répit pour éviter tout risque de contamination.
"Soutenir solidement" les établissements
"Nous souhaitons qu'un maximum de ressources extérieures soient mobilisées en appui de la prise en charge en établissement grâce à des mesures d'urgence", a indiqué Olivier Véran. Le ministre a dans ce cadre déroulé les pistes en cours de déploiement pour "soutenir solidement" les établissements lorsqu'ils doivent organiser les soins de cas suspects ou confirmés de Covid-19. Celles-ci, a-t-il concédé, "ont vocation à être complétées et enrichies" et "ne sont pas gravées dans le marbre".
La mobilisation et la réorientation des professionnels des trente-quatre plateaux de consultation dédiées aux handicaps type Handiconsult et Handisoins pour venir en expertise et en appui des établissements ont ainsi été activées, de même que la facilitation des modalités d'accès à l'hospitalisation à domicile pour une intervention "plus réactive et plus fréquente". Cet accès des établissements sera également étendu aux équipes mobiles d'hygiène hospitalière pour de l'aide à la mise en place des mesures barrières ainsi que pour le nettoyage. "Interlocuteurs des professionnels du grand âge et du handicap", les cellules médico-sociales des ARS devront par ailleurs assurer la mobilisation de professionnels de santé volontaires, la réserve sanitaire, les étudiants en santé voire actionner la réquisition de professionnels de santé "lorsque les ressources internes sont insuffisantes".
Des spécialistes du handicap dans tous les Samu
Le ministre est également revenu sur "le sujet crucial" de l'accès aux soins des personnes handicapées malades du Covid-19. Des fiches réflexes élaborées avec les associations et les fédérations seront à ce titre mises à disposition des centres 15 "dans les plus brefs délais" pour prendre en compte les fragilités liées à certains handicaps dans l'accomplissement de leur mission. Le ministre a également partagé son souhait de voir être mis en place à terme dans chaque centre 15, un médecin régulateur spécialiste du handicap. Une démarche déjà déployée sur certains territoires et qui devra désormais constituer "un standard".
Enfin, une filière d'admission directe en services hospitaliers sera mise en place pour les personnes handicapées et personnes handicapées vieillissantes si nécessaire. Cette demande, formulée par plusieurs associations, associera les soins de suite et de réadaptation, le court séjour et les hôpitaux de proximité, à l'instar du dispositif déployé en début de semaine sur le secteur des personnes âgées (lire notre article). La présence d'un aidant professionnel ou familial devra être envisagée "à titre exceptionnel et dans des conditions très strictes de sécurité lorsque l'établissement de santé n'est pas en mesure d'apporter l'accompagnement nécessaire". Un point "compliqué à mettre en œuvre dans les établissements" mais nécessaire pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap.
Alors que la polémique sur un potentiel "tri" des patients enfle — problématique notamment relayée auprès d'Hospimedia par le Collectif handicaps, l'Unafam ou encore l'Apajh —, le ministre a par ailleurs tenu un discours sans équivoque : "Le handicap ne doit pas être un critère de refus de soins, que l'on parle d'une hospitalisation simple ou d'une réanimation. Je pourfends cela avec la plus grande fermeté." Et d'ajouter : "Il ne saurait être question de mettre le moindre obstacle à leur admission pour ce seul motif."
Ode à l'engagement des professionnels
"Le handicap est globalement oublié dans cette pandémie." Ces mots, prononcés ce 3 avril par Arnaud de Broca président du Collectif handicaps, expriment tout en nuance la colère de nombreuses structures et associations œuvrant dans le secteur. Si l'ensemble des voix saluent l'engagement et la réactivité du secrétariat d'État aux Personnes handicapées, nombreuses sont celles qui déplorent en effet le manque de reconnaissance octroyé aux professionnels, alors que les projecteurs se braquent, ailleurs dans le médico-social, sur les Ehpad. "Ce n'est pas de la jalousie, justifie amèrement Jean-Louis Garcia, président de l'Apajh, tout en louant le travail et le dévouement du reste de la communauté. Mais ce n'est pas normal que pas un mot, pas une phrase n'aient été dits pour remercier les dizaines de milliers de personnes qui accompagnent les personnes handicapées." Au lendemain de ce "coup de gueule" assumé, l'intervention de Sophie Cluzel et Olivier Véran lui donne heureusement tort.
"Je veux dire toute l'attention que nous portons aux professionnels du médico-social dans leur ensemble qui plus que jamais, ne ménagent pas leur temps dans les établissements comme auprès des personnes handicapées à domicile", a ainsi souligné Sophie Cluzel en louant "leur action remarquable". Et Olivier Véran de "saluer et dire toute [s]on admiration et toute [s]a reconnaissance" à l'ensemble de la communauté : professionnels de santé, professionnels médico-sociaux des services à domicile et en établissement comme auxiliaires de vie et aidants.
Agathe Moret
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