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lundi 6 mai 2019

Une série américaine suicidogène ?

Deux études se penchent sur l’impact de « 13 Reasons Why » auprès des jeunes.
Par Paul Benkimoun Publié le 6 mai 2019
Dans la série américaine 13 Reasons Why, une jeune fille a laissé des cassettes dans lesquelles elle énonce les treize raisons qui l’ont poussée à mettre fin à ses jours. La première saison a été proposée en bloc sur Netflix le 31 mars 2017, une seconde a suivi en 2018, et la troisième sera diffusée cette année. Massivement regardée, la série a suscité une interrogation : malgré l’avertissement qui précède chacun de ses épisodes, 13 Reasons Why risque-t-elle de provoquer des passages à l’acte chez les jeunes ? En effet, cette tranche d’âge serait plus vulnérable face au risque de « suicide par contagion ». Ce que les psychiatres appellent l’« effet Werther », en référence au personnage de Goethe.

Le suicide, deuxième cause de décès chez les 15-29 ans

Deux études viennent de paraître pour tenter d’y répondre, dans un contexte où l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que le suicide constitue la deuxième cause de décès chez les 15-29 ans.
La plus récente, conduite par Jeffrey Bridge (Nationwide Children’s Hospital, Colombus, Ohio), a été mise en ligne le 28 avril dans le Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry. Les chercheurs ont évalué les taux mensuels de suicide aux Etats-Unis pour trois classes d’âge (10-17 ans, 18-29 ans et 30-64 ans) pour les cinq années de 2013 à 2017. Un total de 180 655 décès sont survenus durant cette période. Au cours du mois d’avril 2017, juste après la première diffusion de la série, le taux global de mort par suicide chez les 10-17 ans s’est accru de 29 % avec, entre avril et décembre 2017, un total de 195 décès de plus que le nombre attendu.
Les auteurs de l’étude ont constaté que l’accroissement du nombre de suicides ne concernait que les garçons, la différence n’étant pas statistiquement significative pour les filles. Il n’y a pas eu d’augmentation chez les sujets de 18 ans et plus. Jeffrey Bridge et ses collègues soulignent que leur « étude comporte plusieurs limites importantes » et que sa conception « limite [leur] capacité à tirer des conclusions entre la diffusion de 13 Reasons Why et l’accroissement des suicides chez des jeunes aux Etats-Unis. »

Deuxième saison

Parue le 25 avril sur le site de la revue Social Science & Medicine, la seconde étude, menée par une équipe internationale, a exploré les effets qu’a produits le visionnage de la deuxième saison de la série. L’enquête menée en deux vagues, l’une peu avant et l’autre un mois après la diffusion, a porté sur un échantillon de 729 jeunes gens âgés de 18 à 29 ans. Conformément à leur hypothèse, Florian Arendt (université de Vienne) et les coauteurs de l’étude retrouvent un risque de suicide plus élevé et un moindre optimisme dans l’avenir chez les jeunes qui ont abandonné en cours de route la seconde saison.
En revanche, ils n’avaient pas anticipé un effet positif chez ceux ayant regardé l’intégralité de cette deuxième saison : une diminution des idées suicidaires et de l’automutilation par rapport à des sujets de même âge n’ayant pas du tout vu la série. Un second effet positif a aussi été retrouvé chez les spectateurs assidus : ils étaient plus enclins à apporter leur aide pour éviter le passage à l’acte d’une personne qui veut se suicider. Une attitude qualifiée d’« effet Papageno », comme le personnage au bord du suicide de La Flûte enchantée, de Mozart, que ses amis raisonnent.

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