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samedi 30 mars 2019

De la drogue aux études de médecine, le récit d’un ex-dealer bientôt généraliste

Stéphane Long
| 30.03.2019



Roman Sanchez
Roman Sanchez évoque son parcours chaotique devant des lycéens
Crédit Photo : DR

C’est l’histoire d’une rédemption. À près de 31 ans, Roman Sanchez est en sixième année de médecine et s’apprête à devenir généraliste. Il y a plus de dix ans, le jeune homme originaire de région parisienne échappait de justesse à l’incarcération. Consommateur de drogue, dealer aguerri, il était condamné à trois mois de prison avec sursis à l’âge de 18 ans.

Son premier joint, dit-il, « je l’ai fumé à douze ans dans la cour du collège ». De consommateur, il est passé à la vente. En moyenne, son activité de dealer lui rapportait jusqu’à 2 000 euros par mois… Pourtant bon élève, ses résultats scolaires se sont rapidement effondrés, son assiduité au lycée également. Il n’avait plus d’avenir.
Son histoire, Roman la raconte dans un livre qui devrait paraître cette année. Il y a quelques jours, il est allé à la rencontre de lycéens dans le sud de la France pour partager son expérience, à la demande d’une association de parents d’élèves. Pour « le Quotidien », le jeune homme revient sur son parcours chaotique qui l’a conduit de dealer à l’internat de médecine.
« LE QUOTIDIEN » : Rien ne vous prédisposait à faire médecine. Comment est-ce arrivé ?
ROMAN SANCHEZ : Lorsque j’ai arrêté de dealer, il fallait absolument que je trouve une occupation. Je me suis cherché. J’ai fait un stage de cuisine, j’ai été livreur, j’ai tenté pilote d’avion, mais l’armée n’a pas voulu de moi… et puis j’ai repris mes études. J’ai redoublé trois fois ! J’ai eu mon bac mais il fallait que je trouve un métier. J’aimais les sciences. Je me suis dit « pourquoi pas médecine ? On rend service aux autres, on est correctement payé et on n’a pas de patron ! » Je me suis lancé, un peu par hasard. Mais avant de prendre cette décision, ça m’a pris quatre ans. Quatre ans de trop.

La première année de médecine est réputée très sélective. Et pourtant, vous avez réussi dès votre première tentative. Comment avez-vous fait ?
Déjà, j'ai arrêté de consommer ! Au début, j’étais carrément largué. Je partais de rien, j’étais vraiment nul. Mais j’ai écouté les conseils que nous donnaient les anciens élèves. Ils nous disaient comment travailler, qu’il fallait bosser 12 heures par jour, week-end compris. 
Alors j’ai suivi leurs conseils à la lettre, « bêtement ». J’ai plus travaillé en PACES que pendant toute ma vie auparavant. Et ça a marché ! Je voyais au fil des semaines mon nom remonter dans les classements publiés par la prépa privée dans laquelle j’étais inscrit. Jusqu’à ce que j’arrive en tête. Là, je me suis dit que j’avais une occasion de réussir, qu’il fallait que je la saisisse. Et j’y suis arrivé.

Vous avez livré neuf conférences dans des lycées devant des ados, pour raconter votre parcours. Pourquoi aller à leur rencontre ?
Ce sont des mamans qui avaient entendu mon témoignage à la radio qui m’ont demandé de venir dans des lycées raconter mon histoire. C’est quelque chose que j’avais envie de faire depuis un moment, mais sans oser me lancer. Je me dis que mon exemple peut servir à d’autres.
Que leur dites-vous ?
Je leur parle de mon expérience, de mon vécu par rapport à toutes les drogues que j’ai essayées. On peut apprendre plein de choses sur le sujet dans Wikipédia, mais moi je leur livre le témoignage de quelqu’un qui en a pris, qui connaît les pièges. Je leur raconte tout ça, non pas pour les dégoûter ou leur faire la leçon, mais pour qu’ils l’entendent au moins une fois, qu’ils connaissent la vérité. Je veux juste les mettre en garde.
Quel regard portez-vous sur la politique de lutte contre la drogue en France ?
Personnellement, je suis favorable à la légalisation du cannabis, comme ça se fait dans certains pays, en encadrant la vente et en faisant de la prévention auprès des consommateurs. Les forces de l’ordre devraient se concentrer sur les drogues dures. Je ne crois pas que la contravention pour usage de drogue changera quelque chose. Ça ne réglera pas le problème.
Vous voulez devenir généraliste. Comment voyez-vous votre avenir ?
J’ai signé un contrat d’engagement de service public [le CESP accorde une allocation mensuelle aux étudiants qui s’engagent à s’installer dans une zone sous-dense après leurs études, NDLR]. Je m’installerai peut-être en banlieue, dans un désert médical. Pour l’instant, je n’ai pas d’idée précise. Je réfléchis aussi à suivre une formation d’addictologue.
Pour aider ceux qui comme vous ont sombré à cause de la drogue ?
Pourquoi pas. Ça collerait avec mon ancienne vie ! Mon parcours est là pour leur montrer qu’on peut s’en sortir. Si je pouvais les aider, ce serait l’occasion de me racheter. Et de montrer qu’on peut faire de bonnes choses malgré un passé tumultueux.

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