Des psychiatres et des associations de patients y voient des « amalgames entre maladie psychique et terrorisme ».
Les autorités de l’Etat – les préfets dans les départements et le préfet de police à Paris – pourront être prévenues lorsqu’une personne fichée pour « radicalisation terroriste » est hospitalisée sans consentement pour des raisons psychiatriques, selon un décret du ministère des solidarités et de la santé publié mardi 7 mai au Journal officiel.
Ce texte a « pour objet la prévention de la radicalisation ». Il autorise le croisement de deux fichiers de données à caractère personnel (identité, date de naissance, etc.). L’un, nommé Hopsyweb, concerne les personnes subissant des « soins psychiatriques sans consentement », et l’autre est le Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
Le décret paru mardi en complète un premier publié le 23 mai 2018, qui autorisait le traitement et la consultation par les autorités des données de Hopsyweb. Ce premier décret avait été dénoncé par des psychiatres et des associations de patients, qui y avaient vu des « amalgames entre maladie psychique et terrorisme ». Il fait l’objet de plusieurs recours devant le Conseil d’Etat pour demander son annulation.
Selon le nouveau décret, « les noms, prénoms et dates de naissance » figurant dans Hopsyweb pourront être « mis en relation avec les mêmes données d’identification enregistrées dans le (…) FSPRT ». « Lorsque cette mise en relation révèle une correspondance des données comparées, le représentant de l’Etat dans le département où a eu lieu l’admission en soins psychiatriques sans consentement et (…) les agents placés sous son autorité (…) en sont informés », stipule le texte.
La CNIL saisie
Ce décret s’accompagne d’un avis de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), organisme chargé de s’assurer du bon usage des données personnelles. L’autorité « souligne la différence profonde d’objet entre les deux fichiers en présence, l’un faisant état d’antécédents psychiatriques d’une certaine gravité, l’autre ayant la nature d’un fichier de renseignement ».
Par conséquent, la mise en relation des deux fichiers « ne peut être envisagée qu’avec une vigilance particulière », prévient la CNIL, selon laquelle le dispositif « pose question » du point de vue du secret médical.
Le lien entre santé mentale, radicalisation, voire attentats est une question polémique. En août 2017, le ministre de l’intérieur de l’époque, Gérard Collomb, avait dit vouloir mobiliser les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres « pour identifier les profils qui peuvent passer à l’acte ». Il estimait qu’« à peu près un tiers » des personnes signalées pour radicalisation « présentent des troubles psychologiques ». Nombre de psychiatres s’étaient élevés contre ces propos. L’ordre des médecins avait rappelé « la nécessité absolue de préserver les principes fondamentaux de l’exercice professionnel, en particulier celui du secret médical ».
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