« Les travaux du Dr Tuckey ont ouvert la voie à l’augmentation récente de la pratique de la psychothérapie, une branche de la médecine qui, après avoir longtemps été négligée dans ce pays, est généralement reconnue comme étant de première importance et destinée à un grand développement dans un proche avenir ».
Ces phrases prophétiques ont été écrites voilà 100 ans, en 1919, pour soutenir Charles Lloyd Tuckey, un précurseur de Freud, auprès du Premier ministre du Royaume-Uni, David Lloyd George. Né en 1855, membre de la Medico-Psychological Association (l’organisme précurseur du Royal College of Psychiatrists), Tuckey reste assez méconnu. Pourtant, il a défriché le champ de la psychothérapie « vingt ans avant Freud », en utilisant le terme « psychothérapeutique» dans le titre de son livre, Treatment by Hypnotism and Suggestion, or Psychotherapeutics. La rubrique nécrologique que lui consacra The British Medical Journal en Août 1925[1] précise qu’il fut « très tôt attiré par le traitement par la suggestion. » Il étudia l’hypnose en 1888, à Nancy, avec le médecin français Ambroise-Auguste Liébeault[2], un an avant la visite que Freud consacra à ce même promoteur de l’hypnose, du « magnétisme animal » et de la suggestion.
L’effet « favorisant » de la première guerre mondiale
Tuckey passait pour un homme « sympathique, cultivé et avec des capacités littéraires. » Les historiens de la psychiatrie estiment que l’essor des psychothérapies et plus largement la reconnaissance de la maladie mentale doivent beaucoup à la Première Guerre mondiale qui a provoqué « un changement dans la sensibilisation du public », en raison du nombre très important de « victimes psychologiques » souffrant de « névroses de guerre », ancêtres de l’actuel « syndrome de stress post-traumatique. » Mais Tuckey n’a pas profité de cette reconnaissance. Au contraire, il a connu une existence difficile, entre la fin de la guerre et sa mort, en 1925. Frappé par la maladie, devenu incapable d’exercer, il subsista grâce à une « fiducie secrète » octroyée par le Premier ministre. Cette pension lui fut accordée, grâce au lobbying de certaines personnalités, attristées de la déchéance du « promoteur de l’hypnose médicale au Royaume-Uni. »
Parmi les signataires de la lettre de soutien au Premier ministre, figurait notamment le célèbre médecin canadien William Osler[3] (dont le nom reste associé à l’endocardite). A priori inattendu, ce soutien peut être perçu comme une preuve supplémentaire de l’enracinement de la psychiatrie dans la médecine, même quand sa thématique paraît contestable : magnétisme animal, inconscient, hypnose...
Dr Alain Cohen
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