Crédit Photo : S. Toubon
C'est un témoignage qui a fait le buzz ces dernières semaines dans la communauté médicale active sur Facebook. Il est l'œuvre d'un jeune psychiatre de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) révolté par ses conditions de travail et celles de sa compagne, interne.
L'élément déclencheur de sa colère remonte au dimanche 17 mars. Ce matin-là, 8 h 30, le Dr Joachim Müllner, praticien hospitalier en psychiatrie à l'Hôtel-Dieu, part en garde. Il croise sa compagne, épuisée, qui rentre d'une garde harassante aux urgences de la Pitié-Salpêtrière. Pendant presque vingt heures, l'étudiante n'a pas fermé l'œil « ne serait-ce qu'une seule petite seconde ».
Sans langue de bois, avec une écriture parfois grossière mais visiblement sincère, le Dr Müllner dénonce le manque de moyens qu'il constate à l'hôpital et les conséquences pour les médecins comme pour les patients. « La nuit à la Pitié-Salpêtrière… Et c'est malheureusement un truc de fou mais putain de partout pareil… Pour gérer toutes les urgences de toute la nuit… Il y a… 4 médecins », écrit le praticien.
Une situation qui pèse sur les professionnels : « Ces médecins arrivent au travail et savent qu'ils vont se faire défoncer la gueule et le cerveau de fatigue pendant des heures, des heures et des heures à soigner des gens. » Mais aussi sur les patients : « Et vous ? Vous patients ? Vous faites la queue pendant des heures, des heures et des heures. »
Tout cela sans compter le « salaire de merde » dont bénéficient les internes. « 100 euros pour 14 heures… 7 euros de l'heure », annonce le psychiatre. « Pour rappel, le SMIC horaire net est à environ 8 euros de l'heure », poursuit-il à titre de comparaison.
Être un bon soldat
Passé le temps des constats, c'est tout le système hospitalier que le Dr Müllner vilipende. « Et alors pourquoi n'y a-t-il pas des grèves en pagaille ? Des luttes sans fin pour enfin travailler dans des conditions décentes ? », s'interroge-t-il.
Il critique vertement l'omerta qui peut exister dans la « culture de la médecine à papa » et qui empêche les jeunes médecins d'exprimer leur malaise. « Dans ces institutions, il faut être juste un bon petit soldat qui fait au moins semblant d'aimer obéir aux ordres et fermer sa gueule. »
En cause selon lui, une hiérarchie aveugle aux souffrances des soignants qui ne fait qu'appliquer des ordres venus du haut. « Le ministre fout la pression aux hauts fonctionnaires qui en bons soldats foutent la pression aux directeurs d'hôpitaux qui, en bons soldats, appliquent leurs calculs marchands de chefs d'entreprise de merde à tout le monde… » Non content de cette charge, il développe un réquisitoire piquant contre les « couards » de la hiérarchie, « tout juste bons à appliquer les ordres pour conserver leurs postes pathétiques ».
Cette situation, le Dr Müllner ne la comprend pas et il le fait savoir. « D'un côté il y a 100 milliards d'euros d'évasion fiscale par an… 100 milliards que les riches volent à la France et donc aux services publics… Et de l'autre il y a le déficit de l'AP-HP… 200 pauvres millions… Mais c'est bien aux soignants et aux patients qu'on brise menu les parties », conclut le psychiatre.
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