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samedi 11 avril 2020

Grippe espagnole : «La mémoire des épidémies doit être entretenue»

Par L’Opinion  Le 12 avril 2020 

Freddy Vinet, géographe, professeur à l'université Paul-Valéry-Montpellier-III, directeur du master gestion des catastrophes et des risques naturels.
Face aux inconnues de la pandémie actuelle, la tentation est grande de se référer aux épidémies du passé. Longtemps oubliée, la grippe espagnole de 1918-1919 réapparaît comme le parangon épidémique du siècle passé. Face à l'inconnu d'une nouvelle épidémie se fait sentir le besoin de trouver des références dans le passé.

Rappelons ce que fut la pandémie de grippe espagnole pour les contemporains. Elle parcourt le monde en trois vagues entre mars 1918 et l'été 1919, laissant sur son passage 50 à 100 millions de morts, bien plus que le premier conflit mondial. Son origine incertaine (NDLR : Etats-Unis, Chine ?) n'est en tout cas pas espagnole. Lors du pic de la pandémie, entre septembre et novembre 1918, les écoles ferment faute de professeurs, les usines et les transports tournent au ralenti, les récoltes restent parfois sur pied faute de bras. Malgré ce bilan, la grande grippe est longtemps restée oubliée. D'ailleurs, le fait qu'elle conserve pour la postérité ce qualificatif usurpé d'« espagnole » en dit long sur le souvenir qu'on souhaitait lui attacher. La grippe est restée dans l'ombre de la Première Guerre mondiale. Dans les années 1920, la construction de la mémoire nationale (NDLR : surtout en France) est captée par la guerre et ses héros : le poilu, Pétain, Clemenceau… Mais, pour comprendre cette occultation mémorielle de la grippe espagnole, il faut apprécier sa place dans l'histoire épidémiologique. Avec les règles d'hygiène, l'asepsie et la vaccination, on pense avoir jugulé les grandes épidémies. Or les autorités médicales et politiques se retrouvent démunies face à une maladie a priori bénigne. Elles ne souhaitaient donc pas entretenir la mémoire d'un événement dont la gestion fut un échec complet. La grippe espagnole a suscité une telle immunité collective et un tel « effet moisson » qu'elle a inhibé l'apparition d'une pandémie grippale pendant quarante ans. Les pandémies de 1957-1958 (grippe « asiatique » et de 1968-1970 (grippe de Hongkong) qui avaient fait plusieurs dizaines de milliers de morts en France sont passées relativement inaperçues.

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