Si l’incidence transgénérationnelle des troubles dépressifs est bien documentée, et confirme l’accroissement du risque psychopathologique chez les enfants de parents déprimés, l’évolution de ce risque à plus long terme (autour de la quarantaine) restait méconnue. The American Journal of Psychiatry publie le troisième volet d’une enquête épidémiologique sur l’influence au long cours des troubles dépressifs parentaux sur la santé mentale de leur progéniture.
Réalisée aux États-Unis et portant sur le devenir de 103 enfants de parents «modérément à sévèrement déprimés », par rapport à celui de 44 enfants de parents non déprimés (issus d’une communauté avec le même profil sociologique), cette étude longitudinale (menée depuis 1982 et poursuivie jusqu’en 2015, pendant environ 33 ans) compare le risque psychopathologique, au fil de trois décennies, dans ces deux populations (âge moyen : environ 47 ans en fin d’étude) à risque familial « faible » (parents non déprimés) ou « élevé » (parents déprimés). Précisons que la méthodologie de cette étude emprunte à celle des essais contrôlés car pour ne pas être influencés dans leurs évaluations cliniques, les praticiens examinant ces enfants restaient dans l’ignorance du statut des parents (déprimés ou non), plusieurs années auparavant.
Taux de dépressions précoces et de récidives tardives plus marqués en cas d’antécédent familial
Conduite ainsi avec des garanties d’objectivité optimales, cette étude montre que le risque de dépression sévère est « approximativement trois fois plus important » chez les sujets à risque familial élevé. Et c’est entre 15 et 25 ans que ce risque d’inaugurer une problématique psychopathologique s’avère le plus marqué, dans les deux groupes (risque familial « faible » ou risque familial « élevé »). Si un risque de troubles prépubertaires est « rare », il s’avère « plus de 10 fois » plus marqué chez les sujets du groupe à risque familial élevé. Ces états dépressifs à début précoce contribuent « largement » à l’accroissement des taux de dépressions dans le groupe à haut risque familial, mais les récidives tardives dans cette population sont aussi « augmentées de façon significative. » Et même vers la quarantaine, les sujets à haut risque dépressif familial continuent d’éprouver plus de difficultés d’ordre psychopathologique et de recevoir « plus de médicaments pour des problèmes émotionnels ». Dans le groupe à haut risque familial, cette pathologie psychiatrique accrue est associée à une mortalité plus élevée pour des «causes non naturelles » (5,5 % contre 2,5 %), avec une « différence de près de 8 ans » pour l’âge moyen au décès (38,8 ans contre 46,5 ans).
Cette étude prolongée confirme que les problèmes dépressifs des sujets avec des antécédents familiaux ne se résument pas à l’adolescence (restant toutefois une période sensible pour une dépression sévère), mais que la surmorbidité et la surmortalité liées au contexte familial « persistent jusqu’à la quarantaine. » À l’heure d’une « médecine personnalisée », concluent les auteurs, et dans l’attente d’une meilleure compréhension des facteurs de risques biologiques, une simple évaluation des antécédents psychopathologiques familiaux peut constituer un « critère prédictif pour repérer les sujets à risque (dépressif) durable. »
Dr Alain Cohen
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