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LE FAIT
Récits témoignages ou récits de soi. Un recueil de l'association Cordia mis en parallèle avec le travail de la biographe hospitalière Valéria Milewski. Deux projets, une même orientation ? Pas si sûr. L'un parle du quotidien dans la maladie, l'autre simplement d'une vie. Pour chacun de ces projets coconstruits, la parole est pourtant libératrice.
L'ANALYSE
Neuf résidents d'appartements de coordination thérapeutique de l'association Cordia ont confié à une journaliste, Bérénice Geoffray, leurs forces et leurs fragilités quotidiennes dans leur lutte contre leur maladie chronique. Le projet témoignages de l'association a permis d'aboutir à la publication d'un recueil intitulé Derrière les maux, la vie, publié chez Fauves éditions. Cet ouvrage se veut aujourd'hui un guide dans l'accompagnement d'autres personnes, touchées elles aussi par une telle maladie. Car en partageant leurs expériences, les résidents se placent en tant qu'experts et peuvent aider à leur tour. Charge à chaque professionnel de Cordia et d'autres associations de travailler désormais avec ce livre, désigné par son auteur comme un outil ressource du savoir du malade et un outil tiers d'ouverture au dialogue. "Témoigner, c'est laisser une trace et retrouver sa place de sujet vis-à-vis des autres", éclaire Bérénice Geoffray. En leur donnant la parole, ce récit de soi permet en outre aux résidents de renforcer leur propre estime et d'engager un processus de redémarrage vers plus d'autonomie.
Un projet, du temps et un financement
Plus d'un an a été nécessaire à cette journaliste en service civique pour aboutir à cette publication. L'aventure a débuté avec un cadre bien précis : un contrat entre elle et le résident, déconnecté du cadre soignant, prévoyant une rencontre toutes les deux semaines et avec possibilité de rétractation à tout moment pour le résident. Mais rapidement la parole se veut "libératrice" pour les volontaires qui sont allés jusqu'au bout.
Le livre paru, Bérénice Geoffray poursuit désormais ce même projet sur le versant du retour d'expériences en posant la question : "Ce travail a-t-il eu un impact sur le résident ?" Elle aurait tout aussi bien pu transposer ce projet à d'autres structures. C'est possible, selon elle, si la personne est extérieure à l'organisation. Toutefois, explique-t-elle, dans la réalisation concrète, il faut "un réel projet, du temps et un financement". Elle n'envisage donc pas d'en faire un métier à part entière.
Un métier en construction
Valéria Milewski, elle, a construit son projet autour d'une équation personnelle et en a fait son métier. Elle est aujourd'hui biographe hospitalière. Depuis 2007, elle exerce son art au CH Louis-Pasteur de Chartres (Eure-et-Loir) au sein du service d'onco-hématologie. Depuis le début de cette aventure, elle a réalisé une centaine de biographies des patients. Et désormais, elle passe le relais de son action puisqu'elle forme d'autres personnes à cette activité. De quoi s'agit-il exactement ? La biographie hospitalière, explique-t-elle, consiste à "proposer à des personnes en situation palliative de faire le récit de leur vie en toute confidentialité et de recevoir le livre de leur histoire en un à trois exemplaires".
La biographie ou l'autobiographie avec un tiers peut avoir son importance à plusieurs moments de la vie (adolescent en construction, jeune maman...), raconte-t-elle, et peut toucher des personnes en phase terminale ou non, des malades d'Alzheimer ou apparentés... En moyenne, elle réalise six entretiens d'environ trente minutes, dans son bureau ou au lit du malade. "Finalement, ce qui importe c'est le processus", déclare-t-elle. Certaines personnes sont apaisées rien que par l'idée d'entrer dans cette démarche, remarque-t-elle. Et si la biographe ne considère pas ce processus comme un soin, pour les médecins, rapporte-t-elle, cela fait partie de la prise en charge et rentre bel et bien dans le parcours de soin.
Pour asseoir son projet, Valéria Milewski est désormais entrée dans une démarche, doctorante, de recherche qualitative pour définir auprès des soignants, des patients et des proches, les incidences et les spécificités d'une telle initiative. Un premier article devrait paraître d'ici peu. Par ailleurs, un travail est engagé pour faire reconnaître le métier et faire valider la démarche en vue de son inscription dans une nomenclature. La situation est donc ouverte.
Prérequis au métier de biographe hospitalier
En 2015, Valéria Milewski a reçu près de 300 demandes de formation. Elle n'a formé que cinq biographes hospitaliers. Car, selon elle, il faut des prérequis pour exercer ce métier. Être biographe d'une part puisque l'écriture est exigeante et singulière. Être soignant ou bénévole en situation d'autre part car il faut avoir éprouvé où on se situe par rapport à la souffrance de l'autre.Plusieurs structures proposent ou vont proposer une biographie hospitalière, par exemple : Pontoise (Val-d'Oise), Pont-Audemer (Eure), Lille (Nord), Le Mans (Sarthe), Toulouse (Haute-Garonne). Enfin, le métier s'exporte au Québec.
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