06/06/2016
Les antidépresseurs sérotoninergiques augmentent la disponibilité de ce neurotransmetteur au niveau de la synapse, en inhibant la recapture de la sérotonine. Cependant, on sait qu’il existe d’autres moyen de moduler le système sérotoninergique en agissant directement sur les récepteurs de la sérotonine. Ainsi, la fluoxétine qui est un inhibiteur du transporteur de la sérotonine agit également via un effet antagoniste des récepteurs 5HT2C.
La psilocybine est un alkaloïde présent dans les champignons du genre Psilocybe ayant des effets hallucinogènes et qui ne provoquerait pas d’addiction. Son effet psychotrope est médié par un effet agoniste des récepteurs sérotoninergiques 5HT2A. L’équipe du Pr Carhat-Harris, du centre de Neuropsychopharmacologie de l’Imperial College de Londres a publié une étude de faisabilité dans le Lancet sur l’utilisation de la Psilocybine dans la dépression résistante.
Il s’agit d’une étude en ouvert, sans groupe contrôle. La majorité des 72 patients évalués se sont spontanément présentés, et 12 d’entre eux ont été finalement recrutés. Ils avaient tous une dépression résistante à au moins deux antidépresseurs administrés durant 6 semaines. Les patients recevaient la psilocybine à deux reprises, à une semaine d’intervalle, à 10 puis 25 mg. Le déroulement était le suivant : les volontaires assistaient d’abord à une session préparatoire d’environ 4h. Le jour dit, ils prenaient le traitement dans une salle dédiée, dans une lumière tamisée, et baignés dans une ambiance sonore choisie, diffusée par une « système stéréo de haute-qualité » ! Deux thérapeutes étaient constamment présents afin de recueillir les impressions du patient sur son « voyage intérieur ». La plupart des patients ont connu des effets indésirables modérés (anxiété, nausées et maux de tête) durant quelques heures à plusieurs jours. A une semaine de la seconde prise, 7 patients sur les 12 répondaient aux critères de rémission pour la dépression selon les échelles HAM-D et BDI. Cinq patients étaient toujours en rémission 3 mois après le traitement.
Passer outre les réticences ?
Bien entendu, l’étude ne permet pas de répondre à la question de l’efficacité, et ce d’autant plus qu’il s’agissait d’une population de volontaires, ayant probablement une grande attente des effets de la molécule. Rien n’était fait d’ailleurs pour diminuer les effets « psychologiques » du traitement, tant une part belle était faite à la préparation et la recherche des effets hallucinogènes. Cependant, les effets rapides, spectaculaires et prolongés de la substance doivent nous conduire à passer outre notre réticence à proposer un traitement hallucinogène à nos patients, et nul doute que la publication d’une telle étude pilote dans le Lancet n’avait d’autre objectif. L’histoire de la psilocybine n’est pas sans rappeler celle de la kétamine, produit anesthésique possédant des effets dissociatifs puissants, ayant ces dernières années révélé un effet antidépresseur important et rapide. Les prochaines études devront porter une attention particulière à la sélection des patients et la qualité du choix du groupe contrôle, la nature même du produit rendant délicate le maintien de l’aveugle dans ce type d’évaluation.
Dr Alexandre Haroche
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