« Prendre soin de soi et de ses confrères, ça se travaille ». À ce leitmotiv, qui figure en exergue du DIU « Soigner les soignants », le Pr Éric Galam, qui l’a initié il y a 5 ans à l’université Paris-Diderot ajouterait volontiers un indispensable complément aujourd’hui. Pour soutenir les confrères libéraux pendant l'épidémie de coronavirus, « il ne faut surtout pas limiter la vigilance aux seuls aspects psy même si l’on ne peut que saluer les initiatives qui se développent ici et là », prévient le généraliste, également conseiller de la commission nationale d’entraide de l’Ordre des médecins.
Ainsi, l’organisation réseau national entraide soignants (ORNES), qui répond 24/24 au numéro vert 0 800 288 038, avec assistantes sociales, psychologues, service juridique et médecins s’est étoffée pour pouvoir répondre dès à présent et dans les semaines à venir aux innombrables problèmes qui guettent les praticiens libéraux. Lancé il y a deux ans par les différents Ordres (médecins, infirmiers, kinés, sage femmes), ce dispositif n'est donc pas seulement un numéro d'appel. Le Pr Galam insiste ainsi sur l'importance d'échanger aussi entre confrères. « À l’image de ce qui se fait dans les groupes Balint, qui n’ont rien à voir avec de la psychothérapie, il est plus pertinent de pouvoir en parler entre professionnels, entre confrères », indique-t-il.
Pour soutenir les médecins de ville sur tous ces aspects, le réseau d’entraide a ainsi renforcé le nombre de « confrères de soutien d’astreinte », vers lesquels les quatre assistantes sociales, qui assurent l’accueil téléphonique en semaine, peuvent basculer les appels pour aider les médecins à détricoter leurs besoins avec un confrère. 40 médecins assurent déjà cette astreinte et leur nombre doit doubler dans les semaines à venir.
Nombre d'appels multiplié par deux
Cet accompagnement est nécessaire pour certains médecins dont le quotidien est fortement bousculé par la pandémie de Covid-19. « Beaucoup de généralistes sont déjà fortement touchés par cette épidémie » souligne le Pr Éric Galam, lui-même confronté à de nouvelles problématiques dans son cabinet du XVIIIe arrondissement parisien : réorganiser les consultations qui se tenaient habituellement sans rendez-vous, s’improviser expert en désinfection express, notamment lorsqu’une patiente atteinte du virus manifeste un besoin urgent d’aller aux toilettes qu’ils avaient condamnées, trouver un confrère spécialiste dont le cabinet soit encore ouvert… énumère le praticien.
« Les impacts de cette épidémie sur notre pratique sont nombreux et pas seulement psychologiques », ajoute-t-il. Le nombre d’appels au réseau d’entraide en témoigne, celui-ci a déjà doublé par rapport aux 500 appels enregistrés depuis janvier. « On est bien conscients que les soignants, qui n’allaient déjà pas bien, vont encore aller moins bien après cette crise. Humainement, les médecins ont aujourd’hui peur pour eux, et pour leurs proches, témoigne le Pr Éric Galam.
Le généraliste explique que certains sont confrontés à un questionnement juridique - ai-je bien adressé tel patient ? ou existentiel : dois-je aller renforcer les urgences-ou rester dans un cabinet dont l’activité diminue ? D’autres affrontent de douloureux choix éthiques. « Pour tous, le travail administratif en retard s’accumule, et puis, il faut aussi penser à l’après. Comment redémarrera-t-on, dans un monde qui se réveillera avec plus ou moins de séquelles ? Avec des patients perdus, et beaucoup d’autres dont les pathologies se seront aggravées ? Il faut absolument l’anticiper » insiste le Pr Galam.
Claudine Proust
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