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mardi 7 mai 2019

Le rêve, miroir de notre cerveau en colère

Une baisse d’activité dans l’hémisphère droit favoriserait les émotions liées à la colère. A l’état d’éveil ou durant le sommeil.
Par Sylvie Logean Publié le 7 mai 2019
De quoi avez-vous rêvé la nuit dernière ? Vos songes étaient-ils empreints d’émotions négatives, teintés de rage ? Si oui, il se pourrait bien que le côté droit de votre cortex préfrontal en soit le responsable. En identifiant l’activité cérébrale de dix-sept adultes en bonne santé (dix femmes et sept hommes) ­durant leur sommeil, des chercheurs finlandais, suédois et britanniques ont identifié un marqueur qui expliquerait pourquoi certaines personnes sont plus susceptibles de faire des rêves courroucés durant la nuit.

L’étude, parue à la mi-avril dans le Journal of Neuroscience, affirme en effet qu’une activité moins importante dans l’hémisphère droit du cerveau favoriserait les sentiments de colère à l’état d’éveil – ce qui avait déjà été pointé dans des travaux précédents – mais aussi durant le sommeil. Ce déséquilibre est connu sous le nom d’« asymétrie frontale alpha ». « Il a été démontré que la zone droite du lobe frontal était impliquée dans la ­régulation des émotions, explique Pilleriin Sikka, chercheuse à l’université de Turku, en Finlande, et principale auteure de l’étude. Moins d’activité dans cette zone, qui se caractérise par des oscil­lations importantes des ondes ­alpha, indique que ces personnes pourraient être moins en mesure de contrôler leur colère, y compris dans les rêves. »

Electroencéphalogramme

Cette signature neuronale a été repérée grâce à des enregistrements par électroencéphalo­gramme réalisés au cours de deux nuits passées dans un laboratoire du sommeil. Après cinq minutes de sommeil paradoxal – la phase où les songes sont les plus nombreux –, les participants étaient réveillés, puis invités à décrire leur rêve et évaluer les émotions qu’ils avaient vécues. L’opération a ensuite été répétée tout au long de la nuit.
Conclusion : dans 41 % des rêves rapportés, les participants ont ­déclaré s’être sentis en colère. Et leur activité cérébrale trahissait la même chose. « Notre étude montre qu’il y a un mécanisme similaire à l’œuvre au sein des différents états de conscience, ajoute Pilleriin Sikka. Nous n’excluons pas, à terme, d’utiliser des techniques de stimulation cérébrale afin de moduler l’activité de la partie droite du cortex préfrontal chez les personnes présentant une asymétrie frontale alpha, et de voir si cela modifie la nature des émotions dans leurs songes. »
Si elle nécessite d’être répliquée à plus large échelle afin d’en ­consolider les résultats, cette étude apporte une preuve supplémentaire que les rêves ne sont pas une pure invention du cerveau au réveil. « Certains soutiennent toujours cette théorie, observe Francesca Siclari, médecin au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV, à Lausanne (Suisse). Cette étude suggère que l’on peut se fier aux rapports des songes livrés par les personnes les ayant vécus et qu’il existe même un corrélat neuronal, une sorte d’empreinte objective de ces derniers. »

Régulation des émotions

Parfois extrêmement désagréables, les sensations vécues dans les rêves pourraient aussi, dans certains cas, avoir une fonction de régulation des émotions. Elles nous permettraient de mieux nous préparer à affronter des situations anxiogènes ou de danger susceptibles de se présenter dans la vie réelle. C’est ce qu’a démontré une étude à paraître, réalisée notamment par Sophie Schwartz, professeure au Département des neurosciences fondamentales de l’université de Genève.
« Cette conviction existe de longue date, mais les preuves expé­rimentales manquaient, décrit la scientifique. Pour le prouver, nous avons d’abord identifié les régions du cerveau activées lorsque de la peur est éprouvée dans les rêves, à savoir l’insula, l’amygdale et le ­cortex cingulaire antérieur. Par la suite, nous avons testé 89 participants à l’éveil en leur présentant des images effrayantes et avons constaté que ces mêmes régions s’activaient moins chez les individus dont l’incidence de songes liés à la peur était plus élevée. Ainsi, ces derniers réagissaient de manière moins excessive et plus adaptée aux situations angoissantes. »
Des expériences négatives vécues durant le sommeil pourraient donc nous servir. Pour preuve : selon des observations réalisées par la neurologue française Isabelle Arnulf, les étudiants en médecine qui avaient le plus rêvé de leur concours à venir – même en imaginant les pires scénarios – l’avaient, au final, le mieux réussi. De quoi relativiser la prochaine fois que vous rêverez d’avoir raté un examen ou une présentation importante.

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