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vendredi 10 mai 2019

Prolongation de l'Aide à l'enfance : un contrat de dupes

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Un amendement gouvernemental au projet de loi pour l'aide à l'enfance a exclu du nouveau dispositif un nombre considérable de bénéficiaires. La rue va rester pour longtemps encore la dernière issue d’un grand nombre de jeunes confiés à l’ASE.

Tribune. Lundi, le projet de loi présenté par la députée LREM Brigitte Bourguignon censé rendre obligatoire la prolongation de la prise en charge des jeunes placés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) après leurs 18 ans a été dénaturé par un amendement gouvernemental.
Le texte ainsi voté, n’impose aucunement aux départements de poursuivre leur prise en charge. Il organise un dispositif parallèle nommé contrat d’accès à l’autonomie, qui bénéficiera d’un financement de l’Etat. Mais ce contrat ne sera possible que pour les jeunes placés avant l’âge de 16 ans et qui auront cumulé dix-huit mois de placement avant leur majorité. L’étude Elap de 2013 démontre que 44% des jeunes majeurs ont été placés après 16 ans, dont 31% ne sont pas des mineurs étrangers non accompagnés et 69% sont des MNA. Ainsi pour donner quitus à ceux qui réclamaient une exclusion des MNA du dispositif, sans être censuré pour discrimination, le gouvernement a choisi d’exclure de ce nouveau dispositif, un nombre significatif de jeunes vulnérables.

Dispositif incertain et discriminatoire 

Pas de contrat d’accès à l’autonomie à ses 18 ans, pour la jeune fille qui révèle un inceste à 17 ans, pour le jeune homosexuel mis à la porte de chez lui par ses parents à 16 ans et demi, pour les enfants devenus orphelins après cet âge devenu fatidique.
Leur avenir continuera à dépendre de la «compassion» facultative de leur département. La rue à 18 ans va rester pour longtemps encore la dernière issue d’un grand nombre de jeunes confiés à l’ASE. Alors que 40% des SDF de moins de 25 ans sont des sortants de l’ASE et que le nombre de jeunes majeurs pris en charge par les départements a encore baissé de 6% en 2017, on mesure le cynisme de ce gouvernement.
Et pour les autres, les chanceux placés avant l’âge de 16 ans, ce nouveau contrat financé partiellement par l’Etat est bien timide. Aucune obligation de poursuite de la prise en charge ! Une série d’engagements pour le département d’accompagner les jeunes vers les dispositifs de droit commun d’insertion et de formation. Pour éviter la rue ? Un engagement de «garantir l’accès à l’hébergement et au logement» ! Cela veut-il dire que le département devra obligatoirement financer un hébergement ou un logement ou seulement apporter des garanties de solvabilité du jeune, aux opérateurs, sous réserve des places disponibles ? En termes d’efficacité de l’obligation ce n’est pas la même chose.
Un texte pour rien ? Plus grave encore, un texte qui va renvoyer vers un dispositif incertain et discriminatoire ceux qui pouvaient bénéficier d’une prise en charge globale. Car de nombreux départements vont restreindre encore leur politique de poursuite de la prise en charge pour se limiter au seul dispositif cofinancé par l’Etat.
Combien de jeunes pourront rester dans leurs familles d’accueil, dans leurs foyers (s’ils le souhaitent) pour finir leurs études ou leur apprentissage, si l’Etat finance un peu des solutions d’hébergements moins chers ? Tant pis, si le prix a payé est celui de la solitude et de la rupture.
La protection de l’enfance est une politique de suppléance familiale, la puissance publique doit traiter ces jeunes, comme des parents bienveillants doivent traiter leurs enfants. Hier la représentation nationale a été une marâtre.
Lyes Louffok, ancien enfant placé, membre du Conseil national de la protection de l’enfance
Michèle Creoff, vice-présidente du Conseil national de la protection de l’enfance
Céline Greco, ancienne enfant placée, membre du Conseil national de la protection de l’enfance
Françoise Laborde, journaliste et auteure

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