Cette maladie gynécologique qui touche une femme sur dix pourrait être plus rapidement prise en charge grâce à un questionnaire, espèrent des chercheurs de l’Inserm.
L’endométriose reste mal connue, mal diagnostiquée et difficilement traitable. Tel est le constat de gynécologues, spécialistes de la reproduction, cliniciens et chercheurs réunis, mardi 30 avril, à l’Inserm, pour faire état des pistes pour lutter contre cette maladie gynécologique qui touche une femme sur dix.
Décrite pour la première fois, en 1860, par le médecin Karel Rokitansky (1804-1878), l’endométriose est caractérisée par la présence de tissus ressemblant à l’endomètre, la muqueuse qui tapisse l’utérus, en dehors de celui-ci. Lors des règles, il arrive que des cellules de l’endomètre, au lieu d’être évacuées, refluent vers le haut par les trompes. Chez certaines femmes, ces cellules prolifèrent et peuvent pénétrer dans les tissus et les organes (ovaires, intestins, vessie…) et provoquer des lésions, nodules et kystes. Parfois asymptomatique, la maladie provoque, dans certains cas, des douleurs fortes (notamment au moment des règles), des hémorragies et/ou une infertilité.
Une dizaine d’items
Le délai diagnostic est estimé en moyenne à sept ans après l’apparition des premiers symptômes. Pour le réduire, l’équipe du professeur Charles Chapron, chef du service de gynécologie chirurgicale de l’hôpital Cochin (AP-HP), travaille sur un questionnaire d’une dizaine d’items sur l’histoire de la maladie, l’intensité des douleurs, les antécédents, les comorbidités (hypothyroïdie, lupus, etc.). Il devrait être proposé dans quelques mois et permettra d’élaborer un score diagnostic fiable à 85-90 %, poursuit le professeur Chapron.
L’imagerie reste également fondamentale pour confirmer ce diagnostic, grâce à une échographie pelvienne endovaginale, qui doit être effectuée par des radiologues appartenant à un réseau d’experts.
Jusqu’à récemment, il était nécessaire d’avoir une preuve histologique avec un prélèvement de tissus pour diagnostiquer et traiter cette maladie. « On voit encore trop de femmes avec des parcours chirurgicaux insupportables. Il faut éviter cette escalade », insiste le professeur Chapron. Il faut, selon ce spécialiste, « repenser l’endométriose », un titre choisi pour un article qu’il publiera dans les prochaines semaines dans Nature Review. « On n’a pas le droit, dans notre service, à Cochin, d’opérer une femme pour une endométriose sans évaluation du risque d’infertilité », poursuit le professeur Chapron. Le but étant d’orienter la patiente vers un réseau pouvant prendre en charge toutes ces problématiques. De nouvelles recommandations ont été mises en place, début 2018, par la Haute Autorité de santé.
« Les règles, c’est naturel, pas la douleur »
L’enjeu est aussi de poursuivre les recherches. « On connaît peu ou pas de chose sur l’histoire naturelle de l’endométriose, c’est-à-dire l’évolution des symptômes et des caractéristiques de la maladie au cours du temps, ni sur les facteurs qui conduisent à une évolution favorable ou défavorable de la maladie », explique Marina Kvaskoff, épidémiologiste. Pourquoi certaines femmes ont des symptômes douloureux et d’autres non, qui persistent après l’hystérectomie ou après la ménopause, ou non. De même, les réponses ne sont pas claires sur l’efficacité des traitements.
Lancée fin octobre 2018, la cohorte ComPaRe-Endométriose compte aujourd’hui environ 8 000 patientes, et l’équipe vise maintenant entre 15 000 à 20 000 patientes. « Une occasion pour les femmes d’être actrices de la recherche sur la maladie », selon Marina Kvaskoff. Pour participer, les femmes atteintes d’endométriose peuvent s’inscrire sur la plate-forme Compare.aphp.fr.
Sous l’impulsion des associations de patientes avec des slogans comme « les règles, c’est naturel, pas la douleur » (Info-endometriose.fr), cette maladie est un peu sortie de l’ombre ces dernières années. Le nombre de publications scientifiques a augmenté avec actuellement quelque 1 400 articles par an.
Profil immunitaire plus perturbé
Le ministère de la santé a annoncé, en mars, un plan d’action pour améliorer sa prise en charge. Un enjeu d’autant plus important que certaines femmes atteintes d’endométriose pourraient faire partie des populations à risque pour d’autres maladies chroniques, des maladies auto-immunes (lupus, polyarthrite rhumatoïde…) ou de migraines, allergies, grande fatigue. Des travaux montrent qu’elles peuvent avoir un profil immunitaire plus perturbé. Une étude attestant un lien entre douleurs pendant les règles et thyroïdite va bientôt être publiée.
L’enjeu est aussi de détecter plus en amont. « Le Graal reste un dépistage précoce, avec la recherche de marqueurs », a souligné, mardi 30 avril, le généticien Daniel Vaiman. Même si les résultats sont encore très hétérogènes, « les microARN[petites molécules complémentaires de l’ADN] représentent une piste intéressante pour diagnostiquer et classer l’endométriose, toujours dans l’optique d’arriver à une médecine personnalisée ».
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